Al-Ahram Hebdo : Comment avez-vous eu l’idée du film L’Examen, présenté au Festival de Karlovy Vary en compétition officielle ?
Shawkat Amin : Je savais depuis longtemps qu’il se passait quelque chose au niveau des examens du bac chez nous. Lorsque j’ai commencé ma recherche, j’ai découvert que la réalité était beaucoup plus grave que je ne l’imaginais, et je me suis mis à écrire le scénario. C’est une période très difficile dans la vie des étudiants du monde entier. Car c’est leur avenir qui est en jeu. C’est aussi très stressant pour les familles.
— En regardant le film, on est pris de surprise que la tricherie est si institutionnalisée. Y a-t-il une exagération dramatique pour mettre en lumière ce phénomène ?
— Ce n’est pas un documentaire, il y a de la fiction bien sûr pour les nécessités dramatiques, mais je ne peux pas dire que c’est exagéré.
— Vous avez grandi en Iran. Le persan est-il pour vous la langue du coeur ou la langue de la tête ?
— La langue persane bien que je l’aie apprise à mon enfance, comme étant ma première langue, elle ne peut guère remplacer ma langue maternelle qui est le kurde. J’écris en kurde et je réfléchis en kurde. Je vis maintenant, depuis une vingtaine d’années, à Erbil (au Kurdistan iraqien).
— N’avez-vous pas essayé de fuir l’Iraq à un moment donné, surtout lorsque les troupes de Daech se sont emparées de plusieurs régions ?
— Non, je suis resté à Erbil, j’y ai vécu cette période atroce, mais tout est calme pour le moment.
— La rencontre de Shilan avec les vendeurs des réponses du bac se passe dans un sous-sol, où il y a des bureaux. On dirait tout un monde souterrain, loin des yeux des autorités. Ce monde « underground » peut se trouver partout, non ?
— Effectivement, ce monde souterrain permet de montrer que quelque chose d’illégal a lieu et est bien ancré en société. Ceci m’effraie et effraie toute la société. J’ai pensé aux gens du Kurdistan, en faisant le film. Je voulais montrer ce qui s’y passe, pour sonner l’alarme.
— Rien n’a-t-il été fait par le gouvernement pour faire face à cette situation ?
— Il y a un an à Dohuk, une ville près d’Erbil, une mafia des examens a été démantelée. Tout le monde en a parlé. Et je pense qu’à force d’en parler on peut changer la donne.
— Dans votre film, les femmes sont très braves et les hommes sont tous méchants, à l’exception d’un seul, Jamal, lequel a essayé de combattre la mafia des examens. Etes-vous féministe ?
— Pas du tout. Votre remarque m’étonne. Le père croyait bien faire en mariant sa fille. Le mari n’était pas méchant, mais simplement élevé d’une manière différente. C’est un vendeur de poissons qui n’a pas fait d’études. Shilan est devenue un anti-héros, elle a décidé d’aller jusqu’au bout et d’acheter les réponses des examens, en traitant avec la mafia. Ceci n’empêche que je suis pour la cause des femmes, pour leur émancipation, ceci est clair à travers le film.
— Comment trouvez-vous des fonds pour tourner ? Pensez-vous créer une école de cinéma pour former des jeunes ?
— Le ministère de la Culture avait créé un fonds pour soutenir le cinéma, mais avec la guerre contre Daech on n’en parle plus. C’est pour cette raison que nous cherchons les fonds en Europe et avons pu avoir un financement de l’Allemagne et du Qatar.
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