A cause des restrictions dues au Covid-19, le Festival international du film de Cannes a tenu cette fois-ci son marché annuel en ligne.
Ce marché créé pour soutenir l’industrie cinématographique sur le plan international et faciliter les affaires et le réseautage entre les professionnels du monde entier, près de 10 000 professionnels y étaient inscrits, avec des rencontres en direct et en temps réel. « Cette année, c’est une exception, une nouveauté sans précédent », a annoncé Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, à quelques heures de l’ouverture du marché. Ce marché du film en ligne a pris la forme d’un espace réservé aux professionnels de l’industrie cinématographique, auxquels il a offert des réunions vidéo, des projections en ligne (qui ont tenu compte de la différence des horaires), des programmes et des conférences.
Il était question d’une alternative numérique « permettant donc aux acteurs du marché de travailler dans des conditions presque similaires à celles sur place, grâce notamment à des diffusions de films en ligne calées sur différents fuseaux horaires et des réunions vidéo en direct », a expliqué Jérôme Paillard, directeur délégué du Marché du film de Cannes.
Près d’une centaine de professionnels arabes, dont notamment des Egyptiens et des Maghrébins, se sont inscrits à cette édition du marché, à travers des dizaines de pavillons virtuels et plusieurs rendez-vous programmés en ligne.
Le Centre du cinéma arabe (ACC), cofondé par les deux distributeurs de cinéma, Alaa Karkouti et Maher Diab, a participé au marché à travers un pavillon virtuel, faisant la promotion de plusieurs entreprises et films arabes, tout en organisant des rencontres entre les producteurs arabes et étrangers, qui ont pris part au marché. « Cette année, nous avons présenté toute une panoplie de films de production ou de coproduction arabe, lors des activités online du marché, y compris le film Souad réalisé par l’Egyptienne Ayten Amin, qui a été sélectionné pour représenter l’Egypte dans la compétition officielle. Celle-ci ne s’est pas tenue, malheureusement, à cause du confinement et du coronavirus », a souligné la direction du ACC. Et de poursuivre : « Nous avons tenu à participer cette année au Marché de Cannes afin de nous servir de cet outil de promotion, durant l’état actuel de stagnation artistique et économique qui frappe l’industrie du cinéma. C’était une expérience assez réussie, surtout avec les débats fructueux tenus sur l’avenir du cinéma et sur ses opportunités sur le plan économique, dans un monde où tout rassemblement est jugé dangereux et doit être limité ».
Ainsi, les producteurs et distributeurs ont eu accès à des stands virtuels, afin d’exposer leurs nouveautés et projets, comme cela se fait habituellement dans les sous-sols du Palais des festivals. Le « Village international », où les institutions du monde entier présentaient leur cinématographie nationale et leurs possibilités de tournage.
Des rencontres vidéo se sont effectuées via l’application Match & Meet et des projections en ligne hyper-sécurisées ont été organisées, à travers une logistique lancée par le festival, active à la date prévue de chaque rencontre en ligne.
Internet, l’alternative principale
Dans la tempête coronavirus, il reste nécessaire de garder le lien avec la communauté cinématographique mondiale et de faire en sorte que l’industrie du 7e art subisse le moins possible de cette annulation contrainte et forcée de presque la majorité des festivals et manifestations cinématographiques locaux et mondiaux. Seule solution : le virtuel. Selon la majorité des professionnels, outre les aides gouvernementales, l’alternative principale est donc Internet.
Le jeune documentariste égyptien Mina Chaker a réussi à obtenir une aide financière de l’un des fonds de production européens, grâce à sa participation à un forum en marge de la dernière édition du Festival de Thessalonique en Grèce. « Il faut avouer que la participation des films indépendants aux marchés du film des grands festivals représente le plus souvent un moyen efficace pour exister, obtenir un moyen de financement ou un moyen de projection. Sur la scène cinématographique égyptienne et arabe, les documentaires et courts métrages sont considérés comme des genres de second ou troisième degrés », indique Chaker. Et d’ajouter : « Pour la majorité des jeunes cinéastes, faisant leurs premiers ou seconds films, le marché européen et même américain représentent l’Eldorado. On peut y trouver les coproducteurs ou bien les plateformes désignées aux courts métrages, c’est pourquoi on a fondé un groupement intitulé Bab-films avec des collègues et amis libanais et maghrébins, à travers lequel on assiste, depuis trois ans, aux différents forums et activités qui se tiennent sur Internet, y compris le Marché du film de Cannes cette année. Et ce, à travers l’une des chaînes de production et de distribution marocaine indépendante, Ciné-film ».
La productrice tunisienne Emna Larbi souligne, pour sa part, que l’avenir est pour tout ce qui est en ligne, mais à court terme, dit-elle, « les capitaux privés auront certes d’autres priorités que celle d’investir dans le cinéma. Le cinéma doit donc se réinventer et nous devons faire partie de cette vague de renouveau, en participant aux débats et aux activités en ligne. En attendant, pour survivre et pour faire exister nos oeuvres, nous misons sur les plateformes Netflix Amazon, Apple, Sony … La période que nous vivons a montré à quel point la consommation de l’audiovisuel est devenue de plus en plus importante, voire indispensable ».
Bref, même avec l’ouverture partielle des salles de cinéma, tous les regards sont tournés vers les gouvernements pour pouvoir se relever d’une telle crise, surtout que personne ne sait aujourd’hui quelle en sera l’issue. Il est certain que tous les professionnels n’ont pas les moyens économiques solides ni durables pour survivre à une crise d’une telle ampleur. Seule une intervention urgente de la part de l’Etat permettra d’en sauver quelques-uns.
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