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Moussa, un héros à la Spartacus

Yasser Moheb, Mercredi, 06 octobre 2021

Dans son dernier film d’auteur Moussa, Peter Mimi décide de nager dans de nouvelles eaux plus profondes. Il s’aventure dans la science-fiction excessive.

Moussa, un héros à la Spartacus

Moussa est le dernier-né du réalisateur Peter Mimi, célèbre pour ses films d’action, de suspense et de science-fiction, aux idées le plus souvent novatrices. Un dernier métrage en date qui ne fait pas exception. Film d’auteur, Moussa s’inspire des films américains sur les robots, en essayant de doubler son effort pour offrir à la trame une teinte émotionnelle et moralisante. Moussa n’est qu’un robot ; le héros du film a su le munir d’une conscience, et l’intrigue nous amène à découvrir le résultat. L’histoire se déroule dans un espace et un temps indéterminés, probablement un futur proche. Yéhia — interprété par Karim Mahmoud Abdel-Aziz — est un jeune introverti, étudiant en ingénierie, dont la vie est assez alambiquée. Un peu déséquilibré à la suite de la mort de sa mère, il mène une vie paisible auprès de son père, également un ingénieur (le comédien Salah Abdallah). N’ayant pas d’amis à la faculté, il passe son temps seul, toujours avec des écouteurs sur les oreilles. C’est sa façon de rester isolé de son entourage, observant au loin Mariam — interprétée par Sara Al-Chami — une collègue dont il est épris.

Assez intelligent et ouvert sur la nouvelle technologie, il subit la persécution de l’un de ses professeurs (le comédien Iyad Nassar). Ce dernier ne rate pas d’occasion pour l’insulter et se moquer de lui devant ses pairs. Pour ce, Yéhia décide d’inventer un robot géant qu’il appelle Moussa, un prénom qu’il aurait donné à son deuxième fils, s’il en avait eu. C’est à travers ce robot qu’il va prendre sa vengeance sur tous les « vilains » qui l’entourent, surtout qu’il a lié le robot à son propre système nerveux, de façon à ce qu’il réagisse selon ses ressentis et ses ordres.

D’abord, il agit en représailles contre les voleurs qui ont assassiné son père devant lui, sans qu’il puisse le défendre. Durant ses actes de vengeance, il sera aidé par son amie Rika, qui croit en son droit de punir ceux qui ont détruit sa vie. Ainsi, d’une aventure à l’autre, les nouvelles de Moussa font la une de tous les médias, et il devient, pour les enfants et les adolescents, un héros national à la Spartacus.

Failles scénaristiques

La manière dont le sujet est traité garde un côté très cliché, car c’est l’exacte représentation — ou à peu près — des séries des robots vengeurs The Avengers, dont les héros colossaux ne réagissent que pour maintenir la paix et défendre le bien. Le robot Moussa devient la seule figure, dans la vie du personnage principal du film, qui porte des valeurs humaines. L’intrigue du film peut paraître, au début, difficile à s’enchaîner, en raison de la technique rapide du montage, présentant plusieurs plans successifs à différentes périodes. Toutefois, il se construit progressivement à mesure que le dialogue entre les protagonistes, au début du film, introduit ce qui leur arrive plus tard.

Septième film d’auteur dans la filmographie du réalisateur, il est le plus innovant de tous. Peter Mimi a voulu être le premier Egyptien, voire Arabe, à aborder directement la robotique et l’intelligence artificielle. D’ailleurs, l’écriture et les préparatifs ont duré deux ans, depuis octobre 2019, et la production a nécessité un budget colossal.

Pourtant, c’est le script le plus discutable de Peter Mimi, puisqu’il mise essentiellement sur l’originalité de sa thématique, avec les aventures du robot, et cela se passe au détriment des autres éléments stylistiques et scénaristiques. D’où des problèmes au niveau de la narration créative, de l’enchaînement des événements, du soin des détails, de l’épaisseur dramatique des personnages du film …

Vers la fin du film, on voit apparaître le comédien Ahmad Hatem dans le rôle d’un pirate bienfaisant, qui a déjà figuré dans un précédent film de Mimi. Il est censé aider le héros à pirater les comptes bancaires de personnes corrompues et à transférer leur argent à des associations caritatives. C’est exactement comme si Batman vient de paraître comme invité d’honneur à la fin d’une aventure d’Iron Man !

Autre défaillance notable, l’incroyable manque de charisme chez les personnages secondaires. Si la relation touchante entre Yéhia et son robot, Moussa, compose l’essence principale du long métrage, les autres rôles semblent avoir été sacrifiés. Ils s’avèrent très fades ou bien trop bizarres, voire souvent superflus.

Primauté du côté graphique

Le réalisateur Peter Mimi soigne normalement le côté esthétique de ses films, sans grandes sophistications : des cadres bien travaillés, du décor autant riche qu’adéquat et une photo le plus souvent admirable. Dans Moussa, il s’intéresse presque uniquement au côté graphique, surtout lorsqu’il s’agit de scènes d’actions, avec le robot. L’univers des protagonistes est trop limité et insuffisamment riche, il ne renferme guère d’idées visuelles marquantes. Les plus fortes sont celles des aventures du robot. En ces quelques courts moments, la réalisation de Peter Mimi décolle et ne se cantonne pas dans le plan-plan routinier du film.

La bande musicale signée Khaled Al-Kammar offre une certaine élégance au film, ainsi qu’une émotion qui se développe avec la progression des événements. Les comédiens sont presque tous excellents, surtout Karim Mahmoud Abdel-Aziz, devenu plus mûr. Il a campé habilement son rôle, sans perdre la crédibilité nécessaire. Salah Abdallah, dans le rôle du père, est toujours fidèle à lui-même, mais encore plus serein et posé. Iyad Nassar, lui, est toujours aussi convaincant, offrant une performance humaine de l’enquêteur. Celui-ci a tendance à être impulsif, à réagir de manière excessive et à prendre de mauvaises décisions au travail, étant très instable dans sa vie privée.

Moussa reste un très bon film pop-corn. On laisse ses problèmes à l’entrée et on garde les yeux rivés sur l’écran pour suivre une fiction proche de King Kong ou Terminator. Il remplit donc parfaitement son contrat essentiel : du fantastique, de la science-fiction au maximum, tout en étant une première dans le cinéma égyptien.

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