Cinq ans après le succès du film Al-Fil Al-Azraq (l’éléphant bleu), le duo composé de l’écrivain Ahmad Mourad et du réalisateur Marwan Hamed présente une deuxième partie : Al-Fil Al-Azraq 2 (l’éléphant bleu 2), actuellement dans les salles. Ce deuxième volet se caractérise aussi par des contrecoups fictifs. Sans divulguer son histoire, genre dramatique oblige, le film suit toujours la vie du psychiatre Yéhia Rached, interprété par Karim Abdel-Aziz. Ce dernier, après une période de repos à la suite d’une série d’accidents liés à des spectres et à des esprits méchants, retourne à nouveau au département des cas dangereux 8 Gharb (8 ouest) à l’hôpital psychiatrique d’Al-Abbassiya, où il a travaillé dans la première partie.
Une criminelle malade, détenue à l’hôpital après avoir assassiné sa famille pour des raisons psychiques, a insisté sur le fait de ne parler que devant lui. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de la psychopathe en question, Farida, jouée par Hind Sabri, qui n’est autre qu’une ancienne amie de son épouse Lobna, jouée par Nelly Karim. Commence alors une nouvelle aventure mystérieuse dans le but de découvrir la vérité et de pouvoir la sauver.
On plonge dans le monde des djinns, des hallucinations et des méandres de la psychologie. D’aucuns présupposaient que cette deuxième partie n’apporterait rien de nouveau, mais il ne faut pas sous-estimer le talent de l’équipe du film, notamment le scénariste-romancier Ahmad Mourad et le réalisateur Marwan Hamed. L’éternel sujet de la métaphysique et des mauvais esprits revenants est revisité par un scénariste brillant. De même, il faut un certain talent pour filmer avec autant de détails expressifs. Car ce qui marque le plus dans ce film, c’est la succession des détails, qui plongent le spectateur dans une angoisse condensée. Le scénario n’est pas cette fois-ci une adaptation du roman, comme dans le premier film ; il vient compléter les événements. Et ce, en évitant les lourdeurs et la conventionalité pour faire évoluer l’histoire de manière intéressante.
Dans la cour des grands
Karim Abdel-Aziz, en médecin psychiatre.
La tempérance de la mise en scène donne la vedette à un scénario pratiquement à la mesure des oeuvres du genre. Loin des effets spéciaux spectaculaires dont les films américains nous abreuvent à longueur de production, Al-Fil Al-Azraq 2 se rapproche, par son ambiance, des films d’Alfred Hitchcock, doté d’un esprit moderne, à l’égyptienne. Les scènes de suspense et de science-fiction sont rondement menées: montage efficient et fluide, plans bien découpés, ayant un côté à la fois serein, flegmatique mais inquiétant. Accentué par ses rebondissements dramatiques, le film s’avère assez captivant, animant un univers prenant, grâce à des personnages riches. Sans ornements gratuits, la réalisation va droit au but, plaçant Marwan Hamed dans la cour des grands.
A la place du fantastique exagéré ou de l’horreur crue, Hamed préfère un cinéma d’épouvante, combinant aisément une atmosphère pesante, du suspense bien dosé et des Jumps Scare efficaces, qui font sauter les âmes sensibles sur leurs sièges! Préférant des trucages tantôt simples, tantôt bien artistiques et l’utilisation du hors champ, Marwan Hamed fait frissonner les spectateurs avec l’arme la plus efficace qu’il puisse utiliser: leur propre imagination.
Cette atmosphère pesante et angoissante est accompagnée d’une bande musicale de qualité, signée par le talentueux Hicham Nazih. Sa musique est magistrale et réussit à nous faire ressentir l’angoisse la plus profonde, mais aussi la mélancolie la plus évidente. Douce mélodie enivrante, où le bozoq et les airs des instruments orientaux nous plongent au coeur de cette sombre histoire, tout en créant une ambiance mystérieuse, tendue et aventureuse. Le montage d’Ahmad Hafez impose un impitoyable rythme instable, propre à ce genre de fiction. La photographie sublime d’Ahmad Al-Morsi offre un visuel éblouissant et plus qu’élégant. Et les costumes de Nahed Nasrallah donnent davantage de crédibilité à l’ambiance énigmatique visée.
Un casting de première classe
Hind Sabri, la psychopathe accusée
de meurtre.
S’ajoute aux qualités du film son casting bien choisi. Karim Abdel-Aziz, dans la peau du psychiatre, offre une prestation très profonde et crédible. Une prestation à la Robert Redford, mais avec l’empreinte bien caractéristique de ce jeune acteur égyptien. Nelly Karim, pour sa part, dans le personnage de Lobna, l’épouse tiraillée entre son amour et plusieurs autres facteurs difficiles à cerner, maintient son éclat. Khaled Al-Sawi, jouant deux scènes seulement dans cette partie, offre une grande performance égale à son talent, alternant très bien les multiples émotions du personnage hanté par un djinn, nommé Naël.
Les nouveau-venus à L’Eléphant Bleu 2, Hind Sabri et Iyad Nassar, sont deux costauds de l’interprétation. La première insuffle un goût spécial au rôle de Farida, la psychopathe-meurtrière, un peu gitane et fantomatique. Quant au deuxième, il campe de manière exemplaire le rôle d’un psychologue qui a de la classe et n’élève jamais le ton.
Une brochette d’acteurs très talentueux donc et qui donne à la trame et à la vision du réalisateur toute son ampleur, tout en assurant l’ambiance fantastique recherchée. Très loin d’un énième film du genre pour ados, L’Eléphant Bleu 2 se distingue par sa capacité à présenter un monde réel qui ne semble pas loin du nôtre, dominé par l’imaginaire et la métaphysique. Une grande réussite à ne pas manquer .
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