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Des cinéastes soudanais de retour sur grand écran

Mona Chédid, Lundi, 18 février 2019

Au Soudan, le cinéma a été interdit à une époque à cause d’un régime politique répressif. Un jeune réalisateur, Suhaib Gasmelbari, rend hommage à ses pairs en leur consacrant un documentaire projeté au Festival du film de Berlin.

Des cinéastes soudanais de retour sur grand écran
Talking About Trees, de Suhaib Gasmelbari.

En avril 1989, les réalisateurs Altayeb Mahdi, Ibrahim Shadad et Soliman Mohamed Ibrahim ont fondé le groupe du film soudanais Sudanese Film Group (SFG), dans une tentative de préserver le patrimoine cinéma­tographique du pays. Cependant, au mois de juin de la même année, le Soudan est tombé sous l’emprise d’un régime politique islamique, à la suite du putsch militaire, connu sous l’appella­tion de la révolution du Salut national. Celui-ci a mis fin à toutes les initiatives culturelles, a fermé toutes les salles de cinéma et a suspendu l’action du SFG qui n’a repris ses activités qu’en 2005.

La production cinématographique au Soudan a disparu. Les producteurs de films étaient sou­vent condamnés à la prison ou à l’exil. Au moment où le SFG essayait de reprendre ses activités et de ranimer la flamme du cinéma au Soudan, une nouvelle génération de réalisateurs, qui a appris le septième art à l’étranger, est reve­nue au pays pour enregistrer la réalité à l’aide de leurs caméras.

Parmi ces derniers, Suhaib Gasmelbari, qui a suivi des études sur le cinéma en France. Il a travaillé durant un certain temps comme cadreur et monteur et a produit un nombre de courts métrages. Il vient de projeter son premier long documentaire Talking About Trees, à la 69e édi­tion du Festival international du film de Berlin, à travers la section Panorama.

Talking About Trees (prix du meilleur docu­mentaire), coproduit par le Soudan, la France, l’Allemagne, le Tchad et le Qatar, a été le fruit des travaux de recherche menés par Gasmelbari, dans le but de sauvegarder et numériser le patri­moine cinématographique soudanais. Il évoque l’histoire du septième art dans son pays natal. D’ailleurs, sa recherche lui a permis de retrouver plusieurs films soudanais que l’on avait perdus et de les numériser.

Les 4 mousquetaires

Gasmelbari jette notamment la lumière sur les efforts de quatre réalisateurs: Altayeb Mahdi, Ibrahim Shadad, Soliman Mohamed Ibrahim et Manar Al-Hilo, lesquels ont essayé de rénover une salle de cinéma et d’y tenir des projections gratuites. Ces réalisateurs se sont toutefois heur­tés au refus des responsables et des propriétaires de salles. Leur tentative est tombée dans l’oubli, au fil du temps.

Le réalisateur suit la démarche de ces quatre amis et essaye de récupérer certains films anciens, des manuscrits de scénario, des appa­reils de projection, etc. C’est à travers leurs dis­cussions que nous apprenons la situation poli­tique et sociale prévalant au Soudan ainsi que les pressions exercées sur ceux qui travaillent dans le culturel et qui ont fui en grand nombre à l’étranger.

La direction du Festival du film de Berlin a donc saisi l’occasion de la projection du docu­mentaire, pour rendre hommage au cinéma sou­danais, à travers un événement spécial, en par­tant des noms mentionnés dans le film de Gasmelbari. Ainsi a eu lieu, à travers la section Forum Expanded, la projection de six courts métrages de fiction, réalisés par les fondateurs du SFG, lesquels ont été restaurés en 2018 par Arsenal Institut pour le cinéma et l’art vidéo.

Ces courts métrages ont été projetés sous le titre de « Constellations d’archives », regrou­pant trois films du réalisateur soudanais Ibrahim Shadad, dont Jagdpartie (partie de hantise), une production de l’Allemagne en 1964. Ce film relate l’histoire d’un homme noir pourchassé dans le Brandberg et tué par balle comme un animal.

Le 2e film, Jamal (un chameau), est une pro­duction du Soudan en 1981. Il parle de la vie d’un chameau dans un moulin à sésame. Le 3e film, Al-Habl (la corde), produit par le Soudan en 1985, évoque l’histoire de deux malvoyants marchant dans le désert en compagnie d’un âne, les trois rattachés par une corde.

Il y a aussi deux films du réalisateur Altayeb Mahdi. Le premier, Al-Darih (mausolée), pro­duit par l’Egypte en 1977, raconte l’histoire d’un homme qui prétend avoir le don de guérir les gens. Le second film, Al-Mahatta (la station), produit par le Soudan en 1989, avait décroché plusieurs prix au Burkina Faso, en Tunisie et à Damas.

Le 6e dernier film, projeté dans le cadre de cet hommage spécial, est Wa Lakin Al-Arde Hatadour (mais la terre continue de tourner), du réalisateur Soliman Mohamed Ibrahim. Tourné en 1978, il aborde la vie des écoliers yéménites, à l’époque.

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