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Des portraits qui racontent la vie

May Sélim, Mardi, 04 août 2020

Organisée par la galerie Mashrabiya, exclusivement en ligne sur la plateforme Artsy, l’exposition du peintre Ibrahim Al-Haddad, Sérendipité, nous plonge aux fonds des âmes. Des portraits très humains représentant des personnes qui savent aimer.

Des portraits qui racontent la vie
Un couple qui fête l’amour.

Devant un ordinateur ou un écran de portable, c’est facile de contempler les peintures à l’huile de l’artiste-peintre Ibrahim Al-Haddad. Celles-ci sont exposées exclusivement en ligne sur Artsy, en collaboration avec la galerie Mashrabiya. « Cette exposition aurait dû suivre celle de Esmat Dawstachi, tenue à la galerie Mashrabiya au mois de mars dernier. Trois jours après le vernissage, la galerie était obligée de fermer ses portes à cause du coronavirus. Etant donné que Mashrabiya est abonnée à la plateforme internationale Artsy, on a eu l’idée de relancer l’exposition d’Al-Haddad mais sur la toile. C’est une manière d’affirmer notre présence en tant que galerie d’art contemporain, malgré la pandémie. Pourtant, je dois préciser qu’une exposition en ligne n’est jamais comme une exposition qui a lieu dans une galerie. Le contact direct avec une oeuvre d’art est tout à fait différent, c’est toute une autre sensation. Je suis la gérante d’une galerie et je suis pour l’usage des sens dans la réception d’une oeuvre artistique. Mais les circonstances nous obligent à faire autrement », souligne Stefania Angarano, directrice et propriétaire de la galerie Mashrabiya, située au centre-ville cairote.

Ainsi, 23 tableaux d’Ibrahim Al-Haddad sont mis à la disposition des navigateurs de par le monde. L’artiste puise au plus profond des êtres humains et nous mène dans un voyage intérieur. C’est un retour aux sources des joies cachées en nous tous. Al-Haddad essaye, malgré les circonstances actuelles, de célébrer la vie. Et ce, à travers des portraits en couleurs et des scènes assez gaies.

Contrairement à ses expositions précédentes, Ibrahim Al-Haddad dans Sérendipité insiste sur la présence humaine. Il nous livre des portraits associant les traits égyptiens et africains. « Je ne peux pas séparer l’identité égyptienne de l’identité africaine. Les deux sont complémentaires », souligne le peintre.

Figés, mais pleins de vie

Ses personnages sont le plus souvent figés. Ils sont calmes et sereins. Tantôt assis, tantôt debout. Les détails du corps sont réduits au minimum. Des personnages qui se sentent à l’aise chez eux, soulagés et reposés. Quelques motifs servent à révéler leurs traits de caractère : un fils du pays avec un tarbouche sur la tête, une femme en djellaba fleurie et au corps volumineux, une autre plus jeune en rouge contemplant l’horizon ...

Al-Haddad opte pour une palette de couleurs chaudes et criardes, notamment pour peindre les habits et les accessoires : du vert, de l’orange, du rouge, du jaune … Des couleurs qui donnent souvent une sensation de vie, d’intimité et de chaleur humaine. Les personnages d’Al-Haddad, malgré leurs postures figées, abondent souvent de vie.

Quelques portraits sont associés à des animaux : un singe sur la tête, un pigeon blanc devant le visage ou la bouche, un poisson, des chats ici et là, etc. Ses motifs nous rappellent le style figuratif de l’Egypte Ancienne ; c’est aussi une façon de nous stimuler afin de trouver le rapport avec l’animal. Un simple retour à la nature ? Sans doute oui. Al-Haddad est fasciné par la splendeur de la nature, appréciant les relations simples et gaies des animaux.

Les arrière-plans de ses portraits sont composés d’ornementations traditionnelles, comme celles que l’on retrouve dans les vieilles maisons égyptiennes.

Des personnages qui nous ressemblent

D’ailleurs, ses protagonistes aussi ont l’air très familiers, on dirait des proches, des ancêtres. L’artiste tente de ressusciter un univers visuel propre au passé, tout en l’associant à des portraits reflétant les états d’âme d’aujourd’hui.

Dans certains tableaux, il va plus profondément, fouillant dans les âmes humaines. C’est l’occupation préférée du peintre. Sur presque toutes les toiles, le portrait se taille la part du lion, puis il tisse tous les détails concernant le personnage tout autour. Cela étant, il dévoile les divers aspects des personnages. « Le portrait représente l’aspect physique du personnage. Mais il y a aussi un côté spirituel qu’on ne peut omettre. L’âme et le corps, le spirituel et le physique, ce sont des relations que je ne peux pas exprimer par les mots. L’art est aussi une combinaison entre le matériel et le spirituel. On utilise des matériaux (couleurs, palette, brosse, toile, etc.), afin d’exprimer ce qui nous préoccupe des idées, des émotions …) ; c’est une combinaison éternelle. Quand on arrive à faire l’équilibre nécessaire entre l’âme et le corps, on peut facilement retrouver la paix, le calme et la joie. Sinon, on souffre d’un conflit interne insupportable », affirme le peintre.

Ainsi, sur une seule toile, on voit le portrait d’une femme avec un singe et des ornementations en forme de coeurs, en arrière-fond. Puis en marge, on voit cette même dame ayant un corps plus abstrait avec des ailes, ensuite tout au fond un troisième petit portrait d’elle avec un pigeon, un ciel bleu et des nuages. C’est le voyage de l’homme du matériel au spirituel.

Sur une autre toile, un homme est omniprésent. En marge, il est représenté sous la forme d’un ange avec des ailes et un corps simple sans détails. Au-dessus du portrait, est peint un cheval ailé voyageant dans la nuit. La lune brille dans le ciel noir.

A part les portraits, quelques tableaux traduisent des paysages fantastiques. Des gazelles, des plantes, des animaux et des êtres humains … Tous se retrouvent en parfaite harmonie, évoquant un sentiment euphorique indéniable. Un travail assez remarquable. « Ce sont des moments rares que j’essaye d’exprimer. C’est la joie qui est née d’une vraie communication avec soi-même et avec la nature. C’est aussi une célébration de la vie. Si l’homme est en accord avec soi-même, il peut vraiment apprécier les petites choses ordinaires dans la vie et se sentir heureux », estime Al-Haddad. Accentué par les couleurs, ce paysage euphorique reflète un sentiment réel qu’on éprouve parfois, malgré les contraintes de la vie. C’est l’harmonie totale.

Le retour à la nature, à la vie primitive semble être aussi une manière de célébrer la vie. L’une des peintures exposées en ligne dévoile les corps nus d’un homme et d’une femme, qui communiquent sous un arbre. Ils sont entourés de trois chevaux, et l’ensemble du tableau dégage une certaine innocence. Ils nous font penser à Adam et Eve. Dans ce retour aux origines et à l’innocence, Al-Haddad s’éloigne de tout ce qui est factice et se contente d’un moment de spontanéité et de joie, réunissant les personnages. Ceux-ci apprécient les petites choses de la vie.

L’exposition est en ligne sur Artsy jusqu’au 31 août. Elle sera reprise ensuite à la galerie Mashrabiya, en septembre prochain, pour inaugurer la nouvelle saison.

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