Youssef Wahbi et Asmahane, des peintures au pochoir et à l’aquarelle. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
A la galerie Arttalks, l’univers de l’artiste égyptoarménien Chant Avedissian (1951-2018) se dévoile. Des peintures à l’huile, à l’aquarelle et au pochoir, des cartes postales, des habits et du textile ... Cet artiste est ressuscité et ses oeuvres montrent sa forte relation avec son pays natal, l’Egypte. Le titre même de l’exposition, Chant égyptien, comporte une connotation qui résume le concept de l’ensemble de son oeuvre, le fait qu’il chante l’Egypte. Cherchant à documenter les artistes et à montrer leurs oeuvres au grand public, la galerie ArtTalks a organisé cette exposition en hommage à ce peintre (1951-2018). Les oeuvres exposées sont empruntées à la collection privée de la famille de l’Arménien George Mikaelian.
Des paysannes avec une palette riche et joyeuse. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Au milieu de l’exposition, plusieurs livres et revues étalés sur une grande table évoquent la genèse de l’artiste, ses premières expositions en Egypte, ses origines familiales arméniennes, etc. Dans une série de peintures au pochoir et à l’aquarelle, Avedissian reproduit les figures iconiques du cinéma égyptien : Hind Rostom, Youssef Wahbi, Asmahane, Tahiya Carioca, Naguib Al-Rihani, Samia Gamal, Oum Kalsoum et Faten Hamama. Sa technique au pochoir et ses couleurs d’aquarelle sont inspirées des couvertures des magazines égyptiens des années 1950 et 1960. Avedissian reprend ces couvertures et y ajoute des détails exagérés : des couleurs, des traits de visage, etc. Les icônes peintes et reproduites sont plutôt l’enjeu de la propagande. Avedissian dénonce par sa technique au pochoir et sa palette de couleurs les pubs et les images trop brillantes des stars égyptiennes. « L’image dans la presse n’est pas vraie parce que les gens ne se tiennent pas comme ça et ne ressemblent pas à ça … Tout est faux », évoquait l’artiste dans un entretien au journal Tresholds en 2008.
Cette peinture était un outil de dénonciation, mais aussi une création de valeur de par sa technique, ses couleurs et l’allure antique des unes des magazines d’autrefois.
Les paysages au bord du Nil
Le monde rural et son architecture. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Chant Avedissian est fortement touché par le monde rural au bord du Nil et le quotidien des paysans. Les bateaux à voile sont la grande inspiration des oeuvres à l’aquarelle sur papier. Le Nil chez Avedissian emprunte les couleurs reflétées par le mouvement du soleil. La surface de l’eau est tantôt de couleur grisâtre, montrant l’absence du soleil à l’aube, tantôt de couleur orange chaude avec des nuances de marron foncé reflétant le soleil au crépuscule. Dans des peintures à l’huile sur canevas et sur toile de jute, l’architecture simple des villages ruraux de l’Egypte est soulignée. Influencé par son ami et mentor l’architecte Hassan Fathi, Avedissian peint les maisons avec des arches et des coupoles. Des oeuvres porteuses de l’identité égyptienne.
La femme entre joie et tristesse
(Photo : Bassam Al-Zoghby)
Dans une autre série de portraits de petit format, Chant Avedissian s’inspire des femmes paysannes et de leur quotidien. Les portraits de ces femmes à l’aquarelle illustrent leur routine dans le champ et à la maison. L’accent est mis sur les détails du visage. On voit la femme marcher dans les champs, danser, attendre sous un palmier ou un arbre. Ces femmes paysannes sont des personnes joyeuses et pleines de vivacité. Certains tableaux à l’huile échappent à cette joie et reflètent plutôt ces êtres féminins et leurs états d’âmes. Avec une palette sobre, des corps en noir se perdent dans l’espace. Ici, les protagonistes d’Avedissian sont plutôt des silhouettes abstraites. Juste les yeux et un grand voile noir suffisent à déterminer l’allure de ces femmes tristes. Ayant comme sujet la femme, Avedissian symbolise les contrastes éternels de la vie (joie et tristesse, jour et nuit, éclat et sobriété) en jouant avec l’art figuratif et l’abstraction.
Cet Arménien d’Egypte, avec sa création artistique variée, s’était lancé dans l’aventure du design du textile et des costumes. Dans la galerie, un mannequin de femme porte des habits traditionnels arméniens brodés et en velours. Quelques sketchs de design sont placés à côté du mannequin.
Dans la galerie, un mannequin avec un habit
traditionnel. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Epris de littérature française et surtout de poésie, après un long séjour en France dans les années 1970, Avedissian s’est inspiré des poèmes de Baudelaire et de Rimbaud dans des tableaux à l’aquarelle reflétant des horizons et des espaces imaginaires. Il joue avec la transcription d’extraits de poèmes signés par ces auteurs et le contraste avec les couleurs de la toile de fond du tableau. Entre l’Egypte, l’Arménie et la France, les oeuvres de Chant Avedissian dévoilent une riche expérience multiculturelle et une création variée.
Chant égyptien, jusqu’au 15 janvier, tous les jours de 11h à 20h (sauf le vendredi) à la galerie ArtTalks, 8, rue Al- Kamel Mohamad, Zamalek.
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