Le réalisateur Chadi Abou-Chadi avec les héros du film.
Il y a des films qui excellent à présenter de simples idées classiques avec un traitement beaucoup plus marquant et plus réussi, alors qu’il y en a d’autres qui gâchent cependant des thèmes bien importants et de belles idées en les concrétisant à travers un traitement médiocre ou une trame qui laisse à désirer. Shaw-Ming, premier long métrage pour son réalisateur Chadi Abou-Chadi, ainsi que pour son écrivain Achraf Hosni, appartient à ces derniers.
D’abord, pour ceux qui ne le savent pas, Shawming est un mot chinois qui signifie « copie secrète et discrète », utilisé par les Chinois pour désigner le fait d’avoir recours à des méthodes de fraude sophistiquées. Ce mot, devenu vite le plus recherché sur Google, s’est répandu en Egypte ces quelques dernières années, au lendemain de l’apparition d’une page sur Facebook portant ce nom, Shawming, comprenant des dizaines de milliers d’abonnés. Une page d’une personne inconnue, qui publiait des examens du bac quelques heures avant la tenue des épreuves, et dont le but — annoncé depuis sa création — est « le voeu de pousser l’Etat à changer le système éducatif égyptien », qu’elle a décrit comme « un système stérile et inutile, et a critiqué le mécanisme des tests qui ont lieu, en particulier au niveau du secondaire ».
Sur le plan officiel, le ministère de l’Intérieur égyptien a annoncé l’arrestation des responsables de cette page, alors que la page publiait toujours des photos et des commentaires, indiquant qu’il y avait plus d’administrateur sur la page.
Chadi Abou-Chadi.
Dans le film, il s’agit de l’histoire d’un trio d’amis dont l’un — interprété par le jeune Hamed Al-Charrab — découvre des copies clandestines des examens de la 3e année secondaire (le baccalauréat égyptien) dans une imprimerie cachée au sein de la maison de son grand-père après la mort de ce dernier. Il partage ce secret, assez bizarre, avec ses deux amis joués par Ahmad Sultane et Toni Maher — qui n’arrivent pas à avoir leur bac depuis des années, tout en leur offrant ces examens, afin de les aider et de s’assurer qu’il s’agit des vraies épreuves. Une fois devenus sûrs que les examens sont effectivement ceux préparés par le ministère de l’Education, ils décident de les transmettre gratuitement sur Internet afin d’aider tous les autres élèves, dans un acte de vengeance, selon eux, d’un système éducatif creux qui pousse les élèves à souffrir pour rien, et de la grande majorité des parents qui imposent, d’une façon autoritaire, leurs désirs et leurs opinions à leurs enfants pour leur choisir les facultés et leur avenir qui sont le plus souvent contre les voeux des enfants. De quoi, ils ont recours à un enfant spécialiste en communication et Internet (!!) pour transmettre ces épreuves clandestinement sur un compte Facebook qu’ils appellent Shawming d’après les initiales des prénoms de ces trois amis : Chadi, Waël et Mangawi !
Un navet sur toute la ligne
Dès lors, ils commencent une série d’aventures assez naïves avec la police et leur entourage. Et c’est à partir de là que le film double ses critiques égarées et sans but dramatique envers le monde de l’enseignement et des relations enfants-parents.
Le comédien Bayoumi Fouad.
L’idée de base n’est pas mauvaise en soi. Mais, tout en prenant un thème assez nouveau et en actualité en Egypte, celui des problèmes du système éducatif et le phénomène de la tricherie aux examens via Internet, ce film n’a toutefois rien présenté de nouveau, à part son idée de base. Le message du film est bien clair et net : l’enseignement en Egypte ne cherche pas à encourager les élèves à la créativité, mais à apprendre par coeur et étudier des matières qui ne les servent pas dans leur avenir. Un message assez délicat, toutefois les bonnes intentions ne suffisent pas à faire un beau film.
Léger et insignifiant, ce long métrage est loin d’être prenant. Des événements tirés par les cheveux, juste pour justifier le choix du sujet, une trame feinte et tout à fait illogique, du comique inconvenant, un scénario bâclé et des acteurs qui ne nous font pas rire, surtout avec des Bayoumi Fouad, Salah Abdallah et Nachwa Moustapha trop clichés et sans aucune nouveauté de prestation. Au final, on en ressort déçu, par un traitement qui a tué l’idée et un travail de réalisateur qui n’a rien ajouté pour pouvoir sauver le tout.
Pas d’humour donc, pas de créativité et même pas de divertissement, mais reste, ce qui peut compter uniquement pour ce navet, est de critiquer d'une manière acerbe le système éducatif dans un pays dont le taux des jeunes dépasse 60 % de sa population, et de jeter un coup de projecteur sur cette affaire Shawming qu’on espère voir traitée plus profondément, raisonnablement et artistiquement dans d’autres films.
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