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Le théâtre 15 X 15 en vogue

May Sélim, Lundi, 06 janvier 2020

Le concept de micro-théâtre propose des spectacles de 15 minutes au profit d’une quinzaine de spectateurs, dans une salle de 15 m2. Lancé en Espagne en 2009, sur fond de crise économique, ce théâtre à huis clos tend à se répandre dans plusieurs pays dont l’Egypte. Un festival est prévu mi-janvier, d’autres s’ensuivront sans doute durant l'année.

Un mini-spectacle, présenté lors du festival Micro Arts.
Un mini-spectacle, présenté lors du festival Micro Arts.

Tout se passe en 15 minutes, dans un espace de 15 m2, en présence de 15 spectateurs. Le micro théâtre a ses propres règles. Ayant fait apparition en Espagne, cette forme théâtrale est issue de la crise économique dans le pays et a connu un grand succès, surtout à Madrid en 2009. Et ce, avant d’envahir l’Amérique latine, par la suite. Aujourd’hui, le micro-théâtre s’introduit dans les salles de théâtre égyptiennes. Certains observateurs prévoient même qu’il aura davantage le vent en poupe et le compare souvent à une autre forme théâtrale, assez populaire en Egypte dans les années 1960, à savoir le « théâtre de chambre », en vogue en Europe au début du siècle passé, lequel limitait les moyens d’expression scéniques et l’ampleur des thèmes traités, pour créer une sorte de huis clos, réunissant dramaturgie et spectateur.

« Les spectacles assez courts étaient récurrents dans le théâtre dit Al-Samer, présentant essentiellement des thèmes liés au patrimoine. Le micro-théâtre se rapproche des sketchs qui se donnaient souvent durant les festivités culturelles, pour jeunes ou amateurs. On rompt avec l’espace scénique traditionnel pour se rapprocher du public, en une courte durée. Ce n’est pas nouveau donc. Dans les divers gouvernorats égyptiens, on a eu plusieurs expériences similaires. Abdel-Rahman Arnous, de la ville de Port-Saïd, accueillait le public dans une barque et y présentait de mini-spectacles, Mohamad Fadel avait formé une troupe appelée Aboul-Hol (le Sphinx), qui donnait des spectacles dans les cafés populaires du Caire et de Guiza. Il y a aussi Abdel-Aziz Makhyoun et sa troupe Donchouaï, la troupe des Paysans d’Al-Mansoura de Sourour Nour, etc. », fait remarquer Adel Hassan, metteur en scène et directeur du secteur théâtral de l’Organisme des Palais de la culture. Et d’ajouter: « Ces expériences théâtrales n’ont pas été classifiées ou bien examinées par les critiques ».

En 2014, Hassan avait déjà passé une expérience similaire dans un café populaire où il donnait un spectacle assez court, intitulé Bel Masri (en dialectal). Les comédiens se mélangeaient au public et échangeaient de rôle avec les clients du café ou les marchands ambulants. Le spectacle a fait le tour d’environ 30 cafés populaires, dans les quartiers d’Al-Haram et Al-Omraniya. C’était une expérience à succès, soutenue financièrement par la fondation culturelle Madad. « Je crois que l’expérience du micro-théâtre en Egypte est encore à ses débuts et mérite d’être bien observée et analysée par les spécialistes. Quand on parle de micro-théâtre, il faut préciser s’il s’agit d’abréger le temps ou la forme dramatique ou autre. Sinon sur ce plan, on ne peut omettre d'expériences marquantes, comme celle du poète et dramaturge Ahmad Al-Saïdi à Ménoufiya (dans le Delta) et celle du festival Kemet sur les courtes pièces de théâtre, tenu au Caire en 2014. En tout cas, je suis pour toutes sortes de formes théâtrales, qui encouragent les jeunes à créer et qui incitent le public à goûter à des expériences différentes. Les spectacles qui durent deux et trois heures ne sont pas du tout en adéquation avec notre époque », souligne le critique et professeur de théâtre à l’Académie des arts, Mohamad Al-Khatib.

Un genre à part

Bel Masri (en dialectal) a fait le tour d’environ 30 cafés populaires.
Bel Masri (en dialectal) a fait le tour d’environ 30 cafés populaires.

Même si les expériences citées ci-dessus s’approchent de l’idée du micro-théâtre, elles ne répondent pas exactement aux critères du modèle espagnol. C’est ce qu’assure Nabila Hassan, professeure de théâtre à l’Académie des arts et spécialiste du théâtre espagnol, expliquant : « Il faut bien comprendre que le micro-théâtre est un genre à part. Il n’est le prolongement ni du théâtre de chambre, ni du théâtre de rue. Au niveau de la structure, il s’attaque directement au noeud de l’intrigue, sans aucune introduction ni présentation des personnages. L’espace est toujours limité à 15 m2, maximum à 20 m2, et le public ne dépasse pas une quinzaine de personnes. Le micro-théâtre propose une approche télescopique des sujets contemporains ». La formule est simple. Des sujets personnels ou psychologiques, dans une ambiance intimiste, où l’on n’arrive pas à faire la différence entre les comédiens et les spectateurs. D’où la comparaison avec le théâtre de chambre qui obéit pratiquement aux mêmes règles, mais peut-être de manière moins contraignante. Les spectateurs se trouvent souvent impliqués dans le jeu, même en gardant leur place et ne soufflant mot. Pour Nabila Hassan et bien d’autres spécialistes, le concept de micro-théâtre ne va pas manquer d’attirer de jeunes créateurs, désireux de surmonter les problèmes de la production et de suivre le rythme rapide des temps présents.

Un festival en continu

Le théâtre 15 X 15 en vogue

C’est le cas du metteur en scène, Ahmad Chawqi Raouf, qui vient de lancer un festival de Micro-Arts, en novembre dernier. Celui-ci s’est tenu au centre Mawalana, dans le centre-ville cairote, proposant des spectacles courts de théâtre, de danse et de chant. « On a voulu élargir un tout petit peu le concept de micro-théâtre, c’est pourquoi on a offert au public 12 représentations théâtrales pendant une semaine. Chaque jour, en achetant un ticket de 10 L.E., on a le droit de voir ce qu’on veut : théâtre, chant, musique, danse, pantomime, etc. Les spectacles assez courts passent en boucle entre 18h et 22h dans 3 salles : une salle de 15 m2, une autre de 20 m2 et une troisième de 30 m2. Les trois salles accueillent respectivement: 15, 20 et 30 personnes », précise Ahmad Chawqi Raouf.

Après une première édition, qui s’est déroulée du 15 au 22 novembre dernier, une autre a eu lieu entre le 24 et le 30 novembre. Le public s’est montré curieux de découvrir ces mini-performances en une soirée. « Les activités de la manifestation Micro-Arts doivent s’étendre sur toute l’année et se poursuivre en continu », ajoute le fondateur du festival. La troisième édition est prévue le 15 janvier prochain, ajoutant à la programmation des projections de courts métrages, outre les spectacles variés de 15 minutes, qui ont fait la réussite de l’événement .

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