Mossafer Leil (voyageur de nuit).
Demain soir se lève le rideau de la 11e édition du Festival du théâtre arabe, tenue au Caire du 10 au 16 janvier et organisée par l’ATI (Institution du théâtre arabe). Le festival, qui se déroule chaque année dans un pays arabe différent, et dont la première édition s’est tenue en Egypte en 2009, est de retour au Caire.
Puiser dans la tradition, faire appel à l’Histoire et effectuer un va-etvient entre le quotidien et l’héritage culturel du monde arabe sont les principales caractéristiques des spectacles de cette 11e édition. Ainsi, 9 pièces ont été sélectionnées pour représenter la production théâtrale de l’année : Al-Hadsa (l’accident), Al-Maagana (pêle-mêle) et Mossafer Leil (voyageur de nuit) d’Egypte, Taqassim Ala Al-Hayat (variations autour de la vie) d’Iraq, Genounestan (la folie) et Salalem Yaacoub (l’échelle de Jacob) de la Jordanie, Sabah wa Messa (matin et soir) du Maroc, Qamar 14 (la pleine lune) de La Tunisie et Leilak Doha (ta nuit ressemble à ton aube) des Emirats arabes unis. Ces spectacles sont censés offrir au grand public un panorama du théâtre dans le monde arabe.
Leilak Doha de Ghanam Ghanam aborde le terrorisme au nom de la religion. Il s’agit d’un couple marié. L’homme et la femme sont des instituteurs qui apprennent la musique et la peinture aux élèves. Condamnés par Daech, ils sont enfermés dans leur maison. Le message est clair, il ne suffit pas de faire revivre la musique traditionnelle ou d’évoquer la gloire d’antan pour faire face au terrorisme. Autre spectacle qui porte le nom de Ghanam Ghanam en tant que dramaturge, mais qui est mis en scène par Abdel-Gabbar Khomran, est le marocain Sabah wa Messa (matin et soir). Celui-ci évoque la rencontre d’une femme et d’un homme sur un pont. La femme est libre après dix ans de prison, alors que l’homme est désespéré et frustré. La femme aspire à une vie nouvelle et l’homme veut absolument se suicider. L’opposition entre les deux est assez significative. Une histoire d’amour les réunit.
La pièce jordanienne Genounestan (la folie), d’après le texte et la mise en scène de Hakim Harb, aborde les abus du pouvoir. Après la chute d’un dictateur, son opposant prend le pouvoir en main. Sous l’effet d’un pouvoir absolu, il suit le même chemin que son prédécesseur et règne de manière despotique. Le pouvoir engendre souvent ce même cercle vicieux.
D’après le texte de Tchekhov La Salle no6, l’Iraqien Gawad Al-Assadi a mis en scène Taqassim Ala Al-Hayat (variations autour de la vie). Al- Assadi nous met dans la confidence de plusieurs malades mentaux, enfermés dans la salle no6. Le décor se compose de murs, d’une porte et de trois fenêtres, de quoi résumer la situation dans l’Iraq d’aujourd’hui, selon le metteur en scène. Ce dernier condamne clairement l’absence de libertés dans son pays natal. La pièce de théâtre égyptienne Al-Hadsa (l’accident), écrite par Lénine Al-Ramli et montée par Amr Hassan, retrace l’histoire d’une jeune fille kidnappée par un fou. On y aborde le rapport homme-femme et gouvernant-gouverné. Le metteur en scène Amr Hassan mise sur l’humour noir pour assaisonner la pièce.
Appel à l’Histoire
D’autres spectacles programmés lors du festival puisent dans l’Histoire. Ils empruntent des situations du passé, des citations prononcées par des personnages historiques, afin de parler du présent. Le spectacle égyptien Mossafer Leil (voyageur de nuit), monté par Mahmoud Fouad Sedqi, est une adaptation de la pièce absurde du poète Salah Abdel-Sabbour. Celle-ci nous propose de faire un voyage fictif dans un train construit spécialement au terrain de l’Opéra, devant le centre d’Al-Hanaguer. La pièce évoque aussi le rapport gouvernant-gouverné, à travers une suite de dialogues irréels. Sur scène, des personnages anodins, sans grande importance, se rencontrent dans un train, sans destination précise. Il s’agit d’un narrateur, d’un monsieur tout le monde et d’un contrôleur de billets. Ce dernier prend le rôle de l’enquêteur, du chef, d’Alexandre Le Grand, d’un juge, d’un dictateur … et ne cesse de répéter des citations de l’ancien commandant de guerre Al- Hajjaj Ibn Youssef Al-Saqafi sur le pouvoir.
Salalem Yaacoub (l’échelle de Jacob) d’Al-Hakem Massoud traite de l’état de l’homme obsédé par la nouvelle technologie. Le rêve de suprématie, de monter vers Dieu et d’atteindre l’absolu se traduit par une course technologique effrénée. Les comédiens jouent et dansent dans un décor sobre, formant avec leurs corps une scénographie assez riche. La pièce Qamar 14 (nuit de la pleine lune), écrite par Boukatheir Douma et mise en scène par Dalila Al-Moftahi, évoque la nuit de la révolution tunisienne, celle du 14 janvier 2011. Elle retrace la déception du peuple tunisien au lendemain de la révolution. Et ce, à travers le personnage principal qui imagine rencontrer des personnages de l’histoire tunisienne. Une confrontation pleine d’amertume et de colère.
Ayant recours plus au moins à la même technique, la pièce égyptienne Al-Maagana (pêle-mêle) fait aussi appel à des personnages de l’histoire égyptienne, mais dans un contexte plus humoristique. Ecrite par Sameh Mahrane et mise en scène par Ahmad Ragab, la pièce mêle le quotidien des jeunes à des épisodes historiques. Le va-et-vient entre passé et présent cadence la pièce et suscite nombre d’interrogations, notamment sur le sort des jeunes Egyptiens .
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