L’édition 2019 du Festival de Cannes s’annonce pleine de promesses. D’abord, il y a le jury de cette cuvée, présidé par le cinéaste mexicain Alejandro Gonzalez Iñarritu. Ce dernier succède à Cate Blanchett en 2018 et à Pedro Almodovar en 2017.
Cinématographiquement parlant, Alejandro Gonzales Iñarritu est un monstre de concours. A 55 ans, il a déjà cinq Oscars à son actif : meilleur réalisateur pour The Revenant, meilleur film et meilleur scénario pour Birdman, deux prix Golden Globes et deux prix BAFTA. Il est un habitué de Cannes, où il a été révélé en 2000 avec son premier long métrage, Amours chiennes, qui a reçu le Grand Prix de la Semaine de la critique. Il a été également salué sur la Croisette, en décrochant le prix de la mise en scène en 2006 pour Babel, dans lequel jouait Cate Blanchett. Le prix de la meilleure interprétation masculine a été remis en 2010 à Javier Bardem dans son film Buitiful. Toujours innovent, Iñarritu a également fait sensation à Cannes en 2017 en présentant une émouvante installation en réalité virtuelle, Carne y Arena, en hommage aux migrants latins qui risquent leur vie pour atteindre les Etats-Unis.
Film de Tarantino.
Aux côtés d’Alejandro Gonzalez Iñárritu seront présents l’actrice américaine Elle Fanning, l’actrice et réalisatrice Maimouna N’Diaye, originaire du Burkina Faso, la réalisatrice américaine Kelly Reichardt, la réalisatrice italienne Alice Rohrwacher, le réalisateur français et auteur de BD Enki Bilal. Le jury regroupe également le réalisateur français Robin Campillo, Grand Prix du Festival de Cannes 2017 avec 120 Battements par minute, le réalisateur grec Yorgos Lanthimos, Prix du jury lors du Festival de Cannes 2015 avec The Lobster, et finalement, le réalisateur polonais Paweł Pawlikowski.
Ensuite, la deuxième raison qui laisse prévoir une édition spéciale, c’est que les maîtres Ken Loach, Terrence Malick, Pedro Almodovar, Quentin Tarantino et les frères Dardenne seront en compétition, lors de ce 72e Festival de Cannes, aux côtés d’autres nouveaux venus.
Le Britannique Ken Loach, 82 ans, sélectionné quatorze fois et couronné deux fois de la Palme d’Or, sera présent avec son nouveau long métrage Sorry We Missed You.
Nadine Labaki.
Le réalisateur palestinien Elia Suleiman retrouve cette année la compétition cannoise avec son nouveau film It Must be Heaven (ça doit être le paradis), après dix ans d’absence. Le film relate l’histoire d’un Palestinien de 50 ans, qui quitte son pays pour trouver la paix. Fuyant aussi son identité, il souhaite se fondre dans une société nouvelle. Elia Suleiman pose sur un ton d’humour décalé cette question fondamentale : quel est donc cet endroit qu’on peut appeler « chez soi » ? Scénariste et réalisateur, Suleiman se met une nouvelle fois également en scène dans le rôle principal, à travers ce quatrième long métrage de fiction. Habitué du Festival de Cannes et révélé sur la scène internationale avec sa trilogie de films portant sur le conflit israélo-palestinien, il a déjà rencontré un grand succès avec Chroniques d’une disparition, qui a reçu le Prix du meilleur premier film à la Mostra de Venise en 1996, Intervention Divine, palmé du Prix du jury au Festival de Cannes en 2002, et Le Temps qu’il reste, présent à la sélection officielle du Festival de Cannes en 2009.
D’autres bijoutiers du cinéma social européen, déjà deux fois palmés aussi : les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne seront présents, de leur part, avec Le Jeune Ahmed, une nouvelle trame perfectionnée par les deux frères sur la radicalisation d’un adolescent. Et ce, alors que l’Espagnol Pedro Almodovar est de retour, pour la sixième fois en compétition, avec Douleur et gloire, une fiction relatant l’histoire d’un réalisateur mélancolique incarné par Antonio Banderas.
Labaki en tête du jury Un Certain regard
Alejandro Gonzalez Iñárritu.
D’autres raisons ? Oui, il y en a plein. L’Américain Terrence Malick, 75 ans, sera cette année en lice avec Une Vie cachée, huit ans après sa Palme d’or pour The Tree of Life, joué par Brad Pitt. Par ailleurs, son compatriote Jim Jarmusch ouvrira le Festival avec son film de zombies The Dead don’t die, dont l’affiche regroupe Bill Murray, Adam Driver et Iggy Pop. Une présence américaine assez dosée, qui sera complétée par un nouveau venu en compétition, Ira Sachs, avec le film Frankie, joué par la grande comédienne française, Isabelle Huppert.
Un autre grand réalisateur, l’Italien Marco Bellocchio, 79 ans, sept sélections au compteur, reviendra avec Le Traître, 10 ans après Vincere, aux côtés du jeune Québecois, Xavier Dolan, venu cette fois-ci avec Matthias et Maxime, trois ans après son Prix du jury cannois, reçu pour Mommy.
