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Le cinéma perturbé par le coronavirus

Yasser Moheb, Mardi, 24 mars 2020

Salles temporairement fermées, festivals annulés ou reportés, sorties de films ajournées … La scène égyptienne du cinéma est complètement chamboulée par le coronavirus. Etat des lieux.

Des salles de cinéma fermées.
Des salles de cinéma fermées.

Une véritable onde de choc secoue actuellement les cinémas, les artistes, les cinéastes et les ciné­philes d’Egypte, renversant presque tout le calendrier culturel du pays. Comme beaucoup d’autres secteurs, le monde du cinéma subit de plein fouet les consé­quences de la propagation du coronavirus. Dans le cadre du renforcement des mesures de lutte contre ce dernier, le premier ministre égyptien a annoncé de nouvelles mesures, dont en tête de liste la fermeture des salles de ciné­ma jusqu’à la fin du mois de mars.

« Nous vivons une guerre rude et historique, celle contre la pandémie du Covid-19, une guerre qui est dangereuse et durant laquelle la priorité doit être accordée à la santé des indi­vidus et non pas aux moyens de les divertir », souligne le producteur Farouq Sabri, président de la Chambre de l’industrie du cinéma. Les répercussions économiques sont difficiles à évaluer au moment actuel. « Nous ne sommes pas en mesure actuellement de les chiffrer, étant donné que la situation peut changer d’un jour à l’autre », ajoute Sabri.

Depuis mercredi dernier, les gérants de ciné­ma ont fermé leurs salles, multiplexes ou ciné­mas de quartier pour plusieurs semaines. « C’est triste, c’est même terrible pour tous les exploitants et le personnel des salles de projec­tion », soupire Gawdat Michaël, responsable des salles de cinéma Galaxy au Nouveau Caire. « Toutefois, on respecte strictement toutes les décisions et mesures prises par l’Etat, afin de conserver notre santé, ou plutôt notre vie », dit-il. Et d’ajouter que cet arrêt d’activités entraîne des mesures particulières : « Il faut mettre le personnel au chômage tech­nique, se débarrasser des denrées alimentaires périssables vendues aux comptoirs et, surtout, mettre en veille les projecteurs numériques, qui sont des équipements technologiques fra­giles, ce qui nécessite des procédures spéci­fiques ».

Des salles de plus en plus obscures

Déjà touchées par une baisse de fréquenta­tion depuis le début de la propagation du coro­navirus, fin novembre dernier, certaines grandes salles souffrent d’une telle décision, alors que d’autres voulaient accueillir le public coûte que coûte. Aujourd’hui, les conséquences sont nettement sensibles dans les salles obs­cures. « Durant les vacances de mi-année scolaire, période magique de loisirs, les ventes de billets n’ont pas du tout été à la hauteur », indique Mohamad Nabil, directeur de la salle de cinéma Tiba.

D’après les estimations les plus prudentes, « cette crise pourrait déboucher sur une perte d’une centaine de millions de L.E. et freiner le progrès d’une industrie qui avait pourtant ter­miné l’année 2019 en fanfare », estime Saïd Al-Sayegh, spécialiste du suivi du box-office égyptien à la société de production Oscar. Selon les chiffres mis à disposition par les sociétés de production, les ventes de billets avaient été de 48,7 millions de L.E. du 1er jan­vier au 15 mars 2019, contre seulement 29,2 millions durant la même période cette année. « Des pertes qui vont certes doubler », prévoit-il. Par ailleurs, la possibilité d’une fermeture prolongée ou d’une limitation des spectateurs inquiète. D’autant plus que l’absence de recettes menace directement la rémunération de beaucoup d’artistes et de professionnels.

Or, la crise ne fait, semble-t-il, que commen­cer, tandis que les inquiétudes montent: qui compensera le manque à gagner des proprié­taires et des exploitants déjà touchés et de ceux qui le seront en cas d’obligation prolongée de fermeture? « Certainement pas les assu­rances, qui couvrent la perte économique des cinémas en cas de risque épidémiologique ou de fermeture administrative », répond Mohamad Nabil. Pour ce dernier, le secteur ne pourra pas se contenter du report du paiement des taxes et des loyers ou de la compensation des salaires sur ce chômage technique. « Des solutions d’urgence sont absolument néces­saires. C’est ce qui s’est passé en Italie ou en Chine, un soutien de la part de l’Etat sera plus que apprécié », indique-t-il.

Paralysie du box-office

Côté production, on commence aussi à sentir l’incertitude et l’angoisse monter. Avant que les cinémas ne soient obligés de fermer leurs portes, certaines sociétés de production et de distribution craignaient déjà les répercussions de la pandémie sur la sortie de leurs films. Plusieurs studios ont pris la décision de décaler la sortie de leurs prochains films. « On sent monter une crainte chez les producteurs, celle-ci pourrait à terme se traduire par un blocage de toute l’industrie », note Névine Rachad, de la direction du complexe des cinémas Sun City.

Parmi les films dont la sortie a été reportée figure Maria, une nouvelle fiction sur la chan­teuse libanaise Maya Nasri, écrite par Ahmad Anouar et réalisée par Moataz Hossam. La sortie de ce 5e film était prévue le 18 mars, mais les incidents actuels ont obligé le groupe de travail du film à ajourner la sortie à une date ultérieure, pas encore annoncée. Autre long métrage reporté : Aäz Al-Weld (le plus cher des enfants), interprété par Mervat Amin, Dalal Abdel-Aziz et Chérine. Cette oeuvre, co-écrite par Chérif Naguib et Georges Azmi et réalisée par Sara Nouh, ne verra le jour que parmi les projections de la saison du Grand Baïram.

Annulation de festivals

Restent les festivals, étant donné que la mobi­lisation annoncée pour combattre le virus les fait tomber les uns après les autres. Commençons par le Festival Visions pour le court métrage, fondé et présidé par Malek Khouri, professeur de cinéma à l’Université américaine du Caire. La 3e édition de cette manifestation, qui était prévue cette année du 11 au 19 mars, vient d’être reportée, tout en optant pour un nouveau format. « Respectant les conditions mondiales et égyptiennes qui menacent toute la société, nous refusons quand même d’annuler complète­ment la tenue de cette édition du festival, ce qui nous a conduit à le rendre virtuel cette année, et ce, en projetant les films sélectionnés à travers la page du festival sur Facebook », a annoncé Malek Khouri.

Pas loin de lui, c’était, il y a quelques jours, le tour des organisateurs du Festival d’Is­maïliya pour les films documentaires et les courts métrages, qui devait se tenir à Ismaïliya du 8 au 17 avril, de reporter leur événement. Après s’être montrée confiante, la direction du festival a finalement déclaré avoir arrangé avec le ministère de la Culture le report du festival au mois d’août. « Le Festival d’Ismaïliya doit rester un événement exceptionnel », a expliqué le critique Essam Zakariya, président du festi­val, dans un communiqué. « Vu l’état actuel de la lutte mondiale contre le Covid-19, nous ne pourrons pas le tenir à la date pré-annoncée, surtout avec toutes les nouveautés qu’on a programmées, ce qui nous a encouragés à prendre la décision d’en changer les dates, afin de lui fournir la tranquillité nécessaire. Espérons-le ! » .

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