Les lycéennes du pensionnat Notre-Dame du Nil étaient un mélange de Hutus et de Tutsis.
Prix Renaudot et Ahmadou-Kourouma en 2012, le roman Notre-Dame du Nil, de Scholastique Mukasonga, écrivaine d’origine tutsi et réchappée du génocide, a été adapté pour le cinéma par l’écrivain et réalisateur Atiq Rahimi. Ce dernier compare là, dans son 3e long métrage, la guerre opposant Hutus et Tutsis, et le conflit opposant les élèves des écoles rwandaises. Il présente en premier le quotidien des adolescentes rwandaises en remontant à l’année 1973, avant de se tourner vers l’horreur et la violence interethnique qui fera plus de 800 000 morts, 21 ans plus tard, dans le « pays des mille collines ». Un envahissement de barbarie que le film relie aussi au passé colonial du pays.
Dans cette adaptation cinématographique, le réalisateur déplace sa cible de son pays natal, l’Afghanistan, vers les jungles troubles du Rwanda, en 1973, 21 ans donc avant que ne commence le massacre de masse. Le film ne propose pas les origines du génocide, mais recrée plutôt l’atmosphère de haine aveugle qui y conduit, tout en soulignant à l’arrière-plan certaines idées concernant notamment les légendes sur les sources prétendues pharaoniques des Tutsis.
Au pensionnat Notre-Dame du Nil, tenu par des religieuses et des prêtres catholiques et niché au-dessus de la ville, les lycéennes se sentent protégées du monde. Ces filles issues de l’élite du pays sont formées pour devenir la future classe dirigeante. La plupart d’entre elles sont des Hutus, mais un petit quota est réservé aux étudiantes tutsies. En passe d’obtenir leur diplôme, elles partagent les mêmes chambres, les mêmes rêves et les mêmes problématiques d’adolescentes. Mais dans tout le pays comme au sein de l’école se déclenchent de profondes rivalités, qui changeront à jamais le destin de ces jeunes filles et de leur entourage.
L’oeuvre tisse une intrigue se développant à deux niveaux : le premier est de peindre les portraits des filles constituant l’avenir de ce pays teinté par la laideur du litige ethnique, alors que le second est de relater certains côtés historiques concernant les méfaits de la colonisation menant au génocide dénué de toute humanité.
Traitement stylistique réaliste
Cherchant clairement à ne pas plonger dans les sources et les causes du combat ethnique, Atiq Rahimi préfère le traitement stylistique réaliste, sans verser dans le côté purement politique, tout en injectant des idées et des convictions lyriques. L’ensemble forme un tout à la fois classique et original, sans être trop instructif sur le thème du génocide. Construit en 4 parties — « Innocence », « Sacré », « Sacrilège » et « Sacrifice » —, précédées d’un prologue, le film tire une grande part de sa richesse visuelle dans les décors naturels magnifiques et la belle photographie, signée Thierry Arbogast.
Rahimi a également réussi à avoir de belles performances de la part de presque toutes les jeunes actrices qui, pour la plupart, ne sont pas des actrices professionnelles. Le montage et le découpage font preuve d’un grand effort à scinder certaines scènes, afin d’atténuer le contenu parfois tendu. Soutenu par l’Etat rwandais, le film Notre-Dame du Nil peut donc rester dans la cinémathèque africaine comme étant une oeuvre traitant de l’histoire ethnique sombre des années 1990 au Rwanda, sans beaucoup en discuter les détails. Une belle oeuvre cinématographique sans trop de sophistication politique.
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