Aphrodite Al-Sissi, Alia Bassiouni, Héba Aboul-Ela, Jean-Luc Marchina et Xavier Puigmarti sont les cinq artistes qui participent à la 2e édition de l’exposition Menawarine (votre lumière jaillit de partout), à la galerie Machrabiya. Chacun y célèbre le Ramadan à sa manière et selon son style.
« A travers des formes, des techniques et des idées différentes, nous avons tous aimé travailler sur l’effet de la lumière. Un effet spirituel qui permet de raconter une vie, une émotion ou un état d’âme », déclare l’artiste espagnol Xavier Puigmarti. Avec une dizaine d’installations de petits formats exposées l’une à côté de l’autre, l’artiste raconte les séquences d’une même histoire. Il s’agit de peintures réalisées sur du papier blanc translucide, lequel laisse transparaître la lumière.
La Fleur bleue
d’Aphrodite Al-Sissi.
Chaque papier est percé ou pointillé à l’aide d’une aiguille pour mieux laisser passer les rayons lumineux dans toutes les directions.
Puigmarti a placé l’ensemble dans un encadrement en vitre qui sert d’écran pour ses installations. Les petites lampes LED, liées et placées derrière chaque encadrement, produisent un éclairage bien mesuré par l’artiste. « C’est la magie et le sacré que l’on ressent durant le Ramadan. Les petits points accentués par la lumière, dans mes installations, racontent des histoires le plus souvent inspirées par la nature, par un monde botanique ou cosmique. Ces histoires sont mises en relief grâce à ces petits trous créés sur le papier blanc translucide », explique Puigmarti.
Voici des arbres flamboyants ou la fleur du paradis bien répandue en Egypte avec ses grosses fleurs rouges. Une silhouette tantôt masculine, tantôt féminine, en miniature, nargue la planète. La queue d’un zèbre est confectionnée à l’aide de fils électriques. Il y a des insectes qui volent partout. Bref, une scène de campagne, la nuit, avec un ciel étoilé, créé sous l’effet des petits trous où s’introduit la lumière. L’artiste a toujours recours à son écriture propre qui n’est pas sans rappeler les hiéroglyphes. Des poissons revêtent la forme de cactus ou du Delta du Nil.
Le drapeau égyptien ressort d’un petit mégaphone, produisant des ondes sonores incitant à la liberté. Sur certaines oeuvres, un petit astronaute flotte à la surface du lac Qaroun, au Fayoum, ou plane au-dessus de la rivière Paletta, en Espagne. C’est le héros de Puigmarti ou son « alter ego », comme il le répète souvent.
Les installations lumineuses de Puigmarti se prêtent à un beau jeu de contraste original, non sans ironie. Toutes sont centrées autour de l’effet de la lumière, à l’exception d’une seule. Celle-ci est placée dans un coin de la galerie, sous le titre de Vers la flamme et s’inspire de l’une des dernières pièces musicales pour piano de Scriabine.
Il s’agit d’un débris en fer, soit le châssis ancien d’une lanterne usée, auquel sont suspendus d’innombrables petits insectes, en papier couleur. « A effet mystérieux, ma lanterne est le fruit d’un travail de recyclage conceptuel. Elle s’inspire de la musique de Scriabine, qui a écrit un chef-d’oeuvre pour piano, à partir d’une vision apocalyptique. Il voyageait en train et s’est demandé si le feu, les flammes cosmiques, étaient des vibrations semblables à celles des sons et des couleurs, donc destinées à se rencontrer et à fondre dans l’univers. Dieu répand son Esprit sur les coeurs et les esprits de ceux qui le cherchent passionnément », précise Puigmarti.
Lampes en lapis-lazuli
Voyage intérieur
de Héba Aboul-Ela.
L’installation de la jeune plasticienne Aphrodite Al-Sissi s’inscrit dans ce même esprit spirituel. Celle-ci participe à l’exposition avec un immense lustre plafonnier, muni d’innombrables branches en fer, liées entre elles par des lampes en verre soufflé, de couleur lapis-lazuli, sous la forme d’artichauts.
