Le film Saheb Al-Maqam (le saint du tombeau) est dédié à tous les fans des drames sociaux sur fond humain et au goût spirituel. Mais ces fans ne vont malheureusement pas planer très haut.
Troisième long métrage du réalisateur Mohamad Gamal Al-Adl (dit Mando Al-Adl), Saheb Al-Maqam narre la vie bariolée d’une famille face au manque des éthiques et des valeurs humaines. Au sein d’une société de plus en plus violente et matérialiste où les gens accordent peu d’importance aux valeurs morales.
Jeune architecte et homme d’affaires, Yéhia, joué par Asser Yassine, décide de démolir un maqam (mausolée) dédié à l’un des saints. Et ce, afin de bâtir à sa place une cité touristique. Toutefois, une série de crises et de problèmes commence à chambouler sa vie, le poussant à essayer de faire beaucoup d’actes de charité en guise d’auto-pénitence. Il est guidé dans sa démarche par une dame mystérieuse appelée Roh, qui a voué sa vie aux actes de bienfaisance, dans le but de retrouver la paix et la sérénité.
L’idée de départ est tout à fait acceptable, malgré son goût traditionnel, par contre, elle se perd en cours de route, à cause d’un traitement assez simpliste et plat. La trame nous plonge vite dans un début assez classique et trop explicatif.
Basé sur un scénario signé par le fameux écrivain et journaliste, Ibrahim Issa, celui-ci mêle des thèmes sociaux aux leçons de morale un peu tirées par les cheveux. Le film laisse les spectateurs sur leur faim artistique et dramatique.
Tourner en rond
D’environ 50 minutes, il cherche à accumuler le suspense controuvé et les aventures trop superficielles, à tel point qu’on a du mal à saisir où l’oeuvre veut nous emmener. L’idée principale débordante de clichés et plusieurs événements relèvent du déjà-vu. Deux oeuvres assez connues nous viennent tout de suite à l’esprit en regardant ce film, à savoir Al-Leila Al-Kébira (la grande nuit commémorant un saint), avec l’ambiance spirituelle et populaire, et Helm Aziz (le rêve d’Aziz) avec l’idée de l’auto-pénitence et de l’expiation pour les péchés, afin de fuir à la malédiction.
Saheb Al-Maqam est conçu dans sa seconde partie comme une série d’historiettes enchaînées, où plusieurs personnages surgissent avec leurs intrigues, pour souligner l’aspect énigmatique du spirituel dans notre culture arabe et orientale.
Les gens tentent d’avoir la bénédiction des saints, ils maintiennent une relation éternelle assez spéciale avec ces derniers, ce qui ne cesse de susciter le débat entre ceux qui y adhèrent et ceux qui n’y croient pas.
Là aussi, maintes visions s’avèrent assez floues et tirées par les cheveux. La faute est sans doute à un scénario qui n’est pas très bien ficelé et sans grand éclat. Car l’intrigue aurait pu être captivante. Or, l’auteur est tombé dans le piège de « l’artificiel complet ». Lent et monotone, le film n’a pu ni défendre ni bien exposer ces thèmes. Le suspense à twists s’essouffle. Et le héros secondé par les deux frères jumeaux Hakim et Halim, joués par Bayoumi Fouad, est pris dans un enchevêtrement d’événements sans fin. Il s’agit donc d’une fiction qui manque de profondeur et d’énergie, à tous les niveaux.
Manque de saveur
Côté réalisation, le metteur en scène, qui possède déjà un style, n’est pas au top. Mando Al-Adl a déjà tourné des films réussis dont Al-Kibar (les grands) et Al-Badla (le costume) ainsi que des drames télévisés à succès dont Al-Daëya (le prédicateur) et Harette Al-Yahoud (la ruelle des juifs). Cependant, dans ce film il n’apporte aucun élément à même de séduire réellement les spectateurs. Ses plans sont souvent enveloppants, la réalisation travaillée, les angles des caméras bien recherchés, les décors simples et expressifs, cependant, l’ensemble manque de saveur.
Les scènes tournées dans les mosquées auraient pu être plus impressives avec plus d’innovation artistique et dramatique.
Une mention spéciale doit être adressée à l’image signée Sameh Sélim qui essaie d’offrir une teinte à l’ensemble visuel et qui malgré sa simplicité, n’a pas manqué d’éloquence.
Côté interprétation, le casting est adéquat pour ce genre de personnages. Il regroupe des superstars, offrant dans la majorité des performances qui n’attirent ni le bravo ni le hué. Qu’il s’agisse d’Asser Yassine, Amina Khalil ou même Yousra.
Bayoumi Fouad, lui, reste sur le même échelon dans son bon professionnel, faisant sourire tout en gardant les mêmes ingrédients de ses anciens personnages. Bref, une performance presque clichée pour tous, sans grands bémols ni belles surprises.
Saheb Al-Maqam (le saint du tombeau) navigue entre suspense feint et drame froid. C’est le type de film qui repose sur l’imagination et l’adrénaline émanant d’un conflit intérieur ou d’une peur de ce qui est spirituel. Mais finalement le drame n’a rien de clinquant, ni frais, ni assez excitant.
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