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Le théâtre et la Palestine vaincront

Page réalisée par May Sélim, Mardi, 25 juin 2013

A Jénine, le Théâtre de la liberté lutte contre les forces d’occupation israéliennes. Depuis sa reconstruction en 2006 et malgré l’assassinat de son directeur, Juliano Mer Khemis, en 2011, il continue à faire entendre la voix des Palestiniens.

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Une Note de suicide en Palestine, une création du Théâtre de la liberté.

Qui dit Théâtre de la liberté de Jénine, dit art de résistance. Fondé en 2006 par Juliano Mer Khemis, metteur en scène et activiste d’origine juive, il est devenu un centre de foisonnement artistique en Palestine. A l’origine, le noyau de ce théâtre était le théâtre de la pierre, créé pendant la première Intifada par la mère de Khemis, Arna, une activiste juive attachée corps et âme à la cause palestinienne. Malheureusement, le théâtre fut complètement détruit par les forces d’occupation en 1998.

L’idée du Théâtre de la liberté est d’intéresser les jeunes générations aux différentes formes de théâtre et de leur fournir les outils nécessaires pour traiter eux-mêmes leurs problèmes quotidiens dans un contexte de frustration politique.

Plusieurs nouvelles formes sont apparues : théâtre des oppressés, drama therapy (théâtre thérapeutique), psychodrame, drame éducatif …. Des ateliers de drame sont proposés, comme une école pour les comédiens.

Khemis avait de l’ambition pour son théâtre. « Je rêve que le théâtre de la liberté devienne une force majeure, avec d’autres, capable d’engendrer une résistance culturelle qui s’intéresserait aux valeurs universelles de la liberté et de la justice », disait-il. Khemis fut assassiné en 2011, mais ses mots restent le slogan des membres du Théâtre de la liberté.

Les activités continuent et les productions théâtrales évoquant le conflit israélo-palestinien ainsi que le quotidien des réfugiés sur les territoires occupés s’accentuent. Depuis 2011, sept spectacles dénonçant la violence, l’occupation et la frustration ont été créés. Shew kman (quoi encore), Alice aux pays des merveilles, The Caretaker, L’île, Courage Ouda courage … autant d’oeuvres présentées avec succès en Palestine et ailleurs.

A l’occasion du deuxième anniversaire de la mort de Juliano Khemis, le spectacle Une Note de suicide en Palestine monté par Nabil Al-Raei est en tournée internationale.

Le Théâtre de la liberté nous rappelle sans cesse les histoires de résistance des Palestiniens.

Le Bus de la liberté : jouer des histoires réelles

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Le Bus de la liberté dans un camp des réfugiés aux frontières de la Cisjordanie.

« Les Palestiniens cherchent à faire entendre leurs histoires au monde, à partager leurs témoignages avec les autres. Ils ne cherchent ni à quitter la Palestine, ni à gagner de l’argent : ils veulent juste que tout le monde apprenne ce qui se passe réellement dans leurs territoires », explique Ben Rivers, metteur en scène et membre du Théâtre de la liberté.

Partant de ce constat, Rivers fonde fin 2011 le Bus de la liberté. C’est un théâtre ambulant proposant des spectacles en play-back et qui voyage dans les différents territoires palestiniens pour faire diffuser un message autant qu’un art. Quatre comédiens et deux musiciens accompagnés parfois d’un poète rendent visite aux camps des réfugiés.

Ils arrivent même à s’infiltrer dans les communautés les plus conservatrices, victimes de frustration politique, et les convainquent de raconter leurs histoires personelles. Le public devient un narrateur et lance le jeu. Ensuite les comédiens interprètent l’histoire racontée, toujours accompagnés de musiciens. « Normalement, en une visite, on a trois ou quatre histoires qui sont jouées. Cette improvisation est le fondement du Théâtre de la liberté. Il n’est pas question de fiction. On joue à partir du réel, explique Ben Rivers. A travers des scènes rejouant l’histoire, on offre aux gens une certaine défense politique ».

Le public est souvent très attaché à cette forme de théâtre qu’on lui propose. C’est un art proche de leur quotidien.

Ayant aussi recours aux formes traditionnelles de zajal (poésie improvisée oralement) et de hakawati (art de narration), Rivers renforce le rapport entre les gens et le théâtre. « Ressusciter ces formes est une manière de préserver la tradition orale des Palestiniens et leur identité culturelle originale que les forces d’occupation tentent de supprimer ».

Le voyage d’aller-retour du Bus de la liberté dure environ entre 4 et 13 jours. L’an dernier, afin de célébrer le Printemps arabe, le Bus de la liberté a organisé plusieurs voyages dans les pays touchés par une révolution. Au Caire, place Tahrir et dans la tente des réfugiés syriens, les comédiens ont interprété les témoignages du public avec beaucoup de succès.

Après le Ramadan, le Bus reprendra ses voyages pour aller jouer d’autres histoires dans les territoires palestiniens.

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