La vie de tous les jours est dépeinte, non sans humour.
Salah Enani retourne à la scène artistique, après 4 ans d’absence. Il expose à la nouvelle galerie Liwane, récemment inaugurée à Zamalek, sous le titre de Elaab Yala (joue ô gamin). Un titre qu’il emprunte à une chanson populaire très à la mode, interprétée par le duo Okka et Ortiga. Celle-ci fait partie du quotidien des habitants cairotes, notamment ceux qui prennent les transports en commun. Ces gens simples sont les principaux personnages de Salah Enani, leurs traits sont exacerbés de manière légèrement caricaturale. Ce sont « les victimes d’un enchaînement malheureux de circonstances » : un chauffeur de rickshaw, fumant sa cigarette à pleine bouffée, se livrant à un vrai jeu d’acrobate, un homme de main dans un café populaire, une danseuse orientale, un muezzin, une diseuse de bonne aventure, un vendeur de pain, etc.
« Je puise mes tableaux dans la rue égyptienne. Ça m’enchante de voir les gens qui continuent à rire et à plaisanter malgré la dureté de la vie, et comment l’Egyptien se joue du monde face aux circonstances de la vie », souligne Salah Enani.
Les contes des rues
L’ironie du peintre se fait dans le même esprit que celui de la chanson, Elaab Yala (joue ô gamin), qui lui a inspiré le titre de son exposition. Un mélange de comédie et de tragédie. Comme le fait de vivre en Egypte.
Les grands formats du peintre sont réalisés à l’aide de couleurs criardes, aussi tumultueuses que le quotidien de ses personnages.
Ceux-ci, en dépit de leur air maussade, suivent le rythme gai de la rue égyptienne. C’est le cas par exemple de la peinture intitulée Al-Chawaree Hawadit (les rues sont des contes), laquelle décrit merveilleusement le train de la vie. Au centre de la toile se trouve une grande tête, celle du feu poète Salah Jahine.
Le poète Salah Jahine au milieu des foules.
Ce dernier représente pour l’artiste l’âme d’une belle époque, très importante dans l’histoire de l’Egypte. « Jahine est l’expression d’une nostalgie profonde que je ressens jusqu’à présent », indique Enani, qui a toujours peint des visages illustres de la culture égyptienne.
Les scènes mouvementées de la rue sont incontestablement une mine d’or pour Enani, né lui-même dans le quartier populaire d’Al-Sayéda Nafissa. Il est d’autant plus un fin observateur de l’actualité sociopolitique du pays.
Cette fois-ci, les rues sont plus étroites et plus peuplées que d’habitude dans ses toiles. L’artiste accentue le sentiment d’étouffement, du ras-le-bol général. Il ne laisse aucun espace vide sur la toile. Ainsi, la ruelle de Enani est animée par des personnages aux traits exagérés, aux corps crispés et musclés. Il n’hésite pas à montrer leurs défauts physiques, mais a l’air de sympathiser avec eux, de compatir ...
Ils sont dans un état carnavalesque. Des géants aux destins tragiques. Des scènes qui choquent, d’autres qui charment de par leurs couleurs locales. Enani mêle le sérieux à l’humoristique, la rigueur à la caricature.
A la galerie Liwane, 23, rue Hassan Assem, Zamalek. Jusqu’au 25 avril, de 10h à 21h (sauf le vendredi).
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