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Le cinéma d’épouvante, un genre qui s’impose

Yasser Moheb, Mardi, 02 mars 2021

Trois fictions actuellement en projection, entre films d’horreur et oeuvres fantastiques, témoignent du nouvel essor que connaît le cinéma d’épouvante en Egypte.

Le cinéma d’épouvante, un genre qui s’impose
Rima.

C’est bien clair : les films d’horreur et les films fan­tastiques n’ont cessé de repousser les limites du genre, ces quelques dernières années, pour toucher un public de plus en plus large en Egypte comme partout dans le monde. Récemment, les films d’épouvante exploitant les écrans se sont multipliés, suivant logiquement les évolutions du genre dans ses diffé­rentes idées et techniques.

Du film Ahlam Haqiqiya (de vrais rêves) réalisé par Mohamad Gomaa, aux deux adaptations selon les romans d’Ahmad Mourad : Al-Fil Al-Azraq (l’éléphant bleu) et Torab Al-Masse (poussière de diamant) réalisés tous les deux par Marwan Hamed, en pas­sant par Mantéqa Mahzoura (région interdite) de Mohamad Fikri et par 122 de Yasser Al-Yasseri, les films fantastiques et d’épouvante gagnent de plus en plus de terrain.

En l’absence de blockbusters dans les salles à cause de la pandémie et à la suite du report constant de la sortie de nouveaux films, certains distribu­teurs ont néanmoins accepté de sortir leurs films d’horreur et de suspense en ce début d’année 2021, offrant aux salles obscures plus de chance d’atti­rer un public en quête de frissons et de sensations fortes !

Malédictions, faits paranormaux, chasse à l’homme, possession ..., les amateurs des films du genre ont de quoi se régaler.

D’abord, il y a l’oeuvre dont la sor­tie est la plus récente Qabl Al-Arbéïne (avant le 40e jour du décès), signée Moataz Hossam et écrite par Ahmad Osman. Basé sur une histoire vraie, selon les termes du scénariste, le film se déroule dans un cadre dramatique assez classique, celui du monde des djinns et des spectres menant des actes surnaturels. Il s’agit d’une mai­son de famille, regroupant entre ses étages et appartements deux frères et une soeur qui viennent d’hériter cette maison au lendemain de la mort de leur père, suivie de celle de leur soeur, interprétée par Dalia Moustapha. Ils ont trouvé cette dernière étranglée, après avoir empoisonné son mari ! Les événements s’enchaînent et l’on découvre qu’elle était possédée par l’un des démons hantant la demeure familiale.

Ces démons étaient surtout incarnés par le vieux gardien aveugle et sa femme. Le seul rescapé qui a échappé à la malfaisance des djinns fut le fils de la jeune « étranglée », qu’inter­prète le jeune Moataz Hicham. Il voit souvent le spectre de sa mère, notam­ment au rez-de-chaussée de la mai­son, lui répétant qu’elle restera à ses côtés 40 jours après sa mort, ensuite, elle disparaîtra de sa vie. Elle le pousse à se faire protéger en portant des talismans, mais ceux-ci ne vont pas empêcher l’avènement de nou­veaux crimes.

Le cinéma d’épouvante, un genre qui s’impose
Khan Tyola.

Les histoires classiques de djinns se ressemblent, avec des idées métaphy­siques et une bonne dose de psycha­nalyse : tout est préparé tel un repas de « fantastique chaud », bien servi. Les images soignées et les jeux de caméra créatifs réussissent à doubler le suspense. La maîtrise du montage, avec des plans séquences raccourcis et nerveux, soutiennent l’évolution des événements dans le film. Celui-ci a constitué un come-back réussi pour les deux comédiennes Basma et Dalia Moustapha, sans sophistication pour la première et par un caractère énig­matique bien campé pour la seconde. Le casting reste sans faute, malgré quelques seconds rôles trop plas­tiques et un aspect d’over-acting dans quelques scènes.

La bande musicale, signée Mohamad Medhat, quoiqu’adéquate pour un film du genre, n’arrive pas à cacher l’influence du film à succès Al-Fil Al-Azraq (l’éléphant bleu) sur ce compositeur, notamment la bande sonore de Hicham Nazih et les scènes d’hallucination satanique, lorsque la performance vocale vient de s’entre­lacer avec les différents instruments choisis intelligemment par le compo­siteur.

