Attention ! Ceci n’est pas une plage ordinaire où la vue de la mer et le va-et-vient des vagues font partie du paysage habituel. Plage Champollion, l’exposition en cours à l’espace Access Art, au centre-ville du Caire, est une plage urbaine, fictive et nostalgique. Elle propose aux visiteurs un été différent. Un été vu par cinq jeunes artistes, qui viennent de sortir d’une période d’isolement et de confinement. A savoir : Lina Ossama, Mohamed Al-Sayyad, Marwan Sabra, Peter Blodau et Fatma Moutsapha.
La Voix d’une nation (Oum Kalsoum), par Lina Ossama. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Les cinq tentent de semer un air de gaieté par leurs oeuvres. Ils proposent au public de prendre son souffle et de retrouver la vie. « L’idée de l’exposition est de proposer une plage fictive, un exutoire aux Cairotes. Notre plage est loin de la mer, alors qu’on est en plein été et presque à la fin de la saison d’exposition. Champollion est une rue célèbre du centre-ville, qui donne accès à notre galerie. Nous espérons transformer cette manifestation en une exposition annuelle qui se tient en été », souligne Mina Noshi, de la galerie Access.
L’artiste Lina Ossama expose une série de tableaux sous le titre de Devenir Vintage. Elle puise son monde dans des images nostalgiques de quelques icônes et stars du cinéma et de la télévision entre 1960 et 1990 ! « Oui, les années 1990 sont aujourd’hui considérées comme vintage. C’est choquant, mais c’est la vérité ! Mes souvenirs d’enfance, mes idoles de jeunesse sont devenus des symboles d’un monde nostalgique et lointain », explique Lina Ossama.
Le réel et le surréel dans les tableaux
de Marwan Sabra. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Ces tableaux en acrylique jouent avec des icônes égyptiennes et universelles. On y retrouve des images de comédiens de la sitcom américaine Friends, des scènes de la série télévisée Power Rangers et du film Titanic. Quelques peintures représentent Oum Kalsoum en tant que jeune chanteuse portant une robe à manches courtes, la danseuse Samia Gamal avec des figures symboliques de danseuses de l’Egypte Ancienne, la comédienne Soad Hosni au volant de sa voiture ou la chanteuse Chadia au téléphone.
Les couleurs sont chaudes, gaies et pleines de vivacité. Les stars rappellent par leurs allures et leurs habits les étés d’autrefois. Quelques touches dorées éparpillées sur certains tableaux évoquent un monde en paillettes, un passé qui n’est plus.
Or, Lina Ossama n’est guère pessimiste. Partant d’une célèbre photo de Lady Diana au site de Taj Mahal, elle associe dans son tableau d’autres personnages féminins glorieux : Diana est assise devant le Taj Mahal avec la princesse Fawzia (la soeur du roi Farouq), le Robot Sofia et Frida Kahlo.
Sous le ciel bleu du Caire
L’été en espace urbain capte l’attention du peintre allemand, ayant des origines irlando-britanniques, Peter Blodau. Il est attiré par le centre-ville cairote et reproduit les toits de ses immeubles, en perspective verticale. « J’aime Le Caire, la ville et les lumières. Sur les toits chaotiques, c’est tout un autre univers. Cela me permet de voir la ville autrement. Sur les toits, avec leurs perspectives architecturales et verticales, on respire mieux … Il y a un souffle d’air », estime Peter Blodau.
Tree of Love, par Fatma Moustapha. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Ses tableaux, en noir et blanc, nous font redécouvrir quelques célèbres immeubles de la place Ramsès et de la place Tahrir. Et grâce au jeu du clair-obscur, aux nuances du noir et blanc, on reconnaît le site, en plein soleil et pendant le soir. Puis, à l’aide d’une palette plus riche en couleurs, il peint le pont du 6 Octobre avec ses différentes ramifications et ses publicités éblouissantes.
Les peintures de Marwan Sabra associent le réel à d’autres éléments surréels. Dans l’un de ses tableaux, il souligne la présence des bouteilles de Coca Cola, puis dans un autre tableau, un éboueur se contente de dévorer un cornet à glace. Il a l’air de se reposer et de s’envoler en l’air. Sabra joue sur l’idée de l’été extravagant. Ses reproductions d’icônes égyptiennes, avec leurs postures exagérées, reflètent plutôt son désir de dessiner un sourire sur les lèvres des visiteurs de l’exposition, restés au Caire pendant l’été en pleine chaleur.
Quelques tableaux en petits formats signés par la jeune Fatma Moustapha révèlent une technique de peinture, de coloration et de broderie assez remarquable. Ce sont des portraits en toile qu’elle teinte elle-même. L’artiste dessine et brode des portraits auxquels elle attribue des titres assez significatifs, tel Tree of Love, le portrait d’une amie dont le visage et la chevelure se rapprochent de la forme d’un arbre. Dans d’autres tableaux, associant la broderie, la peinture et la photographie, elle fait toujours des portraits de femmes, qui se détachent sur un paysage verdâtre ou sous un ciel bleu. Le cercle est souvent chez elle symbole de la réflexion et de l’espoir.
Voyage à l’au-delà
Un voyage mystique, par Mohamed Al-Sayyad. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Les oeuvres de Mohamed Al-Sayyad nous mènent dans un voyage vers l’au-delà, la spiritualité et le soufisme. Sculpteur à l’origine, il crée des oeuvres qui sont plutôt des tableaux dont certaines parties sont mises en relief ou réalisées en trois dimensions. Al-Sayyad jongle avec les lettres arabes, les textes soufis et les parties du corps humain. « C’est une technique que je développe depuis une quinzaine d’années. Je m’intéresse à la lettre arabe, comme faisant partie de la composition artistique. Je me sers aussi des textes soufis d’Al-Niffari que j’utilise pour rapprocher l’idée du voyage de l’homme vers le nirvana à travers le soufisme », explique Al-Sayyad.
Dans chacun des tableaux, la lettre arabe est dominante, le texte soufi est à peine lu et quelques parties du corps sont également présentes. Al-Sayyad résume le voyage vers le savoir absolu, la force métaphysique et la divinité. Le voyage est serein et propose un soulagement.
Plage Champollion, jusqu’au 5 septembre, de 12h à 21h (sauf les jeudis et vendredis) à l’espace Access Art. 10, rue Al-Nabarawi, de la rue Champollion, centre-ville.
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