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Festival du film du Caire: Un début coloré avec une note universelle

Yasser Moheb, Dimanche, 06 décembre 2020

La 42e édition du Festival international du film du Caire vient de terminer une première semaine, intense en expériences cinématographiques parfois inédites. Le temps d’un premier bilan d’une cuvée riche en thèmes assez universels, tant alarmants que répétitifs.

Festival du film du Caire  : Un début coloré avec une note universelle
Apples

Au terme de sa première semaine, et après une belle brochette de films, d’activités et de séminaires, le Festival du film du Caire (CIFF) prend toujours son élan. Un bouquet de longs métrages est en compétition, avec certaines surprises dans les codes et les traditions de la grande fête du cinéma en Egypte, précautions contre le coronavirus obligent. Unifiant grands noms et jeunes talents du septième art, cette année s’avère parmi les éditions les plus riches et les plus diversifiées du festival. « Faire rem­uer la scène cinématographique en Egypte », surtout pendant cette période de l’entre-deux vagues Covid-19, voilà l’objectif principal des organisateurs du Festival du film du Caire pour cette cuvée 2020: modification de la grille et des salles de projection, changement du calen­drier, obligation du port du masque médical. Mohamad Hefzi, président de la manifestation, n’a pas hésité à annoncer une série de modifi­cations pour éviter « toute foule des festiva­liers ». Premier coup de théâtre annoncé au lendemain du coup d’envoi: la presse n’assiste aux films qu’avec des billets à retirer d’un kiosque public au sein de l’Opéra du Caire, siège du festival, en plus des badges d’accréditation. Certains groupements de jour­nalistes et de critiques de film ont regretté, dans un communiqué commun, cette double procédure que les journalistes se trouvent obli­gés à accomplir, trouvant qu’elle peut « ris­quer de nuire à la couverture de la manifesta­tion par la presse et de doubler le risque d’infection au temps de coronavirus en obli­geant une centaine de journalistes à faire la queue pour des heures sans être sûrs de pou­voir rattraper les séances ».

Une autre pandémie en provenance

de la Grèce

Sur cette même note de mesures de sécurité strictes et de protection contre le coronavirus, la Grèce participe avec un long métrage d’actualité, Apples (pommes), présenté dans le cadre du Panorama international du cinéma. Ce premier long métrage du réalisateur grec Christos Nikou — qui représentera la Grèce aux Oscars— nous plonge dans un monde où l’amnésie est coutume, à travers un scénario lui-même troué d’oublis. L’histoire tourne aut­our d’une mystérieuse pandémie mondiale qui provoque une amnésie soudaine chez les humains, et se concentre sur un personnage qui se retrouve inscrit dans un programme de rétablissement conçu pour aider les patients non réclamés à con­struire de nouvelles identités. Le héros du film, Aris, adore les pommes, c’est tout ce dont il se souvient. Comme plusieurs autres personnes victimes d’une épidémie, il est devenu brusque­ment amnésique, alors qu’il pre­nait l’autobus sans aucune pièce d’identité. Il se retrouve seul, n’étant pas recherché par les membres de son ancienne famille. Il s’engage donc dans une thérapie visant à lui créer une nouvelle identité et de nou­veaux souvenirs. Il y rencontre Anna, une patiente ayant la même condition incurable que lui, avec qui il tente de compléter sa liste de souvenirs à créer.

Le film laisse sous-entendre que les pommes ont l’habileté de renforcer et retrouver la mémoire. Le héros hésite face au choix qui se dresse devant lui : refuser de replonger dans son identité précé­dente et s’en reconstruire une neuve ou plutôt affronter difficilement un passé qui, de toute évidence, le rattrape inexorablement dès le tout premier plan.

La beauté des images et l’intrigant début ne réussissent cependant pas à masquer le manque évident de contexte à cette crise singulière qui est introduite: d’où dérive cette vague amné­sique dont personne ne semble être paniqué ? Cette absence d’explications — quant à l’espace-temps dans lequel se déroule l’histoire du film—pourrait être justifiable si d’autres aspects-clés avaient comblé cette évidente insuffisance, ce qui n’est pas toutefois le cas.

Cependant, Apples annonce bien Christos Nikou comme un nouveau venu au sein d’une génération croissante d’excellents réalisateurs grecs contemporains, qui ne présentent que des films qui excitent le cerveau et font fondre le coeur.

Le Maroc, ambassadeur du Maghreb, en tête d’affiche

Si la liste des films de la compétition offici­elle est vide cette année des oeuvres en prove­nance des pays du Maghreb, la section Horizon du cinéma arabe y fait la part belle, notamment au cinéma marocain à travers deux films : L’Automne des pommiers de Mohamad Mouftakir et Mélodie de la morphine de Hicham Amal.

Troisième long métrage de Mohamad Mouftakir après Pégase en 2009 et L’Orchestre des aveugles en 2015, L’Automne des pom­miers raconte l’histoire d’un jeune garçon qui n’a jamais connu sa mère, disparue mystéri­eusement alors qu’il n’avait qu’un an. Son père le nie croyant qu’il est le fruit d’une rela­tion incestueuse. Le jeune garçon, Slimane ,décide d’enquêter et de savoir ce qui s’était réellement passé avant sa naissance. Réalité et fiction s’entremêlent pour tisser la vie. Constituant pour son réalisateur une trilogie sur le plan thématique et une démarche tout à fait différente de ce qu’il avait expérimenté dans les deux films précédents, L’Automne des pommiers reste un opus vigoureux et fin, joué par un casting tout en douceur, ce qui lui a valu le Grand prix du Festival marocain du film à Tanger.

Par ailleurs, La Mélodie de la morphine évoque l’histoire du célèbre musicien et violoniste Saïd Al-Tayer, campé par l’acteur Hicham Bahloul, devenu amnésique à la suite d’un tragique accident de la circu­lation, mais qui retrouve rap­idement la mémoire grâce à ses créations musicales. Cette Mélodie de la morphine, dont les principaux rôles sont inter­prétés par les acteurs marocains Hicham Bahloul, Yasmina Bennani et Hassan Badida, est une mélodie mori­bonde, une succession de sons essentiellement mortels. Une musique marquée par la dou­leur et les soupirs d’un père mourant. Le réalisateur a choisi une écriture d’expérimentation, tout en optant pour un film sous forme de chapitres d’un roman classique, en toute har­monie avec l’ambiance de la composition d’une symphonie classique. Il marie couleurs et morceaux de musique au violon composés par des ténors de ce genre pour servir sa narration filmique.

Pour sa part, le cinéma tunisien, qui avait brillé lors de la dernière édition du CIFF grâce au film Un fils de Mehdi Barsaoui, en rem­portant 3 prix, est pratiquement absent cette année, à l’exception de la participation de l’actrice, réalisatrice et productrice tunisienne Anissa Daoud comme membre du jury de la compétition Cinéma de Demain, et la projec­tion hors compétition du court métrage tunisien Nour, réalisé par Rim Nakhli. Le film raconte l’histoire d’un frère Adam et d’une soeur Nour, qui ont rendez-vous avec leur père qu’ils n’ont pas vu depuis longtemps, dans un endroit isolé de la ville. Livrés à eux-mêmes, ils vont effectuer un voyage en parcourant les rues de Tunis à la recherche de leur père absent.

Donc, avec ses projections, ses colloques et ses différentes manifestations et même ses polémiques, le Festival international du film du Caire signe là une 42e édition pas comme les autres, situation hygiène mondiale oblige. A en attendre certes les exploits .

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