Cette année, le kit de presse distribué aux journalistes renfermait un petit flacon vaporisateur d’alcool éthylique et un masque médical jetable, outre les informations et photos à télécharger pour faciliter la création d’articles. La tenue de cette 4e édition du Festival du film d’Al-Gouna était très incertaine, jusqu’à il y a peu de temps. Mais les autorités égyptiennes ont fini par donner leur feu vert, au début de ce mois-ci.
L’homme d’affaires et fondateur du festival, Naguib Sawiris, s’est montré plutôt réticent au départ, alors que son frère, Samih, a jugé que fouler le tapis rouge malgré le Covid-19 est un message politique important, une manière de montrer que sa station balnéaire, mais aussi toute l’Egypte, vivent encore. Il a suivi de près le déroulement de deux grands festivals, le mois dernier, à savoir: la 77e Mostra de Venise en Italie (du 2 au 12 septembre) et la 68e édition du Festival international du film de Saint-Sébastien en Espagne (du 18 au 26 septembre). Puis, il a décidé de relever le défi et de tenir physiquement le Festival d’Al-Gouna, en prenant toutes les mesures de prudence pour limiter les risques de contagion du coronavirus. Cela étant, les trois dernières pages du catalogue du festival sont réservées aux instructions sanitaires, suivant le modèle appliqué au Festival de Venise.
La capacité d’accueil dans les salles s’est vue réduite, tout comme le nombre de films et de projections. Le port du masque est obligatoire et les cinémas sont désinfectés, avec 90 minutes d’intervalle entre les séances. Les billets se vendent essentiellement en ligne et les chambres d’hôtels sont stérilisées, sous haute surveillance, a-t-on confirmé.
« Les productions, notamment les films américains, se sont faites rares cette année, mais nous avons quand même réussi à effectuer une bonne sélection. Car le festival a acquis la confiance des cinéastes », a souligné le directeur du festival, Intishal Al-Timimi, durant la conférence de presse.
Films, hommage et polémique
Le film d’ouverture L’Homme qui a vendu sa peau, de la Tunisienne Kaouther Ben Hania, avait bénéficié, il y a deux ans, de l’aide de la plateforme Ciné-Gouna, soutenant les projets en développement. Son acteur principal, Yahya Mahyani, partageant la vedette avec Monica Bellucci, vient de remporter le prix Orizzonti du meilleur comédien à la Mostra de Venise. Durant une heure et quarante minutes, le film nous invite à suivre les péripéties d’un jeune syrien qui fuit son pays pour le Liban, avant d’échapper à la guerre. Pour se rendre en Europe et vivre avec l’amour de sa vie, il accepte de se faire tatouer le dos par l’artiste contemporain, le plus sulfureux du monde. Il finit par découvrir que sa décision s’est faite au prix de sa liberté.
Le réalisateur Amir Ramsès, directeur artistique du festival, a introduit brièvement quelques métrages importants de cette édition, projetant 65 films, dont une première arabe, The Furnace, de l’Australien Roderick Mackay, avec le comédien égyptien Ahmad Malek, qui interprète le rôle d’un jeune chamelier afghan qui cherche à fuir l’Australie de 1897, pour retrouver son pays natal. Le film fait partie de la compétition officielle des longs métrages de fiction, tout comme Listen de la Portugaise Ana Rocha de Sousa, doublement récompensé à Venise : prix Lion du futur décerné aux premiers films et prix spécial du jury de la section compétitive Orizzonti. Il a été tourné en périphérie de Londres et retrace le drame d’émigrés portugais au Royaume-Uni.
Parmi les films en compétition également figurent Mica, l’oeuvre du Marocain Ismaël Ferroukhi, et 200 Mètres, du Palestinien Ameen Nayfeh, qui ont été soutenues par la plateforme Ciné-Gouna, lors des précédentes éditions. Les deux fictions traitent de sujets locaux, le premier nous plonge dans la vie contrastée de Casablanca et le second, dans la réalité de deux villages palestiniens séparés par le fameux mur, bâti au nom de la sécurité d’Israël.
Celui-ci a provoqué d’ailleurs une vive polémique, à cause de l’hommage rendu par le festival, durant cette 4e édition, au célèbre comédien français Gérard Depardieu, réputé pour ses réactions parfois fantasques et inhabituelles. Il continue d’alimenter le débat en France avec ses affaires d’exil fiscal et de conversion d’une religion à l’autre, et en Egypte, à cause de ses déclarations témoignant d’une grande sympathie pour l’Etat hébreu. De quoi avoir soulevé le mécontentement de plusieurs cinéastes et personnalités publiques, lesquels ont fait circuler un communiqué, appelant à l’annulation de cet hommage et refusant la normalisation avec Israël.
Cette édition, maintenue contre vents et marées, ne sera sans doute pas comme les autres.
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