Dans deux salles de la galerie parisienne Roger-Viollet, située au VIe arrondissement, sont exposées, en exclusivité, pour la première fois, cinquante photographies panoramiques en noir et blanc, issues de la collection Léon et Lévy datant du début du XXe siècle. Et ce, sous le titre L’Orient en grand, une épopée photographique au format panoramique. Les photos rassemblent différents paysages d’Egypte, de Tunisie, du Maroc et d’Algérie, mais on y voit aussi des personnes habillées en costumes traditionnels de leur pays.
Femmes d’Orient, début du siècle dernier.
En 1864, Isaac dit Georges Lévy (1833-1913) et son beau-fils Moyse Léon (1812-?) décident de fonder un studio d’imprimerie de photographies. Ils publient des clichés de photographes et produisent des cartes postales sous la marque « L.L. » jusqu’en 1917, où ils cessent leur activité. En 1867, le studio participe à l’Exposition universelle, où il remporte la « Grande médaille d’or de l’Empereur », et en 1869, lors de l’inauguration du Canal de Suez, ils impriment les 300 images du photographe Auguste-Rosalie Bisson dans le cadre de son projet « Voyage Sur le Nil ». L’équipe du studio comptait entre 400 et 500 personnes, couvrant toute la chaîne de production, de la fabrication à la distribution. Lévy et Léon ont ainsi travaillé comme éditeurs-photographes et imprimeurs de photos, puis leur studio a été vendu à Emile Crété en 1922.
Leur collection compte environ 30000 photographies d’Europe, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique. C’est l’une des plus riches collections d’iconographie européenne de la région du Maghreb. En 1970, l’agence Roger-Viollet rachète les fonds du studio, qui comptent des centaines de milliers de plaques en verre, lesquelles sont actuellement conservées à la Bibliothèque historique de la ville de Paris.
La particularité de ces clichés est que le tirage des images se faisait à travers des plaques en verre de format 16x42cm, des mesures inhabituelles qui ne s’utilisent plus et qui permettent d’obtenir des vues horizontales et verticales, en donnant un effet panoramique. Ainsi, les photographes ont été obligés de mettre des chambres noires de taille inhabituelle pour soutenir les plaques de verre, qu’ils portaient partout avec eux.
Ces tirages sont donc très rares, non seulement pour leur taille, mais aussi pour leur âge. En effet, à cause de la fragilité des négatifs et ce processus particulier, les photos risquaient de ne plus être réimprimées. Plusieurs photos peuvent former une seule scène, notamment les oeuvres représentant les oasis de Tozeur en Tunisie et celle d’OEuds, dans le Sahara algérien, datant de 1900.
Explorer les colonies exotiques
L’objectif des artistes dont les oeuvres sont actuellement en exposition était de photographier des paysages ou des personnes et de ramener en France de belles photos, pour qu’ensuite, celles-ci soient développées et imprimées en tant que cartes postales ou albums-photos. Léon et Lévy envoyaient leurs opérateurs-explorateurs-photographes en mission au Nord de l’Afrique, pour essayer de prendre des photos qui fascineraient le public européen, pour qu’il découvre les modes de vie des colonies nord-africaines de l’Empire français, ainsi que l’Egypte.
Cela étant, les photographies soulignent souvent l’exotisme de ces pays, leurs cultures, en mettant en avant des paysages uniques, présents dans ces régions, de quoi faire rêver les Européens à une époque où les voyages n’étaient pas accessibles à tous et très peu de journaux publiaient des illustrations à ce sujet. Certaines photos, en exposition, sont également extraites du catalogue généraliste que le studio Léon et Lévy avait développé, portant sur l’Egypte, la Syrie et l’actuelle Turquie.
L’exposition nous offre une perspective différente de l’Orient du début du XXe siècle. Et ce, à travers les clichés rares et époustouflants, nous montrant les dunes du Sahara algérien, les pyramides de Guiza et le Sphinx, les toits des villes marocaines, les palmiers des oasis tunisiennes, les felouques du Nil, des femmes recouvertes de bijoux, ainsi que des soldats soudanais en Egypte. Ce qui reste impressionnant c’est aussi la netteté et la clarté de ces images que le visiteur de l’exposition pourrait facilement prendre comme étant le fruit de quelques techniques modernes. Grâce à un contraste de couleurs très vif, le visiteur peut admirer les détails présents sur chaque cliché.
Les techniques photographiques de l’époque ne permettaient pas de prendre des photos instantanément, les personnes photographiées devaient donc poser pendant quelques secondes. Néanmoins, ces clichés restent fidèles à la nature des sujets, en les montrant dans leur élément, avec leurs costumes dans des poses mondaines ou de la vie quotidienne.
Les photos en exposition sont en vente, les prix peuvent aller jusqu’à environ 700 euros l’unité pour un cliché encadré. Elles sont disponibles en édition limitée .
L’Orient en grand, une épopée photographique au format panoramique, exposition gratuite, à la galerie Roger-Viollet, quartier de la Monnaie, 6 rue de Seine, VIe arrondissement, Paris. De 14h à 19h, du mardi au samedi, jusqu’au 8 janvier 2022.
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