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Akhenaton ou le combat pour la tolérance

May Sélim, Dimanche, 26 janvier 2020

Dans son nouveau spectacle Akhenaten, Dust of Light (Akhenaton, lumière de poussière), le chorégraphe et metteur en scène Walid Aouni puise dans l’histoire de l’Egypte Ancienne, plus précisément la vie de ce célèbre pharaon, pour condamner le fanatisme.

Akhenaton ou le combat pour la tolérance
Le culte du Soleil. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Le tout est imprégné d’une ambiance de music hall. Des passagers traversent les planches en portant leurs valises. Ce sont des réfugiés du Moyen-Orient. Ils dansent en suivant la musique et poursuivent leur voyage, à la recherche de paix et de sécurité. Quelques danseurs encerclent un voyageur en particulier, lui font ôter ses habits contemporains et en mettre d’autres, pharaoniques. C’est la métamorphose totale: le voyageur se transforme en Akhenaton sous nos yeux.

C’est ainsi que commence le nouveau spectacle du chorégraphe et metteur en scène libanais Walid Aouni, Akhenaten, Dust of Light (Akhenaton, lumière de poussière), interprété par la troupe de danse contemporaine de l’Opéra du Caire. Aouni puise dans l’histoire de l’Egypte Ancienne, précisément la vie d’Akhenaton, en la rapprochant de l’actualité sociopolitique.

Akhenaton était le 10e pharaon de la XVIIIe dynastie. Il était le fils de la reine Tiyi et du roi Amenhotep III. Il a fait une réforme théologique, refusant le polythéisme de ses prédécesseurs et du clergé d’Amon, et est parvenu à imposer son culte monothéiste, incarné par Aton, le dieu Soleil. Il a choisi de fonder une nouvelle capitale, Tell Al-Amarna, à Minya, et y a construit un temple dédié à Aton. Mais celui-ci a été détruit par les fanatiques de son époque. Le rêve d’Akhenaton a été avorté. De quoi justifier le titre du spectacle, Lumière de Poussière.

Sur les planches, l’histoire de ce pharaon est retracée par la danse. Aouni est très soucieux de ne pas reproduire les mêmes gestes et mouvements clichés que l’on voit tout le temps dans les spectacles et qui évoquent l’histoire de l’Egypte Ancienne, que ce soit dans le théâtre ou au cinéma. Il puise plutôt dans les dessins et les bas-reliefs des murs des vieux temples afin d’en faire quelque chose d’original. Les corps des danseurs forment parfois une structure géométrique, comme s’ils incarnaient des dessins sur les murs des temples. L’ensemble est en harmonie avec la sélection de musiques rythmiques.

Les rapports entre Akhenaton et son père, le roi Amenhotep, et sa mère, la reine Tiyi, ainsi que son épouse Néfertiti sont bien traduits par la danse. Il en est de même pour le face-à-face avec Amon et avec le clergé polythéiste. L’une des scènes les plus expressives est celle où Akhenaton, après la destruction de son temple, danse en solo, par terre. Affligé, il se regarde longuement dans les miroirs qui l’entourent.

Walid Aouni a recours à une scénographie riche en symboles pharaoniques. Il utilise le mapping vidéo pour projeter des hiéroglyphes à l’arrière-fond du théâtre. L’ankh (la croix de vie) est ainsi un motif très présent sur scène. Le dieu Soleil est incarné par un éclairage au-dessus du temple construit sur les planches. Tous les éléments du décor sont utilisés sur scène par les danseurs. Ainsi, on voit les fidèles du culte instauré par Akhenaton en train d’aider à la construction du temple d’Aton et le clergé en train de le démolir.

Les piliers du temple revêtent la forme de quatre carrés sur lesquels dansent les quatre personnes les plus influentes sous le règne d’Akhenaton: Tiyi, Amenhotep, Amon et Néfertiti. Les détails vestimentaires et les accessoires vont de pair avec le faste de l’époque pharaonique, avec notamment des ornements dorés.

L’esprit d’Akhenaton

Akhenaton ou le combat pour la tolérance
Aouni et Akhenaton pendant les répétitions. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Aouni nous imprègne davantage de la manière de penser d’Akhenaton en ayant recours à des extraits de ses poèmes et textes philosophiques. Ceux-ci sont récités en arabe classique par le comédien Ahmad Al-Sayed, qui incarne l’esprit d’Akhenaton. Au départ, il est l’un des passagers qui traversent la scène. Puis, il émerge du fossé de l’orchestre, rejoint la scène et récite des extraits de la poésie d’Akhenaton pendant le lever du soleil et la construction du temple. Certains poèmes évoquent son rapport étroit avec sa mère et sa femme, alors que d’autres servent à commenter les scènes de danse. Vers la fin du spectacle, le jeu devient beaucoup plus dramatique. La poésie condense le culte d’Akhenaton.

Après tant d’épreuves, le pharaon meurt. De nouveau, l’ambiance du music hall domine la scène, les danseurs aident leur collègue à sortir de la peau d’Akhenaton, en lui ôtant ses habits pharaoniques. Ce dernier regagne les rangs des passagers contemporains et danse comme eux, avec un sourire sarcastique sur les lèvres.

Aouni lance ainsi un clin d’oeil à l’actualité politique du Liban, son pays d’origine. Ses compatriotes sont de bons vivants tout comme les passagers qui dansent en étant à la recherche d’un refuge. Certains d’entre eux portent un petit drapeau libanais ou palestinien. Le danseur qui a joué Akhenaton se retrouve aussi face-à-face avec Alan Kurdi, le petit réfugié syrien de trois ans (joué par un enfant), mort noyé, dont on a retrouvé le corps en Turquie, comme pour représenter les réfugiés qui meurent en prenant la fuite devant les forces aveuglées par le fanatisme et le terrorisme. Les mêmes qui ont ruiné autrefois l’ère d’Akhenaton ... L’Histoire est un scénario à répétition.

Akhenaten, Dust of Light (Akhenaton, lumière de poussière), les 29 et 30 janvier, à 20h, dans la grande salle de l’Opéra du Caire, terrain de l’Opéra, Guézira.

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