Al-Ahram Hebdo : En termes d’audience, quel est le nombre annuel d’entrées au festival ?
Jean-Claude Saurel : Cela fait des années qu’on passe la barre des 165 000 spectateurs, c’est presque une constante. C’est le nombre que peuvent accueillir les salles de cinéma de la ville, mais avec les nouvelles constructions en cours, nous comptons atteindre 120 écrans en 2021. Et ce, au grand profit du Festival de Clermont-Ferrand.
— Le festival doit-il suivre l’actualité, c’est-à-dire choisir son thème en fonction des événements en cours ?
— Pas tout à fait. En 2007, la France a organisé la Coupe du monde de rugby. Certaines voix ont demandé de passer, pour l’occasion, des courts métrages sur le rugby, mais il n’y en avait pas assez. Donc nous avons regroupé des films sur d’autres sports, en même temps que sur le rugby, la boxe, le cyclisme, etc. En 2015, nous avions toute une section sur le vélo, alors je suis entré sur scène à vélo pour prononcer mon discours de bienvenue.
— D’après vous, qu’est-ce qui sert le mieux un festival : compter sur le soutien de l’Etat ou sur celui des sponsors ?
— Le financement fourni par l’Etat est l’épine dorsale de tout festival pour que celui-ci ait une certaine autonomie. L’indépendance est très importante lorsqu’il s’agit d’activités artistiques ou culturelles. Or, le recours aux sponsors implique souvent une intervention de leur part, dans un tel ou tel sens, de quoi influencer les idées initiales d’un festival donné.
— Le festival reflète-t-il les mouvements sociaux existants ?
— Les courts métrages font souvent écho aux mouvements sociaux. Le Festival de Clermont-Ferrand a toujours respecté la pluralité et la variété des sujets, capables de toucher la majorité des spectateurs. A quelques mètres des salles du festival, les « Gilets jaunes » continuent à manifester. L’un de leurs représentants m’a même demandé de mentionner le mouvement dans la cérémonie de clôture.
— Un festival qui reçoit un appui financier de l’Etat peut-il soutenir les mouvements de protestation ?
— Nous avons suffisamment de courage pour défendre nos positions. Nous sommes le plus grand festival international de court métrage, ce qui nous donne la force de suivre nos convictions, loin de tout aménagement politique. De plus, selon le système français, nous recevons les fonds de diverses instances officielles, de quoi varier les ressources et limiter la dépendance.
— Quelle est l’importance du marché du film que propose le festival ?
— Le marché que nous proposons est de nature assez spéciale. Car il est centré autour des courts métrages et constitue la rencontre la plus importante du genre, regroupant les cinéastes, les acheteurs et les représentants de multiples festivals. C’est aussi une bonne occasion de découvrir des films qui n’ont pas été sélectionnés par la direction du festival ou qui n’ont pas été projetés officiellement. Ceux-ci peuvent ainsi être vendus et distribués de par le monde. Les professionnels peuvent visionner ces oeuvres à la bibliothèque des films ; ils y ont accès pendant 9 ans. Les cinéastes ont, eux, la possibilité de savoir qui a regardé leurs films et de prendre contact directement avec ces personnes.
— Les films en compétition officielle doivent-ils obéir à des critères concernant, par exemple, le pays d’origine ?
— Les genres, homme-femme, et les pays d’origine n’ont pas de place dans nos choix. Seule la qualité compte pour nous. Certains pays sont, du coup, plus prolifiques, comme la France, l’Angleterre, l’Allemagne, les Etats-Unis ou l’Inde. Donc, leurs noms se répètent plus que d’autres, mais en réalité, nous n’imposons aucune restriction géographique.
— La Palestine a figuré parmi les participants de la section « Court d’Histoire », qu’en dites-vous ?
— Il y a des films palestiniens de très bon niveau. En l’invitant à « Court d’Histoire », nous avons voulu montrer que nous sommes ouverts à tous les cinémas du monde. Nous avons projeté deux courts métrages palestiniens dans cette section.
— Une dizaine de films en provenance du monde arabe participent tous les ans au festival. Que pensez-vous du court métrage arabe ?
— Je trouve qu’il y en a très peu dans le monde arabe, à comparer avec d’autres régions du monde et à comparer aussi avec la variété de sujets à traiter qu’offre le court métrage. Je pense que le monde arabe doit augmenter sa production cinématographique, ce qui va automatiquement en améliorer la qualité et, par conséquent, il sera plus présent dans les festival.
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