Ouvert le 1er septembre, le Festival international du Caire du théâtre expérimental a, cette année, une nouvelle équipe de direction, présidée par le dramaturge Alaa Abdel-Aziz Soliman. Celle-ci a décidé de reprendre les compétions du festival, suspendues depuis 4 ans, et de renouer également avec la notion d’expérimentation qui avait été remplacée par celle de théâtre contemporain, durant les dernières éditions. Cette 27e édition se déroule dans un contexte très différent à cause de la pandémie. Alors, les organisateurs ont décidé qu’elle se passe essentiellement en ligne, avec la présentation de quelques spectacles égyptiens sur les planches en respectant les règles de la distanciation sociale. Une chaîne YouTube a été spécialement créée, afin que les internautes puissent suivre les pièces des diverses compétions, celles se rangeant sous l’étiquette « Théâtre du confinement » (voir encadré), les nouvelles créations dont la durée ne dépasse pas 90 minutes et les pièces d’archives, appartenant à la section « Mémoire du festival ».
La direction du festival a sélectionné 9 pièces à succès de ses archives, afin de les diffuser, à savoir : La Cité de cuivre (Autriche, 20e édition), Fuck Darwin (Egypte-Montengro, 19e édition), Lady Macbeth (Ukraine, 20e édition) , Le Masque (Azrébaijdan, 20e édition), Hyperborean (La Russie, 22e édition ), Orpheus (Italie, 22e édition), Prisons (La Jordanie, 22e édition), Les Affamés (l’Arménie, 19e édition), Moins Zéro (l’Iraq, 20e édition).
Le festival annonce tous les jours sur les réseaux sociaux les heures de diffusion des spectacles et offre au public les liens nécessaires pour les visionner.
Deux ateliers sont programmés au profit des jeunes, à travers l’application Zoom. D’abord, un atelier sur le jeu, animé par l’Américain Jeff Johnson. Ensuite, un atelier sur la critique selon une optique féministe, par la Libanaise Watfaa Hamadi.
Les manifestations qui s’inscrivent dans le cadre du colloque international, intitulé L’Importance des arts de la performance, sont également diffusées en ligne sur la chaîne du festival.
Du direct tout de même
En outre, la partie du festival qui est donnée sur les planches renferme une compétition regroupant 13 pièces égyptiennes, produites à des années différentes par les Palais de la culture, l’Opéra du Caire, la Maison du théâtre, l’Institut supérieur du théâtre et plusieurs troupes indépendantes.
Le 5 septembre dernier a été donnée en direct une soirée visant à commémorer les victimes de l’Incendie du théâtre du Palais culturel de Béni-Soueif en 2005, ayant fait 50 morts et 23 blessés. Durant cette même soirée, le festival a rendu hommage au critique Ali Al-Raei (1920-1999), pour célébrer son centenaire.
Un atelier de vocalises, au centre Ibdaa à l’Opéra, a été animé par la soprano Névine Allouba, ciblant les jeunes comédiens. De plus, le Conseil suprême de la culture a accueilli quelques colloques autour des spectacles égyptiens et du critique Hassan Attiya.
Cérémonie d’ouverture sans éclat
En respectant les mesures de précaution sanitaire et de distanciation sociale, la 27e édition du Festival international du Caire sur le théâtre expérimental a commencé le 1er septembre. L’ouverture du festival a eu lieu au Théâtre National, situé à la place Ataba, en l’absence des invités étrangers et des artistes arabes, à cause des restrictions de voyage. A l’entrée du théâtre, plusieurs personnes avaient leurs masques sur le visage, ils attendaient de passer par le portail de stérilisation et d’entrer dans la grande salle. A l’intérieur, la distanciation sociale entre les spectateurs n’était pas strictement appliquée, puisque le théâtre a accueilli plus de 25 % de sa capacité. Mais un siège vide quand même séparait un spectateur de l’autre. Et les baignoires étaient réservées aux journalistes.
En présence d’un public curieux et avide d’assister à des activités artistiques sur les planches, a été donné le spectacle de l’ouverture Taht Al-Nazar (au-dessous des regards), mis en scène par Kamal Attiya.
Cette édition, qui se déroule sous le slogan « Théâtre versus coronavirus », rend hommage à plusieurs hommes de théâtre égyptiens et étrangers, dont Sanaä Chafie et Hassan Attiya, deux professeurs d’art dramatique à l’Institut supérieur du théâtre disparus le mois dernier, le metteur en scène Sami Taha, qui a une large expérience dans le théâtre des provinces, ainsi que la dramaturge et comédienne libanaise Maya Zibib et le scénographe français Bruno Meyssat. L’hommage rendu aux étrangers s’est fait très brièvement, l’on s’est contenté de montrer rapidement leurs photos et les étapes de leurs parcours sous les coups des projecteurs. Cependant, sur le site officiel et la chaîne YouTube du festival, figurent de petits documentaires réalisés pour chacun d’eux. On aurait souhaité pouvoir communiquer avec eux ou les avoir en direct, à travers les multiples applications vidéo à la mode, mais ce ne fut malheureusement pas le cas.
Des spectacles pour rompre avec l’isolement
La compétition Théâtre du confinement, lancée par le festival cette année, est consacrée aux pièces qui ont essayé de contourner la pandémie. Leurs créateurs ont cherché à trouver des solutions alternatives pour sortir de l’impasse, continuer à travailler et rompre avec l’isolement. Il s’agit de 11 pièces dont 2 égyptiennes, qui sont exclusivement diffusées sur la chaîne YouTube et n’ont pas été présentées sur scène. Par exemple, le spectacle de danse contemporaine Al-Sama et Al-Bayt (entre le ciel et la maison) de Hazem Haïdar se déroule en plein air. Les danseurs se meuvent dans un vaste paysage, avec derrière eux une maison d’architecture minimaliste. Le chorégraphe et metteur en scène évoque les limites du corps, en le faisant bouger entre nature vaste et espace déterminé. Waiting for Sunrise (en attendant le lever du soleil), du metteur en scène alexandrin Mohamad Tayee, réunit des comédiens de différentes nationalités qui expriment leurs rêves de jouer sur les planches. Le spectacle américain Antigone Now (Antigone maintenant) de Margaret Laurena Kemp et Sinead Rushe est une adaptation de l’oeuvre de Sophocle. Il se passe également en plein air. Forced Memories (mémoires forcées, la Grèce) d’Emmmanouela Vogiatzaki Krukowski est un projet de télé-vidéo-performance qui vise à rassembler les impressions de plusieurs artistes du monde entier pendant la période de confinement. Ceux-ci s’inspirent, dans leurs témoignages des personnages isolés et socialement handicapés des oeuvres de Samuel Beckett. C’est en quelque sorte une étude contemporaine sur le surréalisme ; sur les tentatives de liberté et sur les efforts déployés pour échapper à ses prisons individuelles. Rotas 2020 est un film de danse contemporaine, tourné à l’issue d’un atelier de « résidence artistique virtuelle » sur Zoom. Cette résidence a été organisée par le Festival brésilien Danse en Transit, dirigé par Flavia Tapias et Nicole Seiler. Les danseurs communiquaient entre eux à travers l’application vidéo, comme s’ils étaient en résidence artistique. Ils parlaient de ce que représentait la danse pour eux.
D’autres spectacles sont également à suivre en ligne, jusqu’au 11 septembre.
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