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L’art peut rendre le monde plus doux

Dalia Chams , Mercredi, 23 mars 2022

Une soixantaine d’artistes exposent, les 25 et 26 mars, 400 oeuvres d’art au profit du Samusocial International Egypte, dans le cadre de l’événement annuel Le Printemps des artistes, organisé par une équipe de femmes expatriées et parrainé par l’ambassade de France au Caire.

L’art peut rendre le monde plus doux
Des contes de fée modernes par Moustafa Rabie.

Quelques jours avant le vernissage de l’exposition, un vieil accordeur de piano s’est mis au travail, resserrant les cordes, dans le hall du palais Mounira. L’édifice, qui date du XIXe siècle et qui sert de locaux à l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) depuis 1907, s’apprête à accueillir Le Printemps des artistes les 25 et 26 mars. Les décors néo-classiques des façades, l’escalier principal, les parquets anciens, les salons et le jardin paisible offrent un cadre charmant à l’événement qui regroupe 60 artistes.


Cueillette d’oranges par Laïla El-Sadda.

Ces derniers sont sollicités pour défendre une bonne cause et susciter la générosité du public. Car une partie des revenus issus de la vente des 400 oeuvres exposées, toutes disciplines confondues, est réservée au Samusocial International Egypte. Cette association à but non lucratif vient en aide, depuis 2008, aux enfants et aux jeunes Egyptiens de la rue, lesquels ont subi l’impact des bouleversements politiques et économiques des dernières années. Le nombre de ces enfants à la situation précaire, estimé d’ailleurs officiellement à 16500, a connu une légère hausse.


Des personnages en verre coloré par Sayed Waked.

Cela fait quatorze ans que la fourgonnette du Samusocial sillonne donc les quartiers du Caire, apportant aux enfants sans-abri des soins médicaux et psychologiques, mais aussi des aides sociales et juridiques. L’équipe fait le tour de plusieurs sites et va souvent là où il y a de la demande, ayant gagné au fil du temps la confiance des personnes concernées.

Un groupe de femmes volontaires et expatriées a alors décidé de réitérer leur solidarité dans un geste concret, en organisant une exposition annuelle d’oeuvres d’art, qui est aujourd’hui à sa sixième édition, à savoir Le Printemps des artistes. Elles ont trouvé que l’art, vecteur de communication et de liens sociaux, est un bon moyen de mobiliser les gens. Il permet de toucher un auditoire plus grand, de créer des interactions et de partager des idées sur une cause. En fin de compte, avec l’argent récupéré, l’association a pu faire beaucoup, soit pour donner de la visibilité à ses actions, soit pour renouveler les cliniques des centres d’accueil et d’hébergement partenaires ou pour recruter des spécialistes.


Mosaïque d’Amal Akhnoukh.

Les cinq organisatrices actuelles s’occupent chacune d’un domaine en particulier: l’une agence les oeuvres en exposition, l’autre gère les finances et le budget, une troisième élabore une stratégie de relations publiques, une quatrième consacre le plus clair de son temps à la communication, etc. «  Nous ne sommes pas des spécialistes d’art. Nous avons lancé un appel à candidature sur les réseaux sociaux, puis nous avons fait notre sélection de manière spontanée. 56% des participants sont des femmes. Et la bonne majorité des artistes viennent de partout en Egypte. Nous avons également réussi à attirer huit sponsors », souligne Isabelle Gilistro, coordinatrice de l’événement, vivant en Egypte depuis 8 ans environ.

Tour d’horizon des nouvelles créations


Paysage pittoresque de Hadil El-Faramawy.

Les plasticiens sont ainsi représentatifs de la scène artistique égyptienne. Certains n’ont jamais quitté le pays, alors que d’autres sont installés à l’étranger, et peuvent constituer les vraies découvertes de cette exposition. Car leurs oeuvres ne sont pas toutes très connues sur le plan local. C’est le cas par exemple de Kinda Adly, née en 1989 et vivant en Suisse, laquelle s’inspire des mangas japonais, en combinant des éléments du pop art et des cartoons. Il en est de même pour Hadil El-Faramawy, qui a fait des études à Singapour, et qui multiplie les paysages d’influence impressionniste, peints à l’huile ou à l’acrylique, évoquant le souvenir d’endroits où elle a vécu en Asie, en Egypte ou en Italie. Amal Akhnoukh a exploré l’art de la mosaïque, de retour de Montréal en 2014. Ses protagonistes femmes ne sont pas sans rappeler le regard des portraits du Fayoum.

En outre, ceux qui sont originaires de la Haute-Egypte connectent passé et présent à leur manière. Adham Badawy, né à Sohag en 1988, peint des créatures mystiques, on dirait des villageoises ancestrales qui présentent leurs offrandes aux dieux dans les vergers, près de chez lui.

Les paysages champêtres et les scènes du quotidien sont monnaie courante: cueillette d’orangers par Laïla El-Sadda, villageois comme dans les contes de fée par Moustafa Rabie, vendeur de réglisse sculpté par Ammar Shiha, le salon cosy aux lumières feutrées de Yasser Gaessa, les personnages en verre soufflé de Sayed Waked et les femmes en bronze, aux formes plantureuses, de Mona Heikal. Cette dernière est maître de conférence aux beaux-arts de Mansoura, elle y enseigne la sculpture, comme plusieurs autres dans cette exposition, qui viennent vraiment des quatre coins d’Egypte, qu’ils soient universitaires ou autodidactes.


Présence du quotidien par Yasser Gaessa.

Sont organisées également, en marge de l’exposition, plusieurs projections de courts métrages, réalisés par sept jeunes artistes, tels I’m not From Here (je ne suis pas d’ici) de Youssef Adris et Athaar (ruines) de Zara Naber. Ces créations sont imprégnées par le thème de la migration, son long chemin et les drames que cela entraîne. Adris, un Cairote qui réside à Toronto, aborde le départ d’un groupe appartenant à la jeunesse dorée égyptienne pour la Nouvelle-Zélande, exposant leurs peurs et leurs motifs. Zara Naber, cinéaste jordanienne, traite dans son premier film de la construction identitaire en diaspora.

De très bons choix, faisant la richesse de cet évènement, où l’art remet en scène la vie quotidienne, en souhaitant rendre la réalité plus douce.

Au palais Mounira, Locaux de l’IFAO, 37 rue Al-Cheikh Ali Youssef. Tél: 227900255. Le 25 mars, de 10h à 17h, et le 26, de 10h à 20h. Le 26, performance de la Chorale française, à 16h.

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