Un tourbillon de couleurs qui laisse courir notre imagination. Parfois, il dérange, parfois il fascine, mais une chose est sûre, il ne laisse pas indifférent. Les 26 peintures de Walid Taher semblent communiquer de nouveaux codes, à comparer avec le style connu de l’artiste. Le public est invité à entrer dans son jeu et à essayer de déchiffrer les tableaux.
En effet, à travers le jeu, le peintre se lance, en toute spontanéité, dans une nouvelle aventure où rien n’a l’air préconçu. Chaque peinture a son rythme et suit son destin. « Ayant travaillé pendant de longues années dans la presse et l’illustration des livres pour enfants, j’ai voulu me libérer de l’impact des mots. Pourquoi le peintre serait-il obligé de s’emprisonner dans les limites des mots qu’il exprime normalement par des lignes et des couleurs ? », s’interroge Walid Taher. Et d'ajouter : « Une peinture pourrait n’avoir qu’un sens simple : jaune, rouge, etc. Bref, la couleur qui la domine ».
Le Temps d’arrivée.
Les titres donnés aux peintures sur les étiquettes ou les plaques, à proximité du tableau, ne sont que des allusions, un déclic pour donner libre cours à l’imagination. Tous les titres suggérés par l’artiste appartiennent ainsi aux champs lexicaux du voyage et du temps : près de la rivière jaune, près de la mer, les frontières, le dîner, au parc, à 10 heures… « Le thème du voyage a hanté mon esprit alors que j’effectuais une résidence artistique à Marseille afin de travailler sur quatre livres pour enfants, avec le soutien du Centre national français du livre », souligne Walid Taher, qui a commencé ses toiles à l’acrylique il y a un an.
Il voulait retrouver le geste primitif ou enfantin permettant de recréer fidèlement l’émotion qu’il ressent et qu’il veut déclencher chez le public. Alors, il a commencé par une peinture qu’il a intitulée Un Poisson rose. Cette oeuvre porte l’empreinte de l’illustrateur, très actif dans le domaine des dessins pour enfants, avec tout ce qu’il recèle: pureté, innocence, joie, vitalité …
Les taches roses, qui ornent l’espace occupé par les créatures qui animent les tableaux, sont représentées par des lignes simples et avec beaucoup de douceur: un cheval, une poule, un vase, une montre, on dirait un récit imaginaire où les mots sont remplacés par des dessins. Mais où est le poisson rose dont le nom est porté par le tableau? « C’est bien cela le jeu auquel le public est invité », fait remarquer Taher, qui n’hésite pas à évoquer l’enfant à l’intérieur de lui-même et de toute autre personne. « L’enfant à l’intérieur de nous incite à être créatif, à nous renouveler et à continuer à être jeune dans nos têtes. Il n’y a rien de mal à le laisser s’épanouir. Cela ne signifie pas renoncer au côté adulte, mais arriver à un équilibre entre les deux ».
Une abstraction lyrique
Un Poisson rose.
Un équilibre qu’il réussit bien. Il sait apporter son côté enfantin et intuitif à l’oeuvre, tout en contrôlant la surface blanche des toiles. Et ce, à travers une liberté du langage véhiculée par l’abstraction. Lyrique, cette abstraction indique précisément la tendance à l’expression directe de l’émotion individuelle, contrairement à l’abstraction géométrique. Une traduction d’un « moi » profond que seule une peinture spontanée, libre, sans contrainte, peut libérer.
Dans ses peintures intitulées Un Garçon et Une Fille, la couleur bleue semble être le cadre qui précise les univers imaginaires introduits par des lignes et des motifs dessinés à l’intérieur de l’espace désignant la tête du garçon ou de la fille. Ces derniers ne sont que des voyageurs, parmi tant d’éléments dispersés.
Un même motif végétal est commun à toutes les peintures, à tel point que le public finit par le chercher en haut, en bas ou au coin des toiles exposées. C’est encore un jeu. « Ce motif est un élément organique qui permet de mettre en valeur la différence entre les masses », explique l’artiste.
Une Fille.
Ce dernier propose néanmoins un récit, fruit d’une histoire, d’une culture, de savoirs théoriques et techniques accumulés. Il suit parfois une des règles fondamentales apprises lors de la formation de tout décorateur, à savoir toujours garder en tête que dans un seul et même espace, il est conseillé de marier 3 couleurs au maximum. Cette règle permet d’obtenir, à coup sûr, un rendu harmonieux et équilibré. Cependant, parfois c’est l’enfant en lui qui prend le dessus, mêlant plus que 3 couleurs et tons nuancés. Toutefois, Walid Taher parvient à se débrouiller avec les couleurs basiques et fortes pour obtenir une harmonie et un dynamisme remarquables.
Dans Le Temps d’arrivée, Taher atteint l’apogée de l’abstraction. En effet, si Un Poisson rose représente le début de cette série, Le Temps d’arrivée représente vraiment la fin ou l’apogée. L’artiste se sent complètement libéré de son côté illustrateur et rentre dans la peau du peintre. L’abstraction devient le vrai « jeu » par lequel il exprime son « je ».
Dans cette dernière oeuvre, une certaine musicalité est introduite par les nuances de la couleur rouge et l’infiltration du blanc comme pour instaurer un nouvel équilibre. L’artiste-peintre joue avec les couleurs. « Faire joli » n’est pourtant pas un objectif en soi. A quoi ça sert donc? « A prendre du plaisir». C’est tout? « Oui, mais c’est déjà beaucoup », souligne Walid Taher avec enthousiasme .
Lien court: