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Banah : Marier musique orientale et jazz c’est réunir deux mondes différents

Propos recueillis par Lamiaa Alsadaty, Mardi, 09 novembre 2021

A travers le jazz aux tonalités orientales, Banah, chanteuse palestinienne installée à Bahreïn, cherche à se trouver une place sur la scène musicale. Elle vient de participer au Festival du jazz au Caire.

Banah

AL-Ahram Hebdo : Vous avez une formation en business, vous avez travaillé dans le secteur bancaire, puis vous avez créé une agence publicitaire avant de vous orienter vers le chant. Pourquoi avez-vous décidé de changer de carrière ?

Banah : Chanter était toujours un rêve qui me caressait l’esprit. Or, il y a toujours eu des obstacles quant à sa réalisation. Mais je n’ai jamais baissé les bras. Après une dizaine d’années dans le domaine du business, j’ai décidé de devenir animatrice de radio. Un domaine qui n’est pas loin de celui de la musique, tout en croyant que ceci allait apaiser mon engouement pour le chant. Mais, bien au contraire, celui-ci n’a fait que l’accentuer. Et voilà ! Cela fait 3 ans que j’ai signé avec la société Universel. La vie est si courte pour ne pas faire ce que l’on aime.

— Vous êtes bahreïnie d’origine palestinienne, née au Canada. Cependant, vous avez débuté votre carrière en interprétant des chansons en dialectal libanais …

— Tout à fait. Peut-être parce que j’étais plus habituée aux chansons libanaises, notamment celles de Faïrouz et de Julia Boutros. A l’époque, je pensais que le libanais est plus familier. Mais maintenant, je cherche à accéder à des horizons plus larges en chantant aussi en égyptien, en palestinien et avec l’accent du Golfe ou même en anglais. C’est un moyen de travailler sa voix et d’offrir au public le maximum.

— Malgré votre parcours musical relativement court, vous tenez à prendre part à la plupart des festivals de musique, notamment dans la région arabe. Le public influence-t-il le choix de votre répertoire ?

— Bien sûr ! J’ai donné un concert il y a un mois dans le cadre du festival She Arts organisé à l’Université américaine du Caire. Il s’agissait de rendre hommage à toutes les chanteuses qui ont fait du jazz, soul ou blues. Ainsi, j’ai chanté Faïrouz, Asmahan, Aretha Franlin, Etta James, Ella Fitzgerald, des femmes qui ont laissé des traces importantes sur ce genre. Dans les soirées privées par exemple, ce sont plutôt des chansons pop ou commerciales que j’interprète.

— Le mariage entre la musique orientale et le jazz est considéré par certains comme une sorte de mutilation. Qu’en dites-vous ?

— Mutilation est un mot si fort ! Je ne crois pas qu’on peut parler de mutilation au niveau de la musique. Le jazz est un genre de musique dans lequel l’improvisation joue un rôle important. Dans la plupart des soirées de jazz, les musiciens jouent des solos qu’ils improvisent sur place, ce qui demande une grande habileté. Le chanteur de jazz, quant à lui, doit articuler avec précision et privilégier l’expressivité de la mélodie, sans chercher à tout prix à mettre en valeur la beauté de sa voix. Ce qui n’est pas évident pour un chanteur qui interprète une chanson arabe. Cela dit, marier musique orientale et jazz c’est réunir deux mondes différents : l’un est plus structuré, l’autre plus libre. Toutefois, Ziyad Rahbani, cette grande figure de la musique arabe, en est le pionnier. Et avec Faïrouz, il a brillamment réussi à faire une bonne combinaison entre musique orientale classique et jazz.

— Vous avez déclaré à plusieurs reprises que tout artiste doit beaucoup apprendre de la diva Faïrouz, sans essayer de l’imiter. Qu’avez-vous appris d’elle ?

— La première leçon que j’ai apprise d’elle c’est que chanter ne signifie pas étaler ses aptitudes vocales et abuser des ornementations, mais parfois c’est la simplicité et le naturel qui communiquent le mieux les fortes sensations. Et puis, le vrai potentiel d’un chanteur c’est de savoir agrandir son ambitus. Ainsi, elle chante dans des styles aussi différents que les classiques de la musique arabe traditionnelle, des chants religieux, de la comédie musicale … En outre, lorsqu’elle a chanté des morceaux composés par son fils Ziad Rahbani, elle a réussi à signer encore un nouveau départ dans des tons plus jazzy. Lorsque j’ai débuté ma carrière, je me suis mis à chanter Faïrouz, du coup on m’a accusée de vouloir l’imiter. Or, le style de Faïrouz est si pur et parfait qu’il est impossible de l’imiter.

— Quels sont vos projets à venir ?

— Je prendrai part au Bahreïn Jazz Festival qui aura lieu le mois prochain. Je travaille ces jours-ci sur un projet avec un nouveau concept : Musique entre Orient et Occident, réunissant des chansons de Sayed Darwich, Whitney Huston … de manière à arranger les chansons occidentales dans une perspective orientale, et vice-versa. Du jazz, du blues et du rock vont donc à la rencontre de la musique orientale, à travers des soirées prévues en 2022, à Dubaï et à Londres. En outre, un album-concept, dont les chansons seront liées à des sujets tabous, plus ouverts à des idées autres que l’amour et la trahison, est en élaboration .

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