Prévoir la mort de ses proches

Clairement pensé comme un phé­nomène succinct, le deuxième film d’épouvante Rima, du même réalisa­teur Moataz Hossam, s’inspire princi­palement du phénomène des capaci­tés paranormales. Comme le dévoile le titre, le film tourne autour de la petite fille Rima, interprétée par l’en­fant syrienne Rim Abdel-Qader, qui passe son enfance auprès de son père, le comédien Ihab Fahmi, à la suite de la mort de sa mère pendant l’accou­chement. Gardant ses propres idées spirituelles, ce jeune père, un micro à l’oreille, est doté d’une capacité spé­ciale l’aidant à prévoir le futur. Une fois mort, Rima hérite ce même don, lui permettant de prévoir la date pré­cise de la mort de certains parmi ses proches.

Un jour, elle décide d’échapper à la maison de sa grand-mère, interprétée par Hala Fakher, laquelle essayait de l’enfermer chez elle par peur de la perdre. La petite est adoptée par une famille aisée n’ayant pas d’enfants. Au sein de cette famille, elle mène une nouvelle vie et de nouvelles aventures, toutes plus compliquées les unes que les autres.

Une atmosphère socio-énigmatique que le cinéma égyptien actuel fré­quente dans peu de films, mais le réalisateur évite là les effets en excès et s’appuie essentiellement sur la magnifique petite actrice principale. Les yeux habités de peur, elle est secondée par une Maya Nasri assez crédible dans le rôle de la mère adop­tive et de son mari gentil et ambi­tieux, joué par un Feras Saïd brillant comme toujours.

Du suspense trop philosophique

Khan Tyola, le film fantastique d’auteur signé Wessam Al-Médani, l’est dans tous les sens du terme. D’abord, car il mêle les genres avec brio : sous couvert du mystérieux, il en appelle ainsi tour à tour au drame psychologique, au thriller, au sus­pense, à l’horreur onirique, le tout dans une cohérence, à la fois visuelle et narrative.

Le cinéma d’épouvante, un genre qui s’impose
Qabl Al-Arbéïne (avant le 40e jour du décès).

L’intrigue de base est assez clas­sique : un hôtel où le propriétaire, Mahmoud Al-Bazzawi, vit, pendant la période de la Seconde Guerre mon­diale, avec sa femme, campée par Wafaa Amer, sa fille, incarnée par la jeune Libanaise Zahra Al-Haroufi, et leur fils assez biscornu. Ils vivaient en paix jusqu’au jour où ils ont accueilli deux clients, dont l’un n’est que le diable, joué par le comédien Ahmad Kamal. Durant 100 minutes, le film nous transporte d’un thème à l’autre, d’une saga à l’autre : la cupidité des êtres humains, les transactions entre l’homme et le diable, la légende de la résurrection des morts et la domina­tion des poupées viennent, entre autres, parmi la foule d’idées présen­tées, à travers un scénario assez sur­réaliste et absurde.

Tout commence par le titre du film, Khan Tyola, qui signifie le lieu ou la région de Tyola, cette espèce d’ani­mal maritime dont la nature et la forme du corps assez mou l’aident à être momifié et par la suite à s’éterni­ser. Une signification ou plutôt un symbole référant au combat éternel entre le bien et le mal, auquel nombre de scènes et plusieurs phrases du dia­logue sont dédiées.

L’auteur-réalisateur parvient à créer, en marge de son atmosphère sombre, une réelle sensation de claus­trophobie et d’anxiété, due notam­ment à la performance en retenue et aux mystères entourant le casting. S’ajoute à cela la bande musicale de Mohamad Nassef, rappelant à l’oreille elle aussi celle du feuilleton Al-Sabaa Wassaya (les sept comman­dements), toujours de Hicham Nazih, incorporant, par ailleurs, des éléments concrets et des sons naturels. L’ensemble constitue un bouquet d’effets dramatiques et esthétiques, menant le spectateur dans une atmos­phère habilement hantée de quelques fantastiques émois. Le résultat est sans doute le film le plus cauchemar­desque de cette liste d’oeuvres men­tionnées.

Cette nouvelle vague de films d’énigme et d’épouvante, actuelle­ment en projection dans les salles de cinéma, on ne peut qu’être enthou­siaste quant à la renaissance d’un ancien genre cinématographique qui ne cesse de mûrir et de se développer. Un phénomène à suivre.

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