C’est dans l’ambiance intimiste du Palais Aïcha Fahmi, à Zamalek, que l’on peut découvrir des chefs-d’oeuvre signés par les maîtres artistes des XVIIIe et XIXe siècles. Des noms illustres comme Delacroix, Gauguin, Rodin et Renoir côtoient des moins connus du grand public égyptien, tels Fernand Pelez, Henri Rondel, Guillaume Seignac, Charles-Emile Jacques et d’autres. Les critères de sélection? « Dès le début de cette série, nous nous sommes déterminés à imposer deux règles principales d’après lesquelles se fait la sélection : l’harmonie entre les différentes oeuvres et l’adaptation des oeuvres choisies à l’espace », explique Ihab Al-Labbane, directeur du palais des arts, Aïcha Fahmi.
Ainsi, le visiteur ne ressent en aucun cas que ces oeuvres ne font pas partie des lieux. Bien au contraire, le palais offre un cadre idéal pour admirer ces oeuvres, dont la beauté se dévoile particulièrement dans les détails.
La bonne disposition des oeuvres

Madame Ernest Feydeau, huile sur canevas.
La bonne qualité de l’exposition y est pour beaucoup, sans doute. L’accrochage est fait d’une manière esthétique: des cloisons ayant les mêmes couleurs que les murs des salles sont installées, les oeuvres y sont accrochées suivant un ordre remarquable. Une salle est destinée aux portraits, une autre aux paysages, aux aquafortistes, etc.
Bien mises en valeur, les sculptures attirent l’oeil, de manière à devenir instantanément le centre d’intérêt de l’endroit où elles sont présentées. « La sculpture est une oeuvre en trois dimensions et c’est pourquoi elle ne s’expose pas de la même façon qu’une toile. Pour qu’une sculpture soit bien présentée, on doit pouvoir en faire le tour. L’oeuvre doit être visible de n’importe quel endroit de la pièce », ajoute Al-Labbane.
Outre la disposition des oeuvres, l’éclairage est à saluer. Il permet un encadrement qui met en relief les peintures et instaure un langage muséographique dans les lieux. En fait, il est traité avec minutie, de façon à ce que le visiteur en perçoive toutes les subtilités.

Portrait de Madame Rovier, par Arturo Zanieri.
Les jeux d’ombres et de lumières permettent de créer des effets saisissants dans les lieux d’exposition. Une tension dramatique jaillit d’un espace assombri, grâce à de fins faisceaux de lumière, traversant l’obscurité, de quoi attirer les regards des visiteurs vers les oeuvres exposées et parfois même vers d’autres salles. C’est le cas, par exemple, du deuxième étage où le visiteur suivant la lumière passe à une antichambre démunie de tableaux, mais dont la beauté émane des dessins muraux, de deux immenses statues dorées de bouddha, des dessins chinois accrochés aux murs et des lanternes chinoises suspendues au plafond. Le lieu transporte soudainement le visiteur dans un autre monde, tout en véhiculant et transmettant des émotions différentes. D’ailleurs, aucune signalétique ne fournit des informations sur cette salle. Le visiteur curieux devrait être déçu. « L’absence de signalétique est voulue. Car sa présence pourrait désorienter le spectateur qui doit être concentré sur les oeuvres d’art en premier lieu. En outre, cet endroit était à l’origine la propriété d’une famille aristocrate dont nous ne connaissons pas assez l’histoire », justifie Al-Labbane.
Toutefois, l’espace ne s’ordonne pas uniquement autour des oeuvres, mais aussi en fonction des besoins d’un public qui cherche à découvrir le palais. Contrairement à d’autres expositions d’art, où les gens se concentrent toujours sur les oeuvres d’art exposées. Lorsque ce palais accueille une exposition, les visiteurs sont fascinés par le bâtiment lui-même. Il est normal donc de remarquer la présence des foules de jeunes à l’extérieur comme à l’intérieur du bâtiment se hâtant de prendre des photos.
« Notre objectif est de transformer ce palais en un endroit attrayant non seulement pour les spécialistes et les amateurs d’art, mais aussi pour un large public, notamment les jeunes », souligne Al-Labbane. Une raison pour laquelle une belle couverture médiatique a été mise en place à travers les réseaux sociaux, et dans les cercles des jeunes de tout âge.
Le charme des lieux

Des personnes sur des escaliers, John William Waterhouse.
En effet, le site est d’une importance capitale pour l’histoire architecturale égyptienne. C’est un chef-d’oeuvre qui a été conçu par le célèbre architecte italien Antonio Lasciac en 1917 sur 2700 m2 et comprend 30 chambres, 2 grandes salles, un sous-sol de 1000 m2 et un toit, tous richement ornés. Des décorations, tels des fresques et des murs décorés de soie rouge et verte, rendent le palais unique
Le directeur de ce complexe artistique a essayé, depuis la restauration du palais et sa réouverture, de lui attribuer une identité spéciale, et ce, en y organisant des expositions, montrant les trésors de l’Egypte, à travers des oeuvres issues de la collection privée de plusieurs musées locaux. Ces expositions s’étendent parfois sur plusieurs mois.
Cette fois-ci, il s’agit de réunir sous le même toit des oeuvres européennes, appartenant aux Musées Mahmoud Khalil, Guézira et le Musée des arts d’Alexandrie. « La plupart de ces oeuvres était dans les dépôts. Cette exposition est donc une véritable occasion pour redécouvrir la richesse artistique que l’Egypte possède et de parcourir les différents courants artistiques régnant aux XVIIIe et XIXe siècles », précise Al-Labbane. Selon ce dernier, depuis que le palais était devenu une propriété de l’administration égyptienne chargée des arts et de la littérature, en 1976, il a été appelé le « Complexe des arts ». Il a toujours été un miroir du mouvement des arts plastiques en Egypte.

Un vieil homme, par Annibale Scognamiglio.
« On effectue toujours une recherche élaborée sur les collections rares que l’on présente au public et on propose un catalogue explicatif bien documenté », souligne Al-Labbane. L’année dernière, la 4e exposition de cette série avait pour titre Mémoire de l’Orient et a regroupé une belle sélection d’oeuvres orientalistes. « Cette année, l’exposition réunit une collection de chefs-d’oeuvre, mettant en valeur la place de l’Egypte, en tant que centre de rayonnement dans la région », indique Al-Labbane. Le charme et l’élégance du rococo et du néoclassicisme, qui caractérisent les oeuvres du XVIIIe siècle notamment en France, et l’impressionnisme et le réalisme du XIXe se joignent dans ce lieu mythique, au bord du Nil, créant une relation foisonnante entre peinture, sculpture et architecture.
Jusqu’au 31 octobre, au Palais Aïcha Fahmi. 1, rue Aziz Abaza, Zamalek, de 9h à 21h, sauf les vendredis.
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