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Fatima Nouali : Nous sommes aujourd’hui à l’ère des jeunes cinéastes arabes

Dina Kabil, Mardi, 05 novembre 2019

Avec pour thème la comédie, le 2e Festival du film arabe de Casablanca, qui s’est achevé le 25 octobre, a su se positionner sur la scène du 7e art. Rencontre avec sa fondatrice et présidente, Fatima Nouali.

Fatima Nouali

Al-Ahram Hebdo : Quel est le bilan de la 2e édition du Festival du film arabe de Casablanca, qui s’est déroulée du 18 au 25 octobre der­nier. Dans quelle mesure avez-vous atteint vos objectifs ?

Fatima Nouali : La première édi­tion sert toujours à présenter le festival, les participants, à fixer les objectifs et à se faire connaître. C’est l’édition « fondatrice ». Comme si on commençait par faire une expérience, avant aujourd’hui de passer au stade de l’application, avec la 2e édition, qui prouve que le festival va continuer. Aujourd’hui, nous pouvons dire qu’il existe une sorte de professionnalisme au niveau de la programmation des films arabes (dans la compétition officielle ou dans le panorama), du choix des participants et des vedettes décorées.

— Pourquoi avez-vous choisi la comédie comme thème de cette 2e édition ?

D’abord, notre objectif était de concevoir un thème, puis une fois qu’on avait choisi la comédie, il fallait sélectionner les stars aux­quelles on allait rendre hommage et qui devaient être en rapport avec le thème principal de cette édition : la comédie. C’est pourquoi nous avons programmé des conférences et des projections, en présence des comédiens décorés : l’Egyptien Hani Ramzi, le Marocain Aziz Dadas, le Koweïtien Daoud Hussein, la Marocaine Zohour El Solimani et le Syrien Dorid Lahham, qui a eu un empêchement et n'a pas pu assister à la cérémonie.

Je pense que les stars de la comé­die sont toujours très appréciés du public et, pourtant, ils viennent au deuxième rang dans les festivals de cinéma. Le film comique est un film populaire, oublié par les instances officielles et par les différents festi­vals. Cependant, de nombreux films du genre sont dignes d’être présents. Nous avons organisé également une conférence sur la comédie politique dans les films arabes. Nous savons que le politique ne figure pas dans nos films et que ce n’est qu’à travers la comédie qu’on arrive à aborder des sujets politiques.

— Vous avez aussi rendu hom­mage à deux grandes figures du cinéma arabe, lors de la clôture du festival …

— Nous avons voulu rendre hom­mage aux réalisateurs éminents qui ont présidé le jury, à savoir le Soudanais résident en Egypte depuis 40 ans, Saïd Hamed, qui a présidé le jury du court métrage, et le Marocain Abdel-Rahman El-Tazi, qui a présidé le jury du long métrage. N’oublions pas non plus les cours magistraux (Masterclasses) organisés pendant les jours du Festival, celui du réali­sateur algérien, décoré à Cannes, Ahmed Rachdi, du réalisateur égyptien Khaïri Bichara, du Marocain Ahmed Boulane et du Soudanais Saïd Hamed.

— Vous êtes une figure média­tique populaire au Maghreb, pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans le monde du cinéma, avec un intérêt particu­lier pour les courts métrages. Qu’en est-il de votre parcours ?

— A partir de mon expérience pré­alable, en travaillant au Festival de Tanger sur les courts métrages, j’ai constaté qu’il existe une ambition, une fougue chez les jeunes, à présen­ter une vision autre que celle des grands cinéastes. Je suis convaincue que l’ère est celle des jeunes cinéastes arabes, et ils aboutiront. Ils veulent un nouveau cinéma qui dépasse toutes les barrières. Le jeune cinéaste arabe d’aujourd’hui ne se considère pas en tant qu’Arabe enfermé dans son espace géogra­phique restreint, mais le monde est ouvert devant lui.

Pour ces jeunes, le monde est très grand, égal à leur ambition. Ce côté m’intéresse beaucoup, j’ai vu cela de près, surtout que je suis la mère de deux jeunes hommes qui tra­vaillent dans le cinéma. A travers eux, j’ai fait la connaissance d’autres jeunes cinéastes arabes. Ce qui se passe est tout à fait passion­nant ; le cinéma arabe sort de sa localité vers l’univers, sans se clas­ser sous des labels d’Arabes, repliés sur soi, ayant des traditions désuètes. La preuve est que nous avons reçu plusieurs films très inté­ressants, tournés par des jeunes. Ceux-ci fouillent partout et ne ces­sent de frapper aux portes les plus verrouillées.

— Quels sont les défis que vous devez relever et quelles sont vos ambitions quant à l’avenir de ce festival ?

Je rêve d’avoir le plus grand nombre de films arabes de qualité présents au Festival. L’an dernier, nous avions 9 films ; cette année, on a projeté 11 longs métrages et 20 courts métrages, outre les 150 films du Panorama marocain et du Panorama arabe. Nous espérons attirer le plus grand nombre de pays arabes, avoir tous les pays arabes représentés.

Malheureusement, certains pays ne produisent pratiquement pas de films de fiction. Les productions régu­lières viennent surtout de la Tunisie, de l’Egypte et du Liban. La Jordanie a participé avec un film plutôt com­mercial, que nous avons projeté dans le cadre du Panorama arabe ; l’Iraq n’était pas présenté, à titre d’exemple. Nous avons aussi une autre contrainte, celle de ne pas avoir plu­sieurs premières arabes à Casablanca, car ils vont plutôt au Festival de Carthage. Il serait difficile d’entrer en compétition avec de tels festivals. Carthage a une grande renommée, ainsi que le Festival du film du Caire. Les festivals les plus presti­gieux demandent normalement d’avoir des films projetés en pre­mière. Nous espérons arriver au jour où les producteurs nous choisiront en premier, pour des projections mon­diales.

— Que prévoyez-vous, pour la 3e édition 2020 ?

— L’année prochaine, nous consa­crerons une compétition aux films documentaires. Car le film de fiction n’est pas présent dans tous les pays arabes, alors lançons-nous dans le documentaire ! L’important est de renforcer la présence de tous les pays arabes, donc celui qui n’a pas de pro­duction fictive aura sans doute un court métrage ou bien un documen­taire à présenter.Je rêve que le festival aura sa place sur la liste des festivals arabes et qu’il restera intègre. C’est-à-dire que le seul critère reste la qualité du cinéma, grâce à un jury honnête et profession­nel, sans intervention aucune de la part de la direction du festival. Avec comme devise : transparence et pro­fessionnalisme.

— Qu’en est-il du soutien des productions cinématographiques qui peut stimuler davantage le cinéma jeune et les visions diffé­rentes ?

— Nous avons sans doute cette ambition de consacrer des fonds pour le cinéma jeune. On attend toujours que les fonds arrivent des institutions de cinéma de l’Etat, alors qu’au­jourd’hui, les initiatives indépen­dantes portent davantage leurs fruits. La volonté de coopérer, sur le plan arabe, s’est révélée clairement, lors de la table ronde organisée durant le festival sur la coproduction. Avoir un scénario d’un pays, le cameraman d’un autre, l’équipe de comédiens d’un troisième, ou du moins faciliter le déplacement d’un pays à l’autre. Nous y avons conclu que le festival serait une plateforme pour une nou­velle ère de coproduction.

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