Benali adopte un mysticisme multiculturel.
Sorti le 15 mai sous le label Euga Libra, le nouvel album de Ghalia Benali intitulé Adhan (appel à la prière) conjugue à travers ses 13 chansons inspiration mystique et musique classique de chambre. Par ailleurs, ce mysticisme ne fait pas référence au religieux, mais plutôt à une quête ou à un cheminement spirituel. C’est une sorte de voyage intérieur au plus profond de soi-même, un retour aux origines.
Née à Bruxelles, elle a grandi dans le sud de la Tunisie et a été attirée par la musique égyptienne, particulièrement par la diva Oum Kalsoum, mais aussi par la musique en provenance de Syrie et d’Iraq. De retour à la capitale belge pour y étudier les arts graphiques, elle a fini par se diriger vers le chant.
Ainsi, Benali, artiste aux multiples talents (auteure-compositrice, graphiste, comédienne, danseuse, chanteuse), baigne depuis toujours dans l’interculturalité. En musique, elle mélange les styles, établit des connexions entre les différentes cultures, revitalise l’ancien et enracine le nouveau, deux temporalités avec lesquelles elle a toujours vécu.
Depuis 1997, Benali a réussi à se faire un nom sur la scène musicale. Avec une dizaine de concerts dans le monde entier, elle a enchanté l’Est et l’Ouest avec sa capacité unique à communiquer avec le public. En 2008, elle a remporté le World of Music Award pour la meilleure chanson de musique du monde, décernée par l’organisation britannique indépendante We are Listening. Et en 2013, elle a été reconnue, selon New York Times, pour avoir donné l’un des 10 meilleurs concerts. Son univers embrasse des genres multiples et illustre le chemin qu’emprunte aujourd’hui la musique arabe contemporaine.
Il faut rester connecté
Si dans son dernier album Mawssoul (connecté), sorti en 2018, Benali a chanté sur des airs jazzy et rythmiques, dans son nouvel album Adhan, elle présente une fusion qui traduit une évidente envie d’explorer des territoires de création encore neufs.
Dans Tounes (la Tunisie), écrite par Emad Fouad et Ghalia Benali elle-même, elle partage l’univers de la poésie soufie et en vient à faire partager son expérience. Les paroles de la chanson étaient à l’origine une lettre qui lui a été envoyée par son ami quand la Révolution tunisienne a commencé, avait raconté Benali dans la presse. A travers cette chanson, elle exprime son amour pour la Tunisie ainsi que la fierté de son peuple. « En fin de compte, il ne reste plus que l’amour; le reste est insignifiant». Dans Awatadhkourou (souviens-toi) écrite par Benali, Romina Lischka et Salamony Ahmed, Benali cherche à exposer ses talents musicaux. Ceux-ci lui permettent de toucher à l’essence affective de la poésie soufie.
Dans Ra’aa Al-Barq (il a vu l’éclair), elle interprète quelques vers écrits par le poète et philosophe andalou soufi Ibn Arabi. Elle y apporte des influences de la musique indienne, à travers des vibrations vocales intenses aussi bien qu’avec le son de la viole de gamba, jouée par l’Autrichienne Romina Lischka. Cette dernière s’est aussi initiée au chant dhrupad, le style le plus ancien dans la tradition musicale classique indienne.
Dans Mossabeb Al-Asbab (le détenteur de tous), Benali interprète les paroles qu’elle a elle-même écrites, en adoptant le même style de l’appel du muezzin invitant les musulmans à la prière. Ce morceau reprend, de la sorte, le titre de l’album dans le sens où Adhan n’est que cette voix humaine qui interrompt les activités quotidiennes pour laisser la place à un moment d’écoute et de spiritualité.
Tantôt puissante, tantôt chuchotante, la voix de Benali donne un cachet à cet album et résume en gros son parcours. Elle cherche à bâtir des ponts entre l’Orient et l’Occident en dissolvant toutes les frontières et ne laissant place qu’à une fusion émotionnelle et musicale .
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