« Et si ça n’avait pas eu lieu, comment aurait-il été, le monde ? » : 80 artistes internationaux ont créé, autour de ce thème, fil conducteur de la 2e édition de Something Else — Off Biennale. Jusqu’au 15 décembre, le public pourra découvrir ces oeuvres à Darb 1718, au Fostat, et dans d’autres lieux du centre-ville. Avec audace et originalité, les artistes ont été invités à imaginer un monde différent sur le support de leur choix.
« Et si la technologie n’existait pas ? », s’interroge ainsi l’artiste égyptien vivant en Suisse Youssef Limoud. Son installation aménagée sous forme d’un cercle rond, signe d’unité, de complétude, de vie et de renaissance, donne une nouvelle vie à un tas d’objets banals, usagés et collectés en grande quantité par l’artiste. Des coquillages, des pots, des planches de bois, un balai, des persiennes, un pied de table ou encore une arabesque et des ustensiles de cuisine sont exposés ensemble. « Et si la technologie n’existait pas, ce serait le retour au primitif. Les objets formant mon installation sont assemblés d’une manière géométrique bien structurée, qui transforme leur signification. Et ce, pour dire que ces tas d’objets banals et négligés du passé faisaient un jour partie de notre quotidien », explique Limoud. « Et si l’eau du Golfe arrivait à entourer le monde entier ? ». Dans son installation inspirée de la carte géographique, l’artiste égyptien Hamdi Attiya, résidant à Chicago, change, non sans ironie, la carte géographique du détroit d’Ormuz, ce passage stratégique du transport d’hydrocarbures. Dans son installation, Attiya utilise du sable, des pierres et des billes en verre. Le tout est aménagé sur une terre de couleur azur, pour donner au détroit d’Ormuz une nouvelle forme géographique capable de « s’imposer et de régir le monde ». « La force du Golfe, qui peut un jour changer la carte du monde, vole la lumière de l’histoire des pays de la Méditerranée. C’est une force non négligeable », conçoit Attiya.
L’installation conceptuelle de l’artiste français Arnaud Cohen est formée d’assemblage minimaliste d’un baril de pétrole muni d’une lampe, d’une bouche d’évacuation de l’air, d’un robinet et de prises électriques. Au-dessous du baril, l’artiste a installé un plateau triangulaire électrique tournant, posé à son tour sur un socle de couleur noire. « Nous, les plasticiens, nous souffrons aujourd’hui, en France, de la montée de l’extrême droite, de leurs actes de censure qui nous empêchent de nous exprimer », déclare Cohen, dont l’installation s’inspire de l’oeuvre Le Rouge et le Noir de Stendhal. L’histoire d’un jeune homme qui, pour faire face à une situation politique et économique « verrouillée », doit choisir entre la religion (le noir) et l’armée (le rouge). Le plateau noir qu’use Cohen dans son installation représente le monde qui tourne et l’Histoire qui se répète. Le vert, c’est la couleur militaire. Le noir, c’est la religion. Le rose constitue les valeurs du capitalisme occidental où tout est érotisé. « Et si ça n’avait pas eu lieu ? En fait, ça a déjà eu lieu, le totalitarisme continue et se répète de nos jours. Dans cet enjeu, le pétrole est au coeur de l’économie mondiale », affirme Cohen.
« Et si nous arrivions à sauver la terre ? »
« Pourquoi ne pas focaliser la lumière sur le vrai travail qui se passe derrière la scène ? », s’interroge l’artiste brésilien de Street Art, Alberto Parreira. Dans son installation, une série de photos prises par le jeune Moustapha, qui habite le quartier de Fostat et qui travaille au centre Darb 1718, sont exposées. On y voit le protagoniste de Parreira, pris à côté de ses objets personnels : lampe, instruments musicaux, théière, petite casserole de café, fenêtre de sa chambre à coucher …
« Et si la nature était de retour ? »
L’artiste brésilien de peintures murales Amaro Abreu participe également à l’Off Biennale. Son installation, tout en bleu, peinte sur l’un des murs de Darb 1718, montre des plantes, de la mer, des poissons qui volent … tout invite à l’imagination. Dans son oeuvre « Et si nous arrivions à sauver la terre ? », l’artiste cubaine Glenda Leon joue sur les jeux de contraste entre modernité, matérialité, désordre, chaos et richesse de tout un héritage culturel. Son travail s’inspire du poème All Pillars Are Going To Die (tous les piliers vont mourir), du Libano-Cubain Fayyad Khamis. L’installation est formée d’un immense pilier usé de couleur blanche jeté par terre, donnant impression qu’il s’agit d’un héritage ruiné ou négligé. Sur ce pilier, l’artiste a collé d’innombrables petits jouets de voiture en plastique pour enfants, symbole de la société de consommation. Les rencontres entre les filles dans les vestiaires ont inspiré, quant à elle, l’artiste Hana Al-Séguini. Son installation en 3 dimensions est constituée de 6 personnages féminins, de taille humaine, sculptés sur bois, face à un immense miroir. On y voit une fille qui prend un selfie, une autre qui ajuste son voile, une troisième qui met du rouge à lèvres. « Et si nous ne gaspillions pas le temps dans les frivolités ? », s’interroge Séguini .
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