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Le dernier repas de Che Guevara

Somoya Azzam, Lundi, 02 mars 2020

Le réalisateur iranien Bahman Tavoosi a projeté son premier long métrage The Names of the Flowers lors de la dernière édition du Festival international d’Assouan sur le cinéma féminin, du 10 au 15 février dernier. Une première dans le monde arabo-africain, après avoir parcouru plusieurs festivals.

Le dernier repas de Che Guevara
Le dernier repas de Che Guevara

Ayant reçu une mention spéciale du jury et le prix du public durant le dernier Festival international d’Assouan sur le cinéma féminin, le long métrage irano-canadien-bolivien The Names of the Flowers, du réalisa­teur et journaliste Bahman Tavoosi, relate le récit d’une vieille dame concernant Ernesto Che Guevara (1928- 1967). Encore une histoire qui accentue l’aura du commandant latino, mais cette fois-ci d’un point de vue féminin.

A travers des scènes répétitives, presque sans paroles, c’est l’image qui prend le dessus. La voix du nar­rateur nous vient de loin, racontant l’histoire de cette professeure de lycée dans un village perdu de la Bolivie qui a offert un bol de soupe à Che Guevara, pris en otage dans l’établissement scolaire où elle tra­vaillait, peu de temps avant sa mort. La vieille dame, Julia, raconte qu’il lui a lu un poème intitulé The Names of the Flowers (Los Nombres de las Flores). C’est au moins le récit qui a fait sa célébrité dans le village pendant de longues années. Car elle ne cesse de le raconter aux touristes de passage dans son village ainsi qu’à ses étudiants.

Les événements du film commen­cent avec les préparatifs de l’Etat bolivien pour commémorer le 50e anniversaire de la mort de Che Guevara. Ceux-ci doivent avoir lieu à l’établissement scolaire vétuste où il fut assiégé. Au moment où Julia devait se présenter sur scène pour raconter son histoire comme d’habi­tude, d’autres femmes du village ont repris à leur compte l’histoire « de la soupe et des fleurs ». Chacune s’est réapproprié le récit et l’on devait alors mener une enquête pour atteindre la vérité. Entre-temps, Julia fut interdite des céré­monies et poursuivie par des jeunes gens, l’accusant de mensonges, notamment en ce qui concerne le lac du village qui a été autrefois béni par le commandant et que les touristes viennent visiter de partout.

Natures mortes

Bahman Tavoosi, qui vit au Canada, fait défiler les images, celles des paysages et des visages silen­cieux, comme des peintures de nature morte. Tout est figé, même lorsque les gens se mettent à parler. La caméra sert à transpercer l’his­toire. Le personnage principal, sans doute Julia, est toujours là sans pla­cer un mot. Son visage est cependant très expressif. On suit ses mouve­ments assez lents, ses allers-retours à l’école et les préparations de la soupe dans sa vieille cabane. On suit également l’action des soldats affai­rés, en train de préparer la tribune pour la cérémonie. Puis, on finit par découvrir la vraie histoire, en tom­bant sur la dame qui a vraiment donné la soupe au Che. Cependant, ce dernier n’a jamais récité de poèmes et il n’a pas béni le lac « sacré » non plus. Ceci dit, pendant 50 ans, les habitants et les touristes ont maintenu la légende pour rien ; ils ont vendu des bouteilles d’eau bénite en provenance du lac, les femmes du village s’y trempaient pour se marier ou acquérir une plus grande fertilité, etc. Bref, au fur et à mesure, on rend la légende du lac responsable de tous les maux de la société. Car elle représente la supers­tition et le mensonge qui régissent l’héritage populaire.

Le réalisateur ne manque pas de faire allusion à la répression mili­taire, montrant comment la crise fut gérée, en interdisant aux femmes du village de paraître en public ou de raconter leur version de l’histoire, et comment le gouvernement a profité de la situation pour marquer des gains politiques. A maintes reprises, on voit la scène des femmes en pleurs se répéter; elles sont en train de supplier le responsable militaire de les pardonner par pitié de leurs enfants.

Le film montre surtout la fragilité des conditions féminines. Elles sont les maillons faibles de la société .

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