Le patrimoine revisité
Al-Toq wal Eswéra.
Certains hommes et femmes de théâtre ont choisi de puiser dans le patrimoine culturel de l’Egypte. C’est le cas de la chorégraphe et metteuse en scène Karima Bideir qui reprend le conte populaire de Yassine et Bahiya, en s’inspirant du texte éponyme de Naguib Sourour. Et ce, afin de créer le spectacle de danse, interprété par la troupe Forsan Al-Charq (les chevaliers de l’Orient). En plein milieu rural, à l’époque coloniale, et celle des grands propriétaires terriens, Bahiya tombe amoureuse de Yassine. Ce dernier, réputé pour son courage, s’insurge contre l’injustice du « suzerain » et réfute ce système complet d’obligations et de services.
Les danses, interprétées par Bahiya et Yassine, parfois accompagnés du riche propriétaire terrien, appartiennent au registre de la danse contemporaine et abondent de sensualité.
Les danses rurales, plutôt d’ordre folklorique, sont inspirées surtout de la fameuse danse traditionnelle du bâton, le « Tahtib ». Elles préservent l’ambiance populaire de l’histoire.Les 21 et 22 août, à 20h30, au théâtre Al-Gomhouriya.
La mise en scène de Nasser Abdel-Moneim, Al-Toq wal Eswéra (le collier et le bracelet), d’après le roman éponyme de Yéhia Al-Taher Abdallah, aborde le monde des superstitions concernant la fertilité féminine en Haute-Egypte. Fahima est mariée à un homme impotent. Sa mère la pousse à se rendre dans un temple pharaonique, croyant dur comme fer en la magie de ces ancêtres, à même de régler le problème par un simple rituel. La fille se fait violer par le gardien du temple et tombe enceinte. Cependant, personne n’ose soulever la question, afin d’éviter la malédiction. Abdel-Moneim crée un espace scénique sous la forme d’une longue estrade, sur laquelle bougent les comédiens, d’un bout à l’autre. Ceux-ci bougent essentiellement entre la maison rurale de la famille et le temple pharaonique. Les chants folkloriques, interprétés en direct par le chanteur nubien Karam Mourad illustrent à merveille la situation dramatique et accentuent la crédibilité du spectacle. Les 28 et 29 août, à 18h, au théâtre Al-Ghad.
Pour sa part, le metteur en scène Khaled Galal fait également un retour au patrimoine dans Cinéma Masr. Mais cette fois-ci, il s’agit de l’héritage cinématographique égyptien. Son point de départ est le film La Dernière Nuit de Kamal Al-Cheikh, dans lequel la principale protagoniste souffre d’amnésie et vit pendant une dizaine d’années dans la peau de sa soeur jumelle. Elle a été manipulée par son beau-frère, qui a fait croire à tout le monde que c’est sa femme qui est toujours en vie et que c’est sa soeur qui a succombé sous les décombres. Un jour, la femme se réveille et reprend progressivement sa mémoire. Pour poursuivre sa quête identitaire, elle revisite les scènes-clés des films d’autrefois. Les 28 et 29 août, à 20h30, au centre Ibdaa.
Des guerres vicieuses
Ayam Safra.
La guerre et ses séquelles constituent un sujet commun à plusieurs spectacles, signés notamment par des jeunes metteurs en scène. Ceux-ci ont fait pour la plupart leur propre adaptation à travers des textes à portée universelle. La mise en scène d’Achraf Sanad, Ayam Safra (des jours jaunissants) est adaptée de l’oeuvre de l’écrivaine suisse Daniela Janjic, par le dramaturge Omar Tawfiq. L’auteure y était très influencée par le conflit en Bosnie-Herzégovine, où elle a grandi, mais le désastre des pays en conflit reste le même.
La guerre éclate dans un match de football assez tendu. La vie d’un couple mixte est directement menacée. Les beaux-frères se transforment en ennemis jurés. L’avant-scène sert de lieu de rencontre pour le couple. C’est là aussi que se déroulent les face-à-face entre les personnages. L’arrière-fond du théâtre sert plutôt à accueillir les danses, mettant en évidence l’opposition entre les des deux camps belliqueux. La chorégraphie de Mohamad Chafiq met en relief les batailles, les dualités et les calomnies. Les 22 et 23 août, à 18h, au théâtre Hanaguer.
Pique-nique en campagne, d’après le texte de Fernando Arrabal, est une autre oeuvre reprise par le jeune metteur en scène Karim Chohdi.
Ce dernier va au-delà de la problématique de la guerre et insiste sur l’aspect comique de la pièce, pour arracher les rires du public.
Tout au long de cette comédie noire, il montre des parents qui rendent visite à leur fils, un soldat sur le front. D’où une suite de scènes absurdes où le jeu des acteurs est accentué par le chant et l’expression corporelle. Les 22 et 23 août, à 18h, au centre Ibdaa.
Les jeunes étudiants de la faculté des sciences de l’informatique, Université de Aïn-Chams, ont emprunté à leur tour au théâtre russe le chef-d’oeuvre dramatique célèbre Trevoga (inquiétude). Montée par le jeune Adel Mabrouk, la pièce a eu beaucoup de succès dans les compétitions universitaires. Elle évoque, dans une ambiance mystérieuse, le conflit intérieur d’une personne qui souffre de la guerre. Il a des doutes quant à son utilité et questionne la justice du monde, rongé par les remords et le sentiment de culpabilité. Les 24 et 25 août, à 20h30, au théâtre Hanaguer
Dialogue de sourds
Hadasse fi Bilad Al-Saada.
Une société corrompue, où le « gouverneur » et le « gouverné » engagent un dialogue de sourds. Le dramaturge Walid Youssef et le metteur en scène Mazen Al-Gharabawi situent leur pièce Hadasse fi Bilad Al-Saada (il était une fois au pays du bonheur), dans un pays imaginaire. Le roi vit enfermé dans sa tour d’ivoire et ne ressent guère la misère du peuple. Il est aveuglé par les mensonges de son entourage. Bahloul, un pauvre citoyen, essaye de lui transmettre la vérité. Le roi propose de lui céder le trône, afin d’instaurer la justice et de combler les besoins du peuple. La pièce nous plonge dans une ambiance de Mille et une nuits, proche du show musical, grâce à la présence des deux chanteurs-narrateurs, Fatma Mohamad Ali et Waël Al-Fachni. Les dix chansons, composées par Mohamad Moustapha, font rebondir les événements et introduisent les différentes scènes, la parsemant de gaieté.Les 28 et 29 août, à 20h30, au théâtre Al-Salam .
Vive les marionnettes
Pour le programme détaillé, voir page Calendrier.
Imaginations, créé par Mohamad Fawzi, constitue le seul spectacle de marionnettes programmé durant le festival. Il s’agit d’une pièce du théâtre de l’ombre, offrant des scènes très variées.
Des gants blancs et un chapeau forment des oiseaux qui prennent leur envolée. Un poisson découvre les fonds marins. Des théières renversées imitent les notes de l’échelle musicale, etc.
Fawzi confectionne ses marionnettes à partir d’éléments qu’il a collectés dans son entourage. Il a eu recours à des objets et des appareils électroménagers simples: des balais, des ustensiles de cuisine, etc. pour mettre en scène une chorégraphie assez élaborée. Les 24 et 25 août, à 20h30, au théâtre des Marionnettes .
Un esprit nouveau
Le Festival national du théâtre essaye de faire peau neuve en présence de son nouveau président, le comédien et metteur en scène Ahmad Abdel-Aziz. Pour la première fois, il organise trois compétitions: celle du théâtre professionnel, celle du théâtre des jeunes (amateurs ou indépendants qui comptent sur l’autofinance) et des pièces pour enfants (marionnettes, ombres chinoises, guignols …).
Dès sa première édition, lancée en 2006, la compétition officielle du festival a suscité plusieurs controverses. Car elle était ouverte à toute sorte de spectacle, sans distinction aucune. De quoi soulever des questions sur la légitimité de faire concurrencer des jeunes et des professionnels et des amateurs, dans la même catégorie et suivant les mêmes critères.
Le résultat final n’était guère satisfaisant. L’an dernier, le palmarès a suscité aussi un vif débat sur la diversité des genres ayant participé à la compétition officielle.
Donc, afin de mettre fin à ces choix problématiques, le nouveau président du festival a décidé, avec le comité supérieur de cette manifestation, de mettre en place un nouveau règlement et d’organiser trois compétitions distinctes.
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