Héba Helmi multiplie les techniques, explorant de nouvelles lettres et de nouveaux matériaux.
« Au début, je voulais apprendre la calligraphie du style tholoth, car je n’en pouvais plus à force de répéter les mêmes caractères générés par ordinateur. Enfin, j’ai appris le tholoth ainsi que d’autres styles de caractères classiques », raconte Héba Helmi à l’occasion du vernissage de son exposition Talisman, à la galerie Nwt, (prononcé nout), à Maadi.
L’artiste a déjà tenu plusieurs expositions au Caire et à Londres, montrant souvent des portraits riches en détail et en sentiments. Son oeuvre intitulée Une fille dans un sac, exposée en ce moment à Nwt, est une tentative réussie quant à l’usage de lettres proches de la calligraphie arabe pour exprimer le parcours unique d’une jeune fille qui devient femme.
L’artiste-peintre et designer a eu recours à plein de livres pour maîtriser l’art de la calligraphie arabe qu’elle a explorée pendant les trois dernières années. Elle a été aidée par un vrai maître du genre, à savoir l’artiste Mohamad Hammam. « Elle est venue frapper à ma porte il y a plus de trois ans, me disant qu’elle voulait apprendre la calligraphie arabe. Puis elle revenait souvent me voir pour me montrer des couvertures de livres qu’elle avait réalisées et je devais lui corriger les détails des lettres », se souvient celui-ci.
C’est en forgeant qu’on devient forgeron, n’est-ce pas ? « La calligraphie est devenue ma nouvelle technique de méditation. C’est thérapeutique. Pour faire une belle courbe en dessinant une lettre, je respire régulièrement et après plusieurs inspirations et expirations, je dessine, d’un coup, une courbe différente des courbes classiques des lettres de l’alphabet arabe. Je lui ajoute une petite queue, par exemple. Ainsi, j’ai inventé mon propre alphabet », révèle l’artiste. Et d’ajouter : « Les oeuvres exposées portent en elles des messages cachés, mes sentiments, les slogans que je préférais durant la Révolution de 2011. Il faut bien regarder pour mieux les déchiffrer ».
C’est vrai qu’en regardant attentivement les divers tableaux de l’exposition, on finit par découvrir que ce ne sont pas vraiment des lettres arabes typiques et que les lettres en question s’entremêlent sur des matériaux différents, du tissu, du papier, du cuir, des toiles en soie ou en jute, aux formes et aux couleurs variées. Les lettres de la calligraphie « à la Héba Helmi » sont partout sur les 50 oeuvres exposées. Elles forment des mots illisibles, en longueur et en largeur. Elles sont dessinées, parfois brodées ou taillées.
Les surprises de la céramique
Héba Helmi multiplie les techniques, explorant de nouvelles lettres et de nouveaux matériaux.
Plusieurs oeuvres sont agencées en série, comme pour raconter une histoire que seuls ceux qui vont au-delà des mots peuvent comprendre. Ainsi, les visiteurs sont pris dans un périple spirituel et mystique. « Je me suis plongée dans le monde des lettres. J’ai lu des livres sur l’histoire de l’écriture, depuis son invention, en passant par l’histoire des codes secrets et des talismans », dit Héba Helmi.
L’exposition illustre, par ailleurs, à merveille le parcours de l’artiste, ce processus d’apprentissage. « J’ai commencé par travailler sur du papier, ensuite j’ai voulu expérimenter avec d’autres matériaux. Un jour, au marché couvert d’Al-Ataba, j’ai trouvé du cuir artificiel. Une vraie découverte. Car autrefois, on travaillait souvent sur du tissu, du bois ou de la pierre, mais pour moi, le cuir artificiel, c’est le meilleur matériel pour faire absorber l’encre et pouvoir plier facilement les lettres. En plus, c’est du doré, donc ça me permet d’avoir l’éclat que je désirais », indique Héba Helmi.
Après le cuir, c’était au tour de la céramique. L’artiste a, en effet, passé une bonne partie de sa vie dans le village de Tunis, à Fayoum, réputé pour ses ateliers de poterie. Le mariage entre l’art de la poterie et le folklore issu du milieu paysan s’est fait de manière tout à fait normale dans cette ambiance.
Héba Helmi a donc voulu marier ses deux nouvelles passions : la poterie et la calligraphie. D’où des oeuvres très originales. « Le résultat avec les pièces en céramique est toujours une surprise. Personne ne peut garantir à 100 % l’effet du four sur les couleurs. J’ouvre le four et je me réjouis de découvrir un résultat inattendu », explique-t-elle. Les couleurs des oeuvres exposées ne sont pas bien définies, il s’agit plutôt d’un amalgame de couleurs fusionnées et nacrées. Au visiteur de nommer la couleur et d’en déchiffrer les codes.
Talisman, jusqu’au 14 janvier, de 10h à 21h, à la galerie Nout. 19, rue 12, Maadi Sarayat.
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