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Suspense hitchcockien à l’égyptienne

Yasser Moheb, Dimanche, 25 août 2019

Le film Al-Fil Al-Azraq 2 (l’éléphant bleu 2), du tandem Ahmad Mourad et Marwan Hamed, relate l’histoire d’un médecin qui retourne travailler à l’hôpital psychiatrique, où il se retrouve face à une criminelle malade. Un film imprégné de spectres et de fantômes et un pari réussi.

Suspense hitchcockien à l’égyptienne

Cinq ans après le succès du film Al-Fil Al-Azraq (l’éléphant bleu), le duo composé de l’écrivain Ahmad Mourad et du réalisateur Marwan Hamed présente une deu­xième partie : Al-Fil Al-Azraq 2 (l’élé­phant bleu 2), actuellement dans les salles. Ce deuxième volet se caracté­rise aussi par des contrecoups fictifs. Sans divulguer son histoire, genre dramatique oblige, le film suit tou­jours la vie du psychiatre Yéhia Rached, interprété par Karim Abdel-Aziz. Ce dernier, après une période de repos à la suite d’une série d’accidents liés à des spectres et à des esprits méchants, retourne à nouveau au département des cas dangereux 8 Gharb (8 ouest) à l’hôpital psychia­trique d’Al-Abbassiya, où il a travaillé dans la première partie.

Une criminelle malade, détenue à l’hôpital après avoir assassiné sa famille pour des raisons psychiques, a insisté sur le fait de ne parler que devant lui. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de la psychopathe en question, Farida, jouée par Hind Sabri, qui n’est autre qu’une ancienne amie de son épouse Lobna, jouée par Nelly Karim. Commence alors une nouvelle aventure mystérieuse dans le but de découvrir la vérité et de pou­voir la sauver.

On plonge dans le monde des djinns, des hallucinations et des méandres de la psychologie. D’aucuns présupposaient que cette deuxième partie n’apporterait rien de nouveau, mais il ne faut pas sous-estimer le talent de l’équipe du film, notamment le scénariste-romancier Ahmad Mourad et le réalisateur Marwan Hamed. L’éternel sujet de la métaphy­sique et des mauvais esprits revenants est revisité par un scénariste brillant. De même, il faut un certain talent pour filmer avec autant de détails expres­sifs. Car ce qui marque le plus dans ce film, c’est la succession des détails, qui plongent le spectateur dans une angoisse condensée. Le scénario n’est pas cette fois-ci une adaptation du roman, comme dans le premier film ; il vient compléter les événements. Et ce, en évitant les lourdeurs et la conventionalité pour faire évoluer l’histoire de manière intéressante.

Dans la cour des grands

Suspense hitchcockien à l’égyptienne
Karim Abdel-Aziz, en médecin psychiatre.

La tempérance de la mise en scène donne la vedette à un scénario prati­quement à la mesure des oeuvres du genre. Loin des effets spéciaux spec­taculaires dont les films américains nous abreuvent à longueur de produc­tion, Al-Fil Al-Azraq 2 se rapproche, par son ambiance, des films d’Alfred Hitchcock, doté d’un esprit moderne, à l’égyptienne. Les scènes de sus­pense et de science-fiction sont ronde­ment menées: montage efficient et fluide, plans bien découpés, ayant un côté à la fois serein, flegmatique mais inquiétant. Accentué par ses rebondis­sements dramatiques, le film s’avère assez captivant, animant un univers prenant, grâce à des personnages riches. Sans ornements gratuits, la réalisation va droit au but, plaçant Marwan Hamed dans la cour des grands.

A la place du fantastique exagéré ou de l’horreur crue, Hamed préfère un cinéma d’épouvante, combinant aisé­ment une atmosphère pesante, du sus­pense bien dosé et des Jumps Scare efficaces, qui font sauter les âmes sensibles sur leurs sièges! Préférant des trucages tantôt simples, tantôt bien artistiques et l’utilisation du hors champ, Marwan Hamed fait frisson­ner les spectateurs avec l’arme la plus efficace qu’il puisse utiliser: leur propre imagination.

Cette atmosphère pesante et angois­sante est accompagnée d’une bande musicale de qualité, signée par le talentueux Hicham Nazih. Sa musique est magistrale et réussit à nous faire ressentir l’angoisse la plus profonde, mais aussi la mélancolie la plus évi­dente. Douce mélodie enivrante, où le bozoq et les airs des instruments orientaux nous plongent au coeur de cette sombre histoire, tout en créant une ambiance mystérieuse, tendue et aventureuse. Le montage d’Ahmad Hafez impose un impitoyable rythme instable, propre à ce genre de fiction. La photographie sublime d’Ahmad Al-Morsi offre un visuel éblouissant et plus qu’élégant. Et les costumes de Nahed Nasrallah donnent davantage de crédibilité à l’ambiance énigma­tique visée.

Un casting de première classe

Suspense hitchcockien à l’égyptienne
Hind Sabri, la psychopathe accusée de meurtre.

S’ajoute aux qualités du film son casting bien choisi. Karim Abdel-Aziz, dans la peau du psychiatre, offre une prestation très profonde et cré­dible. Une prestation à la Robert Redford, mais avec l’empreinte bien caractéristique de ce jeune acteur égyptien. Nelly Karim, pour sa part, dans le personnage de Lobna, l’épouse tiraillée entre son amour et plusieurs autres facteurs difficiles à cerner, maintient son éclat. Khaled Al-Sawi, jouant deux scènes seulement dans cette partie, offre une grande perfor­mance égale à son talent, alternant très bien les multiples émotions du per­sonnage hanté par un djinn, nommé Naël.

Les nouveau-venus à L’Eléphant Bleu 2, Hind Sabri et Iyad Nassar, sont deux costauds de l’interprétation. La première insuffle un goût spécial au rôle de Farida, la psychopathe-meurtrière, un peu gitane et fantoma­tique. Quant au deuxième, il campe de manière exemplaire le rôle d’un psy­chologue qui a de la classe et n’élève jamais le ton.

Une brochette d’acteurs très talen­tueux donc et qui donne à la trame et à la vision du réalisateur toute son ampleur, tout en assurant l’ambiance fantastique recherchée. Très loin d’un énième film du genre pour ados, L’Eléphant Bleu 2 se distingue par sa capacité à présenter un monde réel qui ne semble pas loin du nôtre, dominé par l’imaginaire et la méta­physique. Une grande réussite à ne pas manquer .

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