Des femmes et des maisons pleines de petites histoires.
(Photo : Ahmad Abdel-Razeq)
Bien que reconnu internationalement, l’artiste Hassan Al-Charq maintient sa tenue villageoise, il se promène toujours en djellaba à la galerie Cleg, où il expose actuellement sous le titre de Hakawi Al-Charq (les contes d’Orient). Les responsables de la nouvelle galerie, située à Al-Cheikh Zayed, se sont engagées à lui organiser au moins une exposition annuelle, afin de mettre en valeur son travail prolifique.
Dès l’entrée de la galerie, les contes peints par Al-Charq nous plongent dans un univers des Mille et une nuits, marqué par le monde rural de son village d’origine à Minya, Zawyet Sultan. « Celui-ci est situé à 18km de la ville de Béni-Hassan, un site historique où se trouve l’une des plus grandes nécropoles pharaoniques d’Egypte. Depuis la fenêtre de ma maison, je surplombe tout le cimetière, avec ses tombes surmontées de dômes », souligne Hassan Al-Charq (littéralement, Hassan d’Orient). Ce sont les spécialistes allemands qui l’ont surnommé ainsi, puisqu’il concrétise à leurs yeux tout le charme oriental d’un artiste autodidacte, avec ses dessins aux colorations multiples, non sans rappeler ceux gravés sur les murs de la nécropole pharaonique. Al-Charq a recours au pointillisme, usant de pigmentations colorées et de motifs en miniature répétitifs. Son travail est riche en ornementations, inspirées de motifs populaires égyptiens, pharaoniques, coptes, islamiques et ruraux. Celles-ci remplissent souvent l’espace du tableau.
Parfois, il puise ses scènes dans le monde héroïque de la Geste hilalienne (récit épique de Béni Hilal), dans les dessins décorant les maisons à l’occasion du hadj (pèlerinage) ou des cérémonies de mariage populaires. Parfois aussi, il emprunte des proverbes arabes, s’inspire des fêtes foraines et des séances d’exorcisme, etc. Ses oeuvres abondent également de motifs et de symboles populaires comme le poisson, les oiseaux, la paume de la main, le fer à cheval, les coupoles, les colombes, les palmiers… Et souvent, il est question de femmes villageoises, en grand nombre, portant le hiram (sorte de voile typique de cette région). Elles ont des traits égyptiens, avec de grands yeux expressifs. Leurs corps assez ronds sont bien tassés, elles sont serrées les unes contre les autres. Car la rotondité est en effet l’une de ses obsessions, exprimant l’alternance entre la vie et la mort.
Schéhérazade raconte
Hassan Al-Charq favorise les métaphores poétiques, l’idée de la masse, l’aspect iconographique, les rituels ancestraux. Chacun de ses protagonistes a l’air de connaître parfaitement le rôle qu’il tient au sein de l’oeuvre, qu’il soit un roi ou un clochard, un soufi, un derviche ou une danseuse orientale. Parmi eux, on identifie facilement Schéhérazade et Chahriar, étant toujours les principaux narrateurs de ses contes en peinture. « Les contes de ma grand-mère ont suscité mon imagination d’enfant. A un âge plus mûr, j’aimais beaucoup écouter la radio, suivant surtout les plus beaux contes narrés par Zakariya Al-Higawi et les extraits des Mille et une nuits qu’on diffusait », confie-t-il. Rien n’est calculé chez Al-Charq qui a recours à l’improvisation, ayant une vocation innée pour le beau et l’esthétique. Son oeuvre dégage une chaleur très particulière, empruntée au soleil ardent de la Haute-Egypte. Les toiles sont teintées de couleurs épicées, avec du jaune, du rouge orangé… Il lui arrive aussi d’inventer ses propres couleurs, préparées à base d’herbes naturelles.
Al-Charq se sert de tous les papiers qui lui tombent sous la main: papier lin, papier blanc recyclé, papier d’emballage, papier beurre, papyrus, toile… Il utilise l’encre de Chine pour définir les contours, il s’en sert comme lignes de démarcation entre les couleurs, miroir d’une essence millénaire.
Jusqu’au 22 novembre, à la galerie Cleg, de 11h à 18h (sauf le dimanche). Villa 118, District des diplomates, Al-Cheikh Zayed.
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