Art contemporain égyptien, arabe ou occidental, la galerie Machrabiya Annexe fait sa sélection d’été parmi des artistes de nationalités et de générations différentes. L’essentiel est de rester fidèle à l’étiquette « art plastique contemporain ». Tout au long des mois de juillet et d’août, on peut ainsi visiter la galerie dans ses nouveaux locaux pour découvrir sa collection d’été. « Cette année est très spéciale pour nous, car la galerie Machrabiya a changé de place. Les locaux de la rue Champollion sont désormais fermés et nous avons déménagé à la rue Mahmoud Bassiouni, toujours au centre-ville cairote », précise Stéphania Angarano, propriétaire de la galerie Machrabiya Annexe. Et d’ajouter : « Je voulais exposer des grands formats et de grandes installations, mais je n’avais pas suffisamment de place. Ce genre d’artistes sont partis chercher ailleurs. Là, c’est plutôt un loft, avec de hauts plafonds, bien aérés, plus dégagés ».
La galeriste a choisi d’exposer des tableaux de Adel Al-Siwi, Xavier Puigmarti, Carmino Catalano, Yorgos Papageorgiu, Aziz Al-Hihi, Salah Al-Mur, Soad Abdel-Rassoul, Hani Rached, Ahmad Asqalani, Hicham Al-Zeini, Mohamad Abdel-Moneim, Ali Abdel-Mohsen, Ahmad Sabri et Mohamad Al-Guindi. Des habitués qui sont restés fidèles à la galerie contre vents et marées.
Hani Rached se prête au jeu de la répétition.
Adel Al-Siwi participe à l’exposition collective avec des peintures qu’il montre pour la première fois en Egypte, alors qu’elles ont fait partie de la Foire internationale d’art contemporain de Beyrouth, fin 2018. Il s’agit de deux peintures grand format, l’une intitulée Akhenaton et l’autre un portrait d’une femme portant un chapeau sous la forme d’une dinde. Al-Siwi possède une vraie capacité à renouveler son style, notamment lorsqu’il s’agit de visages, ayant parfois quelques traits animaux. Cette fois-ci, son Akhenaton est différent de celui peint dans les années 1980, il semble plus palpable, avec une touche enfantine, sur un papier bleu. Ce n’est plus le roi souverain, mais un personnage qui revêt une part de féminité bien délicate, orné de beaucoup de fleurs.
Salah Al-Mur expose pour sa part une peinture figurative inédite, grand format également. Il y est question du corps géant d’une femme nue aux traits africains, tenant une corne à la main gauche, accompagnée d’un petit homme et de son agneau. La culture arabo-africaine du peintre soudanais s’en dégage. Son oeuvre porte les traces des contes populaires, de superstitions et de mythologies. La spontanéité des formes, les tons chauds de sa palette et la fraîcheur enfantine des personnages rendent l’oeuvre palpitante. On a l’impression que c’est une photo ancienne évoquant les temps passés, non sans nostalgie. « Je puise dans la mémoire visuelle de mon héritage soudanais pluriel », indique Al-Mur.
Salah Al-Mur s’inspire des contes populaires soudanais.
Toujours avec des peintures grand format, Hani Rached participe à l’exposition d’été avec une toile de 2010. Elle montre deux protagonistes répétitifs, à vélo. Les traits de leurs visages sont effacés ou couverts de blanc. On est tous des copies conformes, on ne fait de place ni à la différence ni à l’ambiguïté. Le monde est ainsi réduit à une suite d’images répétitives qui se succèdent. « La répétition, à laquelle j’attribue une grande importance, tient un rôle technique et esthétique. Elle fournit du mouvement, donne de la vivacité à l’oeuvre, malgré le sens compris de la routine et des calculs complexes qui étouffent les libertés », indique Rached, qui expose également l’une de ses récentes installations, ayant fait partie de la série Gypsum Museum (musée de gypse), réalisée en décembre 2018. Il s’agit d’une sculpture de voiture cabossée sur gypse blanc, couverte d’une couche brillante d’acrylique exposée par terre, dans un désordre bien étudié. « Ces voitures se substituent aux hommes pour raconter l’imbroglio du monde actuel. Il nous faut quand même un peu de désordre pour pimenter notre vie quotidienne », déclare Rached, qui a exposé à Machrabiya dès ses débuts.
Des créatures et des bâtiments
Figurent aussi dans l’exposition d’autres artistes moins connus, tel Ahmad Sabri qui se plaît à jouer avec des créatures fantasmagoriques. Voici un chat tiré par des animaux bizarres, des escargots... Un monde métaphysique usant de couleurs pâles et légères, entre lilas et gris. « La métaphysique cherche la connaissance de l’être absolu, dans son rapport avec le cosmos et la nature », précise Ahmad Sabri, comme pour justifier ses choix.
La femme, sujet favori de Soad Abdel-Rassoul.
Juste en face est exposé le travail de Mahmoud Al-Guindi, soit d’immenses poteries assez remarquables de par leurs formes, lesquelles ressemblent à des plantes sous-marines. Plus abstrait, le travail de l’artiste grec Yorgos Papageorgiu, notamment sa peinture datée de 2010, évoque la ville, ses bâtiments, ses perspectives et ses styles architecturaux. Et ce, à travers un mélange de couleurs très fin, faisant la distinction entre ces divers aspects.
Pour sa part, Hicham Al-Zeini parle aussi de la ville, dans sa peinture exposée qui remonte à 2008. Il s’agit du Caire et de ses périphéries. L’ensemble sombre dans le brouillard.
A travers cinq peintres petit format faisant partie de la série Virtual Garden (jardin virtuel), exposées à Machrabiya en 2019, Soad Abdel-Rassoul aborde les contraintes qu’affronte la femme avec une touche surréaliste teintée d’expériences personnelles. Elle crée un rapport étroit plutôt inquiétant entre le physique des êtres humains (les organes du corps humain les plus délicats, notamment ceux de la femme—coeur, utérus, poumons) et l’état psychologique. Comment la femme respire-t-elle ? Comment se ressent-elle ? Comment elle aime ! Comment elle souffre! Pour en savoir plus, visitez l’exposition.
Enfin, les peintures de l’artiste marocain Aziz Al-Hihi, récemment disparu, constituent un net retour aux origines africaines du pays. Ses personnages ressemblent à des totems, mi-hommes mi-animaux. Des créatures hybrides effrayantes aux couleurs obscures et aux yeux grand ouverts. Al-Hihi peint des cauchemars ou des aberrations de la nature. Il s’agit de quelques-unes de ses peintures, qui datent des années 1990 et méritent une réflexion approfondieA la galerie Machrabiya Annexe, jusqu’au 1er août, de 10h à 21h (sauf le vendredi). 15, rue Mahmoud Bassiouni, centre-ville.
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