Côté cinéma tricolore, le réalisateur Arnaud Desplechin est pour la sixième fois en compétition avec Roubaix, une lumière, avec Roschdy Zem, Léa Seydoux et Sara Forestier. Il est donc rattrapé par les réalisatrices Céline Sciamma, pour Portrait de la jeune fille en feu, avec Adèle Haenel, et Justine Triet pour Sibyl avec Virginie Efira, ainsi que par le Franco-malien, Ladj Ly, pour son premier long métrage parlant des banlieues, Les Misérables.
Parmi les raisons présageant de grandes promesses : la présence de la réalisatrice libanaise Nadine Labaki en tant que présidente du Jury Un Certain regard.
Grande habituée de Cannes, où elle a présenté tous ses films, la réalisatrice succède à Benicio del Toro. L’an dernier, elle était repartie avec le Prix du Jury pour son dernier long métrage, Capharnaüm, nommé par la suite aux Golden Globes et aux Oscars dans la catégorie meilleur film étranger.
Concernant les hommages, on en a déjà un qui compte beaucoup, puisqu’une récompense honorifique sera décernée à l’une des légendes du cinéma français : Alain Delon.
Six ans après sa dernière apparition sur les marches du Palais, l’acteur recevra une Palme d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
Deux grands réalisateurs de « dernière minute »
Elia Suleiman.
D’abord absents de la liste des réalisateurs en compétition, dévoilée en avril, l’Américain Quentin Tarantino et le Français Abdellatif Kechiche présenteront finalement leurs longs métrages à Cannes.
Le jury devra donc avoir affaire au très attendu Once Upon a Time … in Hollywood, signé Tarantino. Le film, qui devrait sortir en salle cet été, réunit à l’écran Brad Pitt, Leonardo Dicaprio, Margot Robbie et Al Pacino, autour d’un scénario revisitant le Hollywood de 1969. Et ce, à travers l’histoire d’une star de télévision et de sa doublure. Un film événement au casting de rêve qui s’annonce donc comme l’un des poids lourds de la compétition.
Grand habitué de Cannes, Quentin Tarantino a travaillé d’arrache-pied au cours de ces dernières semaines pour rattraper la compétition. Et il y a réussi.
Autre invité de dernière minute en compétition : le Français Abdellatif Kechiche, également membre du prestigieux club des Palmes d’Or avec La Vie d’Adèle, palmé lors de l’édition 2013 du festival. Son nouveau film, « Mektoub My Love : Intermezzo », vient de s’ajouter à la liste de ses films. Représentant une suite de « Mektoub My Love : Canto Uno », signé en 2016, le nouveau métrage regroupe les mêmes comédiens à l’affiche d’une « histoire fleuve et un portrait extraordinaire de la jeunesse des années 1990 dont il a raconté les prémices dans son Canto Uno », commente Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes.
Deux films alors et deux réalisateurs de « dernière minute » qui viennent compléter une compétition déjà riche de cinéastes récompensés à Cannes. Voilà donc qui augure d’un festival débordant de promesses.
La sélection la plus féminine de l’Histoire !
Après trois femmes en lice pour la Palme l’an dernier, et une édition marquée par la montée des marches de 82 femmes du 7e art, dans le cadre de l’événement #MeToo lancé contre la discrimination féminine et l’abus contre les comédiennes, la sélection en compétition, cette année, devrait être, selon la direction du festival, la plus féminine de l’Histoire.
Treize femmes, au total, sont présentes dans l’ensemble de la sélection, composée d’une cinquantaine de films. 13 talents féminins donc, toutes catégories confondues, dont 4 en compétition, 7 dans la section Un Certain regard et 2 en Séances spéciales.
Du côté de la compétition, quatre femmes, dont deux Françaises, seront en lice pour la Palme d’or, face à 23 réalisateurs ou co-réalisateurs. Céline Sciamma — assez remarquée en 2007 pour La Naissance des pieuvres dans la section Un Certain regard — est sélectionnée cette année avec Portrait de la jeune fille en feu interprété par Adèle Haenel.
Justine Triet, pour sa part, retrouve son actrice Virginie Efira dans Sibyl, trois ans après leur grand succès dans Victoria.
Autres réalisatrices en compétition, Mati Diop, nièce du cinéaste sénégalais, Djibril Diop Manbety, qui présente son premier film de fiction Atlantique, une histoire sur les maux et le quotidien des migrants. Une quatrième femme est également en compétition, à savoir l’Autrichienne Jessica Hausner, avec son oeuvre Little Joe, discutant le thème des transformations génétiques.
La section Un Certain regard fait la part belle aux premiers films, notamment réalisés par des femmes. Soulignons entre autres : la Canadienne Monia Chokri, avec son film La Femme de mon frère, l’Américaine Danielle Lessovitz avec Port Authority, et sa compatriote Annie Silverstein avec Bull.
Les deux Françaises Zabou Bretman et Eléa Gobbé Mévellec seront cette année sur la Croisette, en cosignant le film d’animation Les Hirondelles de Kaboul, d’après le roman éponyme de Yasmina Khadra. Quant à l’Algérienne Mounia Medour, elle prend sa place dans cette course féminine effrénée avec son Papicha, tout avec sa compatriote Maryam Touzani, annoncée en lice avec Adam.
Dans les Séances spéciales, Pippa Bianco, également américaine, présentera son premier film Share, alors que la Syrienne Waad Al-Kateb cosigne For Sana avec Edward Watts, un documentaire sur le conflit syrien qui est déjà fort attendu.
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