Le Festival international du film du Caire propose une programmation rassembleuse et variée, avec des projections presque non-stop, dont plusieurs débutent ou se terminent par des rencontres avec des protagonistes de cette industrie.
Plusieurs films, étincelants sur les écrans du festival, dressent des portraits de femmes, aussi fidèles que profonds. Le premier de ces portraits féminins vient d’Arabie saoudite, Amra wal Ors Al-Sani (Amra et le deuxième mariage). Ce nouveau film, très attendu du réalisateur saoudien Mahmoud Sabbagh, vient d’être présenté en première arabe dans le cadre de la compétition Horizons du cinéma arabe au Festival du Caire. Il relate l’histoire d’une femme au foyer, Amra, qui, à 44 ans, découvre l’intention de son mari, tout juste à la retraite, de se marier pour la deuxième fois, avec une nouvelle épouse plus jeune qu’elle.
Critiquée par sa belle-mère pour n’avoir « produit que des filles », Amra accepte d’abord calmement le désir de son mari d’avoir une femme qui peut avoir un garçon, mais elle devient de plus en plus choquée et enragée, surtout face à un resserrement des économies et du chaos familial qui survient dans son propre foyer. Elle refuse alors dans son for intérieur de devenir le bouc émissaire et de faire, elle seule, tous les sacrifices.
L’histoire se déroule dans une ville fictive, près d’un champ de gaz où vivent des ouvriers. Il existe des zones similaires en Arabie saoudite, qui accueillent des personnes de tous les horizons et de toutes les classes. Un melting-pot parfait et recherché par le réalisateur, afin de montrer les tensions et les changements qui accompagnent un royaume en pleine modernisation. Côté interprétation, soulignons la belle et délicate performance d’Al-Chaïmaa Tayeb, actrice non professionnelle, dans le rôle de Amra. Travaillant essentiellement dans la publicité et la mode tout en étudiant actuellement l’herboristerie, cette actrice garde une certaine fraîcheur dans sa performance.
Plongée dans le Mexico des années 1970
Le deuxième portrait féminin, encensé par le public et la critique lors de la première semaine de projection du festival, vient de l'Amérique latine et plus précisément du Mexique. C’est celui dressé par le film Roma (Rome), signé Alfonso Cuarón. Ce long métrage, lauréat du Lion d’or pour le meilleur long métrage à la dernière Mostra de Venise, suit la vie d’une employée de maison chez une famille bourgeoise dans le Mexico des années 1970.
Filmé en noir et blanc, Roma est décrit par son réalisateur comme un film semi-autobiographique, inspiré de sa propre vie et de la femme qui l’a élevé et éduqué. Un récit autobiographique camouflé derrière la mise en avant d’un autre personnage, puisque l’histoire est racontée à travers le regard et la vie d’une femme de ménage au service d’une famille mexicaine.
Connu à Hollywood grâce à des films comme Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, Les Fils de l’Homme ou encore Gravity, Cuarón a déjà connu de grands succès. Mais, comme plusieurs artistes, il reste attaché à ses racines et garde un besoin continuel de s’en rapprocher de nouveau, afin de retrouver ses repères, ce qu’il exprime incontestablement dans ce nouveau film.
L’existence de cette femme de condition modeste pourrait paraître quelconque pour toutes les personnes qu’elle croise autour d’elle, toutefois, c’est en la plaçant au coeur de l’attention que Cuarón lui rend justice et lui accorde l’importance qu’elle mérite. Roma s’avère être un film sur la vie avant tout, une vie qui peut être simple ou alambiquée, heureuse ou triste, juste ou injuste. La vie est pleine d’espoirs qui peuvent se retrouver réduits à rien, comme le montre la scène où la protagoniste, Cléo, perd son enfant à l’accouchement.
Une scène jouée à la perfection par la Mexicaine Yalitza Aparicio, qui incarne le caractère de Cléo dans le film, colonne vertébrale autant du script que de l’interprétation. Un portrait d’une femme aux grimaces glaciales, mais dont le coeur reste toujours en ébullition. Un portrait qui nous plonge dans un état de contemplation et de réflexion.
Le dilemme d’une mère marocaine
Toujours sur la femme, ses maux et ses responsabilités tant sociales que personnelles, le long métrage Laaziza, du réalisateur marocain Mohcine Besri, projeté dans le cadre de ce 40e CIFF, constitue une expérience humaine dans une réalité chargée d’émotions, de chagrin et de souffrance. Encore une fois, la présence de la mère est mise en évidence dans le travail de Besri, producteur du film Les Mécréants, film qui a remporté plusieurs prix, y compris le prix Naguib Mahfouz pour le meilleur film arabe lors du Festival international du film du Caire 2012.
Le film— interprété par Rachid Al-Ouali, Omar Lotfi, Sonia Oukacha, Zakaria Atifi et Fatima Azzahra Benasser— raconte l’histoire d’une femme, Laaziza, enceinte de 7 mois et délaissée par son mari. Des années plus tard, quand son fils atteint l’âge d’aller à l’école, le père fait tout pour le récupérer. Laaziza fait alors tout pour défendre son fils et ses droits en tant que mère.
Contre toute attente, elle décide de présenter son fils à celui qui l'a quitté et chassé il y a des années. Un portrait féminin profond, peint soigneusement par un réalisateur connu pour son travail des détails et ses personnages toujours crédibles et intimes. Tant de fresques féminines et tant de chroniques aussi touchantes que variées. A ne pas manquer .
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