Al-Fayoumi, dans son café favori. (Photo: Mohamad Moustapha)
On l’appelle le « guetteur du coeur de la ville ». Contemplatif, il est le plus souvent assis seul sur un café du centre-ville. D’ailleurs, les protagonistes de ses peintures lui ressemblent. Il s’agit du peintre Omar Al-Fayoumi, l’un des visages familiers de la place Talaat Harb et ses bifurcations.
C’est à l’âge de 4 ans que remonte son premier contact avec le centