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Journal intime d’une artiste confinée

May Sélim, Dimanche, 11 octobre 2020

Le journal intime de l’artiste autrichienne Barbara Philipp est un témoignage intéressant de la crise que nous vivons, partout dans le monde. Elle vient de l’exposer au Caire sous le titre de Knockdown Diary, partageant ses émo­tions, notamment durant les deux mois où elle était enfermée chez elle.

Journal intime d’une artiste confinée

Barbara Philipp est une artiste autri­chienne pluridisciplinaire qui a créé un journal graphique épous­touflant, livrant son témoignage sur la période où elle a été confinée chez elle, entre le 16 mars et le 17 mai derniers. Elle était très émue de pouvoir communiquer récemment, en direct, à travers l’application Zoom, avec le public cairote. Et ce, dans le cadre d’une exposition qui a eu lieu au syndicat des Plasticiens égyptiens, organisée par le Forum culturel autrichien au Caire. « Le journal illustré, que j’ai commencé avec le début du confinement, était juste une réponse impul­sive de ma part, face au flux d’informations diffusées dans les médias que je suivais régu­lièrement. J’étais en Autriche. Mon père venait de mourir. Puis, je suis retournée en Hollande, où je réside depuis une quinzaine d’années. Polyglotte, je suivais les médias en cinq langues. Ils diffusaient beaucoup de mensonges, de rumeurs, de faits exagérés … Au départ, tout le monde parlait des effets néfastes des chauves-souris, de la provenance du virus, etc. On était très méfiant et rien n’était certain. Mes dessins reflètent cet état de fait, mais aussi mes pensées vis-à-vis du quotidien pendant cette crise », explique l’ar­tiste dans son intervention vidéo.

Journal intime d’une artiste confinée
Les mesures de distanciation sociale, d’après l’artiste. (Photos : Hachem Aboul-Amayem)

Dans le jardin du syndicat des Plasticiens, à l’enceinte de l’Opéra du Caire, étaient affi­chés des dessins en petit format, traduisant les émotions de l’artiste. L’exposition qui s’est terminée, le 10 octobre, avait pour titre Knockdown Diary. C’était la première tenue par le forum autrichien, depuis la suspension de ses activités, en mars dernier.

Pendant deux mois, Barbara Philipp se diri­geait presque tous les jours à son studio et se mettait à dessiner tout ce qui lui passait par la tête.

Journal intime d’une artiste confinée
Le costume de l’astronaute, uniforme de la pandémie. Photos : Hachem Aboul-Amayem)

D’où les 40 dessins de son journal, réalisés en noir et blanc, avec quelques nuances de beige-rosé. Ceux-ci révèlent à quel point la vie quotidienne a été bouleversée dans le monde entier à cause du Covid-19: fermeture des frontières, des salles de concert et de théâtre, isolement des personnes âgées, conditions de travail épuisantes dans les hôpitaux, etc.

Noir c’est noir

Dans son journal, chaque dessin est accompa­gné d’une légende relativement longue, expli­quant de manière détaillée ce qui se passe autour d’elle. Un dessin symbolique associe les pou­mons aux chaussures de course, avec la présence d’une jeune femme en tenue sportive. Barbara Philipp évoque comment les poumons en bonne condition fonctionnent pendant une course régu­lière chaque matin. Puis souligne le changement détérioré de ces organes atteints par le virus.

Dans un autre dessin, elle s’attaque aux rela­tions humaines sous l’effet du virus et les compare à un champ de mines. Celles-ci pren­nent la forme de virus. L’artiste s’interroge, à sa façon, sur le sort des relations humaines, très fragilisées par la crise actuelle.

Elle évoque la distanciation sociale en dessi­nant un costume d’astronaute et va encore plus loin en imaginant que ce costume est devenu l’uniforme adéquat aux personnes qui tiennent absolument à communiquer entre elles, dans un avenir proche.

Journal intime d’une artiste confinée
Les relations humaines ressemblent désormais à un champ de mines. Photos : Hachem Aboul-Amayem)

Si la plupart de ses illustrations sont imagi­naires et parfois sarcastiques, il y en a celles qui insistent sur l’horreur de la crise. Elles sont dominées par le noir foncé. Dans l’une de ces dernières, Philipp montre une infirmière tiraillée entre son devoir de soigner un patient et son devoir envers sa famille qui l’attend à la maison. La noirceur s’empare des dessins pro­gressivement, notamment pour décrire les salles de théâtre vides. Tout est désolation.

Journal intime d’une artiste confinée
Une intervention via Zoom. Photos : Hachem Aboul-Amayem)

Le journal illustré de Barbara Philipp partage ses réflexions qui documentent une phase cri­tique de l’Histoire humaine. L’artiste a l’air de pousser parfois des cris alarmants, faisant appel à prendre soin des autres, à les protéger. Elle déplore le sort tragique des personnes atteintes du virus, de ses séquelles et des réac­tions de leurs entourages. En fait, l’intérêt de ce journal graphique est surtout sa portée uni­verselle .

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