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Le cinéma francophone fait sa rentrée à Alexandrie

Lamiaa Alsadaty, Mardi, 07 septembre 2021

La première édition du Festival international du cinéma francophone se déroule du 11 au 16 septembre à Alexandrie, sous les auspices du ministère égyptien de la Culture.

Le cinéma francophone fait sa rentrée à Alexandrie
Anne Brigitte Rouan, présidente du jury des longs métrages.
Alexandrie …pourquoi ? Il ne s’agit pas là du premier volet de la tétralogie de Youssef Chahine. Mais c’est plutôt une question qui se pose de prime abord dès l’annonce de la création d’un festival sur le cinéma francophone dans la ville côtière. « Le premier spectacle des frères Lumière a eu lieu à Paris le 25 décembre 1895. Leur premier spectacle hors de France était le 6 janvier 1896 à Alexandrie : quelques jours seulement séparent la naissance du cinéma francophone en France et en Egypte », souligne l’écrivain Mohamed Salmawy, président du haut comité du festival. Et d’ajouter : « Il ne faut pas oublier non plus que l’Egypte est membre de l’Organisation de la Francophonie ; la langue française y côtoyait autrefois l’arabe, surtout à Alexandrie, cette grande ville cosmopolite ».

Il était normal de choisir Alexandrie pour tenir ce festival international sur le cinéma francophone. Car elle est considérée comme étant la capitale de la francophonie en Egypte et est située au carrefour des civilisations. Elle accueille depuis plus de 30 ans l’Université Senghor, laquelle forme depuis les meilleurs étudiants africains ; ceux-ci contribuent — de retour dans leurs pays — au développement du continent noir.

Ayant comme axe principal « les horizons de la coproduction », la plupart des films participants sont essentiellement une coproduction entre des pays francophones, arabes ou européens.

Le cinéma francophone fait sa rentrée à Alexandrie
Eltellek Khalas (je t’ai dit fini !).

Plus de 25 pays francophones prennent part aux deux catégories : longs et courts métrages. Parmi les longs métrages participants : le film libanais Eltellek Khalas (je t’ai dit c’est fini !). Produit, réalisé et interprété par Ellie Khalifé, le film tourne autour d’un réalisateur qui écrit un scénario mais se perd ou confond les personnages de l’histoire qu’il écrit avec ceux de la réalité. Ainsi, l’interférence entre ses relations naturelles et imaginaires se fait dans un cadre dérisoire, racontant l’histoire d’un réalisateur qui craint de ne pas pouvoir réaliser son film. « C’est le reflet de nous tous », souligne Khalifé dans la presse.

Sélectionné aux Prisma Independent Film Awards, le métrage chypriote Senior Citizen de Marinos Kartikkis est un film d’émotion. Il aborde l’histoire d’un homme âgé et solitaire qui se réfugie à l’hôpital tous les soirs pour passer la nuit. Ayant peur de la solitude, il y dort sur les bancs et les chaises. Chaque matin, il retourne chez lui, où son seul compagnon est son chat et ses souvenirs.

Le film roumain Dog Poop Girl d’Andrei Hutuleac, quant à lui, tourne autour de l’histoire d’une femme accompagnée de son chien dans une voiture du métro de Bucarest. Le chien y a fait ses besoins, et l’incident est filmé par une adolescente qui le poste en ligne. Le chaos s’ensuit. Des moments comiques aigus mêlés avec une amertume sous-jacente.

En outre, deux films marocains Morjana de Jamal Souissi et Lost de Saïd Khallaf s’ajoutent au programme avec le Grec The Tailor de Sonia Liza Kenterman. Ce dernier film est d’ailleurs projeté en première au Moyen-Orient.

Parmi les coproductions programmées : la coproduction serbo-croatienne A Blue Flower de Zrenko Ogresta, ainsi qu’une coproduction marocaine, suisse, italienne et belge, Atlas de Niccolo Castelli.

Le jury des longs métrages en compétition est présidé par Anne Brigitte Rouan et se compose de trois membres : le cinéaste tunisien Mehdi Hmili, la productrice géorgienne Tinatin Kajrishvili et le comédien serbe Radovic. Dans cette catégorie, trois trophées seront remis : celui du meilleur comédien, de la meilleure comédienne et du meilleur film.

Des courts métrages en lice

Le cinéma francophone fait sa rentrée à Alexandrie
3 Logical Exits.

Par ailleurs, la compétition des courts métrages réunit des coproductions, telle la coproduction franco-danoise 3 Logical Exits de Mahdi Fleifel. Deux courts métrages égyptiens participent également. Il s’agit d’Al-Gamie Yartadi Al-Abiad (tout le monde porte le blanc) d’Abanoub Youssef (une première internationale) et Iza Wagadtani fil Qahéra (si tu me trouves au Caire) de Rana Ali (une première internationale).

Le jury des courts métrages est présidé par le critique français Cédric Succivalli et regroupe deux autres cinéastes, à savoir le Tunisien Mokhtar Ladjimi et l’Egyptien Mouni Mahmoud (directeur artistique du Festival d’Alexandrie pour les courts métrages). Deux trophées seront remis : le prix du meilleur court métrage et le prix spécial du jury.

Film d’ouverture et hommages

Pour inaugurer cette première édition, Louqsor de Zeina Dorra, une coproduction entre l’Egypte, les Emirats arabes unis et l’Angleterre, sera projetée pour la première fois au Moyen-Orient, en présence du producteur égyptien Mohamed Hefzi.

Le cinéma francophone fait sa rentrée à Alexandrie
Lost.

Une programmation parallèle est également prévue : Une rétrospective sur le cinéaste foisonnant Youssef Chahine qui constitue, pour tous les cinéphiles, une figure incontournable associée à l’Orient, au monde arabe et au tiers-monde, ayant surtout incarné un cinéma engagé, qui mêle divertissement et combat. Ainsi, cette rétrospective aura lieu à travers la projection de sa tétralogie Alexandrie … Pourquoi ? La Mémoire, Alexandrie encore et toujours, Alexandrie-New York, ainsi que Siraa fil Mina (les eaux noires).

Durant cette première édition, le cinéma tunisien sera à l’honneur. Et ce, dans le cadre de la célébration de l’année culturelle égypto-tunisienne. Des films tunisiens classiques seront donc en projection tels Soleil des hyènes de Ridha Behi, L’Homme de cendres de Nouri Bouzid, Halfaouine l’enfant des terraces de Férid Boughedir et Les Silences du palais de Moufida Tlatli. « L’hommage que l’on rend au cinéma tunisien se fait aussi sous l’intitulé de l’Egypte aux yeux de la Tunisie, à travers la projection de deux courts métrages du cinéaste tunisien Mostapha Hasnaoui, dont les oeuvres étaient toujours centrées sur l’Egypte, comme Quand la femme chante et Zélal (ombres, réalisé en collaboration avec Marianne Khouri). Le festival rendra également hommage au parrain des producteurs tunisiens Hassen Daldoul, aussi bien qu’à la société Misr International Films, fondée par Youssef Chahine », indique Mohamad Atef, directeur artistique du festival. En plus des projections, plusieurs séminaires seront au menu à la salle de conférences de l’hôtel Green Plaza, à Alexandrie.

Le cinéma francophone fait sa rentrée à Alexandrie
Dog Poop Girl.

La ville côtière accueille annuellement au mois d’octobre le Festival international du cinéma. En quoi le festival du cinéma francophone pourrait-il en être différent ? « C’est un festival de genre, dans ce sens où tous les films qui y participent sont issus de pays francophones. Cette francophonie s’étend au niveau de tous les continents, d’où émane une diversité intéressante. La littérature francophone, sinon la culture francophone en général, a quelque chose de très particulier. Est-il de même pour le cinéma francophone ? Une question à laquelle on va répondre durant le festival ? », affirme Mohamed Salmawy.

Or, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) est complètement absente de cet événement. Son agenda rassemble cependant 10 festivals, soutenus en 2020 et 2021, dont le Festival de la création cinématographique de Guinée (FECCIG) (Guinée Conakry), FESPACO (Burkina Faso), le Festival international du film francophone de Namur (Belgique), les Journées cinématographiques de Carthage (Tunisie). Se contenterait-elle d’observer de loin, en attendant de voir ce que le Festival international du cinéma francophone va donner ? La question s’impose, dans l’attente d’une réponse.

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