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Nasser Abdel-Moneim : Les salles de théâtre doivent être réaménagées de façon à respecter la distanciation sociale

May Sélim, Mercredi, 01 juillet 2020

Le metteur en scène Nasser Abdel-Moneim vient de soumettre à la ministre de la Culture un plan de reprise de l’activité théâtrale en quatre étapes. Entretien.

Nasser Abdel-Moneim

Al-Ahram Hebdo : Après les nouvelles décisions du Conseil des ministres concernant la réouverture des théâtres à 25 % de leur capacité, peut-on parler d’un retour à la normale ?

Nasser Abdel-Moneim : Sans doute, il s’agit d’une décision qui a ses raisons politiques et économiques, mais personnellement, je trouve que la réouverture subite des théâtres à 25 % de leur capacité est très prématurée. Mieux vaut étudier la question avant de passer à l’ap­plication.

La situation est assez ambigüe. Il n’y a pas de remède, jusqu’à présent, au Covid-19, et il n’y a pas non plus de moyen de savoir quand la pandémie va prendre fin. On doit donc continuer à vivre avec ce virus, pendant un certain temps. Les gens ont souffert du confi­nement, et les hommes de théâtre veulent travailler et mettre à jour leurs créations.

Le nouveau budget de l’Etat sera annoncé au mois de juillet, les troupes théâtrales qui dépendent du ministère de la Culture doivent soumettre leurs plans de production pour la saison 2020-2021, sinon, elles ne pourront rien programmer. Cela étant, il faut prévoir un plan de travail de plusieurs étapes en accord avec la situation en cours.

— Vous avez proposé à la ministre de la Culture une feuille de route pour le théâtre égyptien. En quoi consiste-t-elle ?

— Elle se compose de quatre phases. La première envisage des activités théâtrales en ligne. En fait, c’est quelque chose qui existe déjà, car ce genre d’activités a commencé avec le confinement, même si plusieurs hommes de théâtre rejettent l’idée, considé­rant que le théâtre est un art qui repose sur la communication vive et l’interaction entre le public et les comédiens. Mais la pandémie a ses diktats.

Le ministère de la Culture avait lancé l’ini­tiative « Restez chez vous, la culture est entre vos mains », et le Théâtre national avait entamé un nouveau projet intitulé Le Théâtre de la confrontation, avec dix courts spec­tacles d’après Tchekhov. Ce sont des spec­tacles dont la durée ne dépasse pas les 30 minutes, diffusés sur la chaîne YouTube du ministère de la Culture. Deux spectacles ont été diffusés en juin et les autres suivront. J’espère que toutes les troupes de théâtre de l’Etat suivront la même démarche, afin de varier les spectacles.

La deuxième phase consiste à donner des spectacles dans des espaces en plein air et à ressusciter le théâtre de la rue et le théâtre ambulant. On peut mieux profiter des espaces en plein air, qui dépendent du ministère de la Culture, comme la Maison de Zeinab Khatoun, celle d’Al-Harawi, dans le Vieux Caire, ainsi que plusieurs autres endroits. L’Opéra du Caire possède également un théâtre en plein air qu’on pourrait utiliser.

Les professionnels du théâtre, notamment ceux qui travaillent aux palais de la culture, ont beaucoup d’expérience dans la construc­tion et la déconstruction des théâtres en plein air. Ce n’est pas nouveau pour eux. Je crois que pendant l’été, ces deux premières phases sont tout à fait applicables.

La troisième phase sera l’ouverture des théâtres, mais avec des mesures de précau­tion et d’hygiène, limitant le public au tiers du nombre habituel. Ceci implique la mise en place de portails d’auto-stérilisation à l’en­trée des théâtres, afin de stériliser les per­sonnes avec un spray antiseptique et prendre les températures. Les salles doivent être réa­ménagées de façon à respecter la distancia­tion sociale, etc. De même, le port des masques et la stérilisation des mains seront obligatoires pour entrer au théâtre.

La quatrième phase sera le retour à la nor­male, mais avec les précautions sanitaires qui s’imposent.

— Le comité théâtral dépendant du Conseil suprême de la culture a lui aussi un plan, qui va dans le même sens, qu’en pensez-vous ?

— Le plan du comité, présidé par Hatem Hafez, va dans le même sens que la feuille de route que j’ai proposée. On est d’accord sur les grandes lignes. Cependant, le comité a ajouté quelques idées détaillées, concernant par exemple la tenue de spectacles à 4 comédiens dans les grands théâtres et la présentation de monodrames dans les petites salles. En tout cas, nous sommes tous au service du théâtre.

— Quelle est la réaction du ministère de la Culture vis-à-vis de ces propositions ?

— Le ministère de la Culture avait déjà lancé quelques activités, à travers sa chaîne YouTube, dont la diffusion de certains spec­tacles à succès, produits ces dernières années. Ceci a attiré notre attention quant à l’exis­tence de plusieurs spectacles intéressants qui n’ont pas été archivés. Et le ministère a décidé de redonner ces spectacles sur les planches, afin de les filmer et de les archiver. C’est un point positif.

La ministre de la Culture, Inès Abdel-Dayem, m’a contacté personnellement, pour s’assurer que les théâtres en plein air de l’Opéra vont accueillir les performances théâtrales, à partir de début juillet. Un nou­veau théâtre en plein air sera construit devant le centre d’Al-Hanaguer, toujours dans l’en­ceinte de l’Opéra. Donc, plusieurs démarches sont en cours.

— Les précautions hygiéniques néces­saires exigent-elles un budget supplémen­taire ?

— Non. Les budgets des productions théâ­trales sont intouchables. Dans le budget alloué aux théâtres de l’Etat, il existe norma­lement une somme fixe consacrée aux frais d’entretien de chaque théâtre, le fonctionne­ment de la cafétéria, etc. Les théâtres ont été fermés pendant une saison entière donc, on peut se servir de cet argent pour fournir les équipements nécessaires.

— Pensez-vous que les gens aillent tou­jours au théâtre, malgré la peur ?

— Absolument. Les gens sont lassés du confinement. Cela fait plus de trois mois qu’ils n’ont pas assisté à un spectacle. Ils peuvent se montrer un peu méfiants au départ, mais dès qu’ils s’assureront que les mesures de précau­tion hygiéniques sont strictement appliquées, ils vont revenir au théâtre progressivement.

— Quel est l’impact de la crise du coro­navirus sur les troupes indépendantes ?

— Les troupes indépendantes sont dans une situation assez critique. Elles souffraient déjà pour monter leurs spectacles et trouver des espaces de représentation. Le ministère de la Culture doit les soutenir et les aider à sur­vivre, car elles ont été gravement affectées par la crise. Il faut trouver un moyen de coo­pération entre ces troupes et les organismes de l’Etat. Par exemple, la Maison technique du théâtre peut mettre à leur disposition des espaces de représentation.

— Quels sont vos projets à venir ?

— Je suis en train de faire des répétitions en ligne, à l’aide de l’application vidéo Zoom, afin de préparer mon nouveau spec­tacle produit par le théâtre Al-Ghad. Il s’agit d’une adaptation des oeuvres coécrites par Naguib Al-Rihani et Badie Khaïri. Pendant le mois du Ramadan, j’ai eu l’occasion de suivre des sitcoms et des feuilletons comiques, diffusés sur le petit écran. Malheureusement, j’ai été très déçu par le niveau des comédies présentées qui ont opté pour la plupart pour le rire facile. C’est pour­quoi j’ai fouillé dans le patrimoine théâtral égyptien, en cherchant à reprendre les pièces comiques et à rappeler au public que c’était un genre beaucoup plus élaboré. Le spectacle sera diffusé sur la chaîne YouTube du minis­tère de la Culture vers mi-juillet.

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