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Les mille et une lumières

Névine Lameï, Lundi, 29 juillet 2013

A travers l'exposition Lanterne de Ramadan, 19 artistes reviennent sur la notion de « lumière », sans restriction aucune.

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Riham Al-Saadani : toutes les femmes.

« Il est de tradition en Egypte d’allumer des lanternes (fanous) les nuits du Ramadan. Une tradition qui remonte à l’époque fatimide pendant le règne du calife Al-Hakim Bi-Amr Allah. Une autre version de l’historien Al-Maqrizi dit que le fanous dérive des chandelles de Noël utilisées par les coptes. Peu importe la version, le fanous unit tous les Egyptiens », évoque Faten Moustapha, propriétaire de la galerie Art Talks, laquelle organise l’exposition en cours sur les lanternes du Ramadan, au café-restaurant Séquoia, à Zamalek.

Pour attirer l’attention sur cet héritage culturel, Faten Moustapha a préféré sortir des murs de sa galerie et exposer dans cet espace gai et moins formel, donnant sur le Nil. Ainsi, se dressent les installations de lanternes créées par 19 artistes égyptiens, jeunes et moins jeunes. Chacun préserve, à la différence du style et de la technique, une identité égyptienne, l’éclat de la lumière. D’ailleurs, 50 % des revenus de cette exposition permettront à des non-voyants de retrouver leur vue. Donc de retrouver la lumière.

Montrer le charme nocturne du Caire, avec sa vitalité inépuisable. Donner un peu d’espoir pour rompre avec la tension politique. Ce sont les objectifs des artistes qui ont pris part à l’exposition. « Celle-ci n’est pas sans rappeler le projet Noubar et un autre événement, Menawarine (votre lumière jaillit de partout), tenu pendant le mois du Ramadan 2004, dans le centre-ville cairote. Ce projet exigeait des artistes de descendre dans la rue, pour travailler les façades des immeubles et s’offrir aux regards des passants », fait remarquer Aymane Al-Sémari, cet artiste passionné de la matière à son état pur et des motifs historiques.

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Hadi Boraï : rapport à la société

Le fanous d’Al-Sémari reflète la ville, ses icônes et son évolution. Et ce, par le biais de motifs égyptiens (calligraphies arabes, tours de pigeon, instruments de musique orientale, etc.) qu’il peint en noir, sur un fond transparent, en plastique.

Salah Méligui recourt, lui aussi, à des motifs populaires criards et gais, pour donner une belle ambiance ramadanesque : des scènes de derviches tourneurs, vendeur de konafa (cheveux d’ange), de fèves ou encore de jus de tamarin. Le quotidien du mois sacré avec ses petits détails est recréé grâce à un jeu interactif (public/lanterne).

Paroles aux femmes

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Aymane Al-Sémari : motifs historiques.

La jeune génération favorise plutôt la réflexion sur la perception de l’espace urbain. « J’admire le fait de s’inspirer de CowParade ou Vach’Art. Cette exposition a regroupé des sculptures de vaches en fibre de verre, réparties dans des lieux publics partout dans le monde (stations de métro, avenues ou parcs). Livrées blanches, ces vaches sculptées sont décorées par les artistes locaux qui utilisent souvent des dessins et des motifs spécifiques à leur culture. Les vaches sont ensuite vendues aux enchères au profit d’organisations caritatives », déclare Riham Al-Saadani, dont la lanterne se dissocie de toute connotation religieuse.

Elle a défié la forme classique (motif islamique à huit côtés) et l’a décomposée sous forme de lune, remplaçant la fibre de verre par une toile canevas, plus facile à manier. « Ma lanterne est suspendue avec une longue ficelle. C’est le cas de la condition de la femme égyptienne dont les droits ne tiennent qu’à un fil », souligne Saadani. La femme égyptienne est très présente sur sa lanterne : une femme de Siwa, une autre à l’allure moderne, une paysanne, etc.

La femme est également présente sur la lanterne de Hend Al-Falafli. Sportive, voilée, sous son niqab ou autre, chacune des protagonistes de Hend tend la main pour attraper la lune scintillante au sommet de la lanterne. « On se sent perdu sur le plan politique. Nous essayons d’attraper une bouée de sauvetage ; c’est la lune dans ma lanterne », dit Al-Falafli. Hadi Boraï, quant à lui, invite son spectateur à voir l’esthétique dans le quotidien. Sa lanterne focalise sur le rapport société/individu.

Et pour souligner ce rapport, l’artiste attribue au plastique utilisé un aspect plus solide et dense, avec des couches épaisses de couleurs. « Ces couleurs sont à l’image d’une société diversifiée, où tout un chacun tente de préserver son identité, à l’écart des mouvements mondiaux », explique Hadi Boraï. La lumière des lanternes exposées reflète un aspect très égyptien, qui tente de se démarquer du reste du monde, en insistant sur sa spécificité .

Jusqu’au 10 août au restaurant-café, Séquoia. Rue Aboul-Féda, Zamalek.

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