Selon l’artiste, ces artichauts abstraits sont en communion avec l’univers, rappelant le mouvement rituel de la danse des derviches tourneurs. Ceux-ci sont censés relier le ciel et la terre, en entrant dans un état d’ivresse, d’allégresse et de communion avec le divin. L’artiste explique que « le choix de la couleur du lapis obéit aux règles de la lithothérapie, cette médecine non conventionnelle qui dit soigner par le biais des cristaux. Le lapis est la pierre de la sagesse et de la beauté qui stimule la créativité. Elle contribue à l’évolution de l’esprit en rendant le mental plus clair et plus concentré. La fleur bleue dans mon oeuvre est associée à la fraîcheur et au romantisme. Elle est encore le symbole de la fidélité et de la pureté, évoquant l’amour dévoué et sincère. Elles se prêtent bien à l’environnement du sacré et donnent une illusion d’espace ».
Navigation personnelle
Le moi de Alia Bassiouni.
L’installation lumineuse What’s left (ce qui en reste), de la jeune artiste et designer Héba Aboul-Ela, nous livre ensuite à une sorte de méditation, un état d’observation de soi. Et ce, grâce à un jeu parfait d’ombres et de lumières. Formée d’un petit navire de couleur marron, suspendu au plafond et fabriqué à l’aide de fils en cuivre, lin et étain, l’installation porte en son milieu une ampoule électrique. « Le navire remue au gré du vent. J’invite les visiteurs à naviguer intérieurement, à s’auto-observer, à examiner leurs mémoires, leurs sensations … », indique Héba Aboul-Ela.
En outre, Alia Bassiouni peint, sur quatre cadres lumineux et vitrés, des paumes de la main et des visages dont les yeux, le nez, la bouche et les oreilles rappellent le jeu de puzzle aux pièces éparpillées. L’installation s’inspire d’une phrase tirée du Petit prince de Saint-Exupéry: « On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux ».
Cette phrase très connue de Saint-Exupéry concerne chacun d’entre nous, puisqu’au fond de tout un chacun, il y a un Petit prince. C’est le vrai moi, la spiritualité.
Les feux de l’amour
Les feux de l’amour de Jean-Luc Marchina.
L’installation lumière de l’artiste suisse Jean-Luc Marchina diffère complètement de toutes les autres, en exposition. Intitulée Do You Love Me ? (est-ce que tu m’aimes?), elle se compose de six plaques rectangulaires lumineuses, en plastique. Sous l’effet des lampes, placées à l’intérieur des plaques, lesquelles s’allument et s’éteignent, on est comme face à un appareil de signalisation ou un feu qui s’allume : rouge, jaune et vert. Il s’agit, chez Marchina, des feux de l’amour. Sur chaque plaque est mentionnée en français ou en anglais, une phrase porteuse d’un message ou d’une expression d’amour. Par exemple : « Déçu en bien » sur une plaque qui émet une lumière rouge, « Turn Me On » de couleur jaune, « Premium » de couleur bleue, « Inside Out » de couleur verte, ou encore « Aimons-nous pour de bon », de couleur blanche … Autant de phrases concises à double signification, reflétant les diverses étapes d’une relation amoureuse, allant du plaisir, au badinage et à la déception. L’ensemble dégage une dimension poétique et humoristique à la fois. « C’est une réflexion sur comment notre conception actuelle de la relation amoureuse! Quelle est notre position par rapport à la société contemporaine, aux réseaux sociaux, au marketing, à la société de consommation, à la publicité! Autant de sujets qui interviennent dans la relation du couple, mais aussi dans la relation de l’homme avec son créateur », souligne Jean-Luc Marchina, dont les lanternes mettent en lumière le rapport société-individu .
Menawarine, à la galerie Machrabiya Annexe, 15, rue Mahmoud Bassiouni, centre-ville cairote. Jusqu’au 30 mai, de 11h à 15h et de 20h à 23h (sauf le vendredi).
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