Barbara Philipp est une artiste autrichienne pluridisciplinaire qui a créé un journal graphique époustouflant, livrant son témoignage sur la période où elle a été confinée chez elle, entre le 16 mars et le 17 mai derniers. Elle était très émue de pouvoir communiquer récemment, en direct, à travers l’application Zoom, avec le public cairote. Et ce, dans le cadre d’une exposition qui a eu lieu au syndicat des Plasticiens égyptiens, organisée par le Forum culturel autrichien au Caire. « Le journal illustré, que j’ai commencé avec le début du confinement, était juste une réponse impulsive de ma part, face au flux d’informations diffusées dans les médias que je suivais régulièrement. J’étais en Autriche. Mon père venait de mourir. Puis, je suis retournée en Hollande, où je réside depuis une quinzaine d’années. Polyglotte, je suivais les médias en cinq langues. Ils diffusaient beaucoup de mensonges, de rumeurs, de faits exagérés … Au départ, tout le monde parlait des effets néfastes des chauves-souris, de la provenance du virus, etc. On était très méfiant et rien n’était certain. Mes dessins reflètent cet état de fait, mais aussi mes pensées vis-à-vis du quotidien pendant cette crise », explique l’artiste dans son intervention vidéo.
Les mesures de distanciation sociale, d’après l’artiste.
(Photos : Hachem Aboul-Amayem)
Dans le jardin du syndicat des Plasticiens, à l’enceinte de l’Opéra du Caire, étaient affichés des dessins en petit format, traduisant les émotions de l’artiste. L’exposition qui s’est terminée, le 10 octobre, avait pour titre Knockdown Diary. C’était la première tenue par le forum autrichien, depuis la suspension de ses activités, en mars dernier.
Pendant deux mois, Barbara Philipp se dirigeait presque tous les jours à son studio et se mettait à dessiner tout ce qui lui passait par la tête.
Le costume de l’astronaute, uniforme de la pandémie.
Photos : Hachem Aboul-Amayem)
D’où les 40 dessins de son journal, réalisés en noir et blanc, avec quelques nuances de beige-rosé. Ceux-ci révèlent à quel point la vie quotidienne a été bouleversée dans le monde entier à cause du Covid-19: fermeture des frontières, des salles de concert et de théâtre, isolement des personnes âgées, conditions de travail épuisantes dans les hôpitaux, etc.
Noir c’est noir
Dans son journal, chaque dessin est accompagné d’une légende relativement longue, expliquant de manière détaillée ce qui se passe autour d’elle. Un dessin symbolique associe les poumons aux chaussures de course, avec la présence d’une jeune femme en tenue sportive. Barbara Philipp évoque comment les poumons en bonne condition fonctionnent pendant une course régulière chaque matin. Puis souligne le changement détérioré de ces organes atteints par le virus.
Dans un autre dessin, elle s’attaque aux relations humaines sous l’effet du virus et les compare à un champ de mines. Celles-ci prennent la forme de virus. L’artiste s’interroge, à sa façon, sur le sort des relations humaines, très fragilisées par la crise actuelle.
Elle évoque la distanciation sociale en dessinant un costume d’astronaute et va encore plus loin en imaginant que ce costume est devenu l’uniforme adéquat aux personnes qui tiennent absolument à communiquer entre elles, dans un avenir proche.
Les relations humaines ressemblent désormais à un champ de mines.
Photos : Hachem Aboul-Amayem)
Si la plupart de ses illustrations sont imaginaires et parfois sarcastiques, il y en a celles qui insistent sur l’horreur de la crise. Elles sont dominées par le noir foncé. Dans l’une de ces dernières, Philipp montre une infirmière tiraillée entre son devoir de soigner un patient et son devoir envers sa famille qui l’attend à la maison. La noirceur s’empare des dessins progressivement, notamment pour décrire les salles de théâtre vides. Tout est désolation.
Une intervention
via Zoom.
Photos : Hachem Aboul-Amayem)
Le journal illustré de Barbara Philipp partage ses réflexions qui documentent une phase critique de l’Histoire humaine. L’artiste a l’air de pousser parfois des cris alarmants, faisant appel à prendre soin des autres, à les protéger. Elle déplore le sort tragique des personnes atteintes du virus, de ses séquelles et des réactions de leurs entourages. En fait, l’intérêt de ce journal graphique est surtout sa portée universelle .
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