Après plus de trois mois et demi de fermeture en raison du coronavirus, les cinémas ont rouvert récemment leurs portes, avec des films qui ne sont pas tout à fait nouveaux. Si le public était content de retrouver l’ambiance des salles obscures, les professionnels s’inquiètent vu le nombre limité de spectateurs autorisés à être présents en salle et le nombre limité de films diffusés jusqu’ici. Les nouveautés égyptiennes et américaines seront probablement réservées aux semaines à venir.
Conformément aux décisions ministérielles concernant le retour à la normale, le taux de fréquentation du public ne doit pas dépasser les 25 % des capacités des salles, par précaution. De quoi faire réagir les producteurs et les propriétaires de cinémas. D’abord, cette annonce de réouverture des salles a été bien accueillie, toutefois elle implique un véritable défi pour les directeurs et propriétaires des salles. Car les mesures de précaution hygiéniques viennent bouleverser les pratiques culturelles.
« Les spectateurs devront toujours être séparés par un siège lorsqu’ils n’appartiennent pas au même groupe », précise Nader Saad, porte-parole du Conseil des ministres. Et d’ajouter : « La décision de rouvrir progressivement les salles a évidemment plu aux professionnels du cinéma, gravement touchés par la crise du coronavirus, même si d’aucuns regrettent de n’avoir appris la nouvelle qu’à trois jours près de la décision. Comme pour les autres domaines, la reprise des activités sera progressive ».
Après un mois environ de la réouverture, le bilan est assez maigre : les salles de cinéma peinent à attirer des spectateurs et l’absence de grosses productions à l’affiche n’arrange pas les choses. « Ce n’est pas tellement une question de faible fréquentation à cause des mesures sanitaires, mais c’est plutôt l’absence de films nouveaux qui pose problème, notamment en ce qui concerne les métrages égyptiens », souligne le producteur et scénariste Farouq Sabri, président de la Chambre du cinéma en Egypte.
Face à cette faible fréquentation, plusieurs exploitants ont décidé de fermer temporairement les portes de leurs salles durant ces mois d’été. C’est le cas notamment de la plupart des cinémas du centre-ville cairote, surtout ceux qui se trouvent en dehors des centres commerciaux. En fait, la majorité d’entre eux n’ouvrira pas avant le mois d’août.
Certains critiques et spécialistes du marché confirment que la crise sera atténuée avec la sortie des films du Grand Baïram, à condition que les institutions culturelles répondent aux recommandations de la Chambre de l’industrie du cinéma, en modérant les « restrictions imposées en raison du coronavirus ».
« Les activités artistiques ont repris partout en Europe. C’est une crise mondiale et tout le monde essaie de s’en sortir. Nous devons absolument retourner à la normale pour que l’industrie du cinéma ne meure pas », précise le critique de cinéma Tareq Al-Chennawi. Et de poursuivre : « Nous comprenons les craintes des producteurs, cependant, il nous faut du courage pour que cette crise soit temporaire ».
Un retour qui divise
Paradoxalement, Hussein Al-Dinari, l’un des responsables de la société Al-Sobki pour la distribution des films, considère que jusqu’ici, les entreprises de distribution ont pu survivre à la crise grâce à l’application du chômage partiel. Celui-ci est un outil de prévention des licenciements économiques qui permet à l’employeur en difficulté d’assumer une partie de la rémunération des salariés. « Mais quand tout le monde reprend son travail, y compris les fonctionnaires dans les salles, ce n’est pas pareil, et nos revenus dépendent essentiellement du succès très incertain des films actuellement en projection », ajoute-t-il.
D’après Al-Dinari, ce que la grande majorité des distributeurs redoutent c’est la réticence du public. « Il faut essayer de faire en sorte que les salles reprennent leurs activités dans les meilleures conditions, afin de rassurer les gens, explique-t-il. Si les salles rouvrent et restent vides, ça ne servira absolument à rien ».
Le constat est donc le suivant : l’été post-confinement n’encourage pas le public à se ruer sur les salles obscures. Cela se ressent de manière très nette, quand on passe devant les cinémas cairotes.
Hassan Abdel-Fattah, responsable de la distribution à la société de production Oscar, affirme pour sa part que « tous les acteurs de l’industrie du cinéma souhaitent que le pourcentage de présence actuellement autorisé, qui est de 25 %, passe au double ou bien au triple, pour pouvoir au moins freiner les pertes, en diffusant les films durant la période de la fête ».
D’ailleurs, il se plaint de l’annulation de la séance de 21h30, et celle de minuit, suite à la décision du premier ministre de fermer les centres commerciaux à 21h. Or, ces centres gèrent les salles de cinéma les plus fréquentées. « Cela signifie que nous n’avons que deux séances, celles de 15h et de 19h », explique-t-il.
« L’absence de nouveaux films aggrave la situation, notamment les films étrangers. Les producteurs arabes et égyptiens refusent aussi de s’aventurer et de diffuser des films durant ces temps où tout est flou », ajoute Abdel-Fattah.
Des chiffres décevants
Depuis leur réouverture, le 22 juin dernier, les salles de cinéma égyptiennes peinent malheureusement à se remplir. Il faut savoir que les sept films projetés dans les salles de cinéma n’ont pas réussi à attirer le public, les recettes des deux premiers week-ends ont tourné autour de 72 000 L.E. !
Dans un sondage réalisé il y a quelques jours par des boîtes de production sur Facebook, des centaines de spectateurs disaient vouloir se faire une toile au cours des prochaines semaines. Toutefois, pour le moment ce ne sont que des voeux et on est loin de franchir le pas. Après trois semaines à plus d’une centaine d’entrées, la fréquentation semble en effet stagner.
L’an dernier, sur la même période, les salles avaient attiré des millions de spectateurs. Là, on est à une baisse spectaculaire de plus de 93,5 % !
« On a sans doute affaire à des salles qui ne pourront accueillir qu’une personne sur trois pour respecter les distances de sécurité, avec un nombre de séances réduit pour ventiler les salles », réitère Tareq Métwalli, directeur des salles de cinéma au Sun City Mall, qui s’interroge : « Est-ce que les producteurs de films à grands budgets, car regroupant des stars tels Ahmad Ezz, Karim Abdel-Aziz ou Tamer Hosni, accepteront de diffuser leurs films, en étant sûrs qu’ils feront jamais salle comble ? ».
Or, selon lui, « il faudra des films fort attirants et à grand potentiel commercial pour assurer le succès de la réouverture des salles ». Ainsi, les films du Grand Baïram seront des « marqueurs importants » pour mesurer l’engouement du public à retourner dans les cinémas. A attendre donc les recettes indicatrices du box-office.
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