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Au-delà des poèmes

May Sélim, Mardi, 12 octobre 2021

Durant la 9e édition du Festival du centre-ville sur les arts contemporains (D-CAF), deux manifestations s’inspirent de poésie arabe : le spectacle Celle qui habitait la maison avant moi et l’exposition Oublié comme si tu n’avais jamais existé.

Au-delà des poèmes
(Photo : Moustpaha Abdel-Ati)

Le spectacle Celle qui habitait la maison avant moi, une mise en scène du Français Henri Jules Julien, basée sur le recueil éponyme de la Syrienne Racha Omran ; et l’expo-photo de Hana Gamal Oublié comme si tu n’avais jamais existé, inspirée d’un poème du même titre du Palestinien Mahmoud Darwich : deux manifestations qui s’inspirent de la poésie. « J’ai traduit les poèmes de Racha Omran vers le français depuis deux ou trois ans, en coopération avec Mireille Mikhaïl. J’ai réussi à les publier en Suisse aux éditions Héros Limite. Les textes m’inspirent beaucoup, d’où le spectacle actuel, en arabe et en français, avec la présence sur scène de la poétesse Racha Omran », explique Henri Jules Julien. Le texte adapté pour la mise en scène est récité en arabe par la poétesse, et la version française, par la comédienne syrienne Nanda Mohamed.

Le metteur en scène a recours à une troisième voix, celle de la comédienne Isabelle Duthoit, que l’on entend uniquement. Cette dernière ne chante pas de mots, mais exprime des émotions, juste par des cris, des mélodies, etc. « Donc il y a presque trois langues sur les planches », lance Jules Julien. Et à Nanda Mohamed de commenter : « Travailler dans un spectacle bilingue n’est pas nouveau pour moi. C’est un défi supplémentaire pour le comédien, lequel exige une très forte concentration ».

Les poèmes de Racha Omran, publiés en 85 pages, suivent une évolution dramatique sur les planches, grâce à une mise en scène très subtile. Les trois femmes commencent à réciter les poèmes dans le noir. Elles forment un petit cercle. L’éclairage conçu par Christophe Cardon tient un rôle important et contribue visuellement à cette évolution. Les femmes se rapprochent, s’éloignent, se séparent, s’assoient, l’une d’entre elles pose sa tête sur l’épaule de l’autre, et ainsi de suite jusqu’à la fin du recueil, exprimant dans l’ensemble des émotions très féminines.

De la parole à l’image

Au-delà des poèmes
Les photos de Hana Gamal mélangent des scènes du quotidien et des souvenirs personnels. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Tous les soirs entre 18h et 22h, la terrasse Victoria, en haut de l’immeuble Al-Chorbagui, rue Abdel-Khaleq Sarwat, accueille les visiteurs pour découvrir l’exposition de photos Oublié comme si tu n’avais jamais existé. La terrasse, récemment aménagée par la société Ismaïliya pour les biens immobiliers, partenaire du D-CAF, s’anime par la voix de Mahmoud Darwich, diffusée par des équipements audio durant toute l’exposition, répartie entre 9 petites salles. Les photos de Hana Gamal forment des boîtes cadrées en noir, accrochées sous la lumière. Chacune des salles est réservée à une différente installation de photos représentant une part des souvenirs de l’artiste ou un aspect de sa vie au quotidien. Dans la routine, certains détails s’estompent et l’on peut oublier des proches. Hana Gamal tente alors de capter ces détails et de réhabiliter ces personnes proches. Elle propose au public de partager ses sentiments de nostalgie et de faire attention aux simples petits détails quotidiens.

Parfois, il est question de photos en noir et blanc ou d’affiches d’Oum Kalsoum, elle s’inspire de proverbes ou de versets coraniques qu’elle a captés sur les murs des anciennes maisons et magasins. Gamal expose aussi des photos-souvenirs d’un proche qui n’est plus.

Dans l’une des salles, on voit des visages qu’elle a découverts dans les moyens de transport. Une femme est assise en plissant les yeux, fuyant un quotidien difficile, alors que le véhicule roule en toute vitesse. Une autre place sa main sur la vitre pour rattraper un souffle d’air, à la recherche d’espoir. Deux jeunes hommes sont complètement perdus dans un brouillard de fumée …

En couleurs, une photo de la mer qui accueille les estivants est assez grande et couvre le plafond de toute une salle. Au-dessous, sont placées deux chaises longues. Des enfants excités de jouer sur la plage, des adultes en train de plonger dans l’eau, on a l’impression de sentir l’odeur de la mer et de s’amuser autant qu’eux.

Au fur et à mesure, la voix de Darwich s’éloigne, faisant place à une chanson de guignol, interprétée par Omar Al-Chérif dans l’un de ses films. Sur les murs, des anciens calendriers en carton, une copie jaunâtre du quotidien Al-Akhbar évoquent les années qui coulent. Une partie de notre histoire, de notre vie, tombe dans l’oubli.

Celle qui habitait la maison avant moi, les 20 et 21 octobre à 20h au théâtre Rawabet, 5 rue Hussein pacha Al-Meamari. Oublié comme si tu n’avais jamais existé, exposition jusqu’au 22 octobre, de 18h à 22h, au Victoria Rooftop, 42 rue Abdel-Khaleq Sarwat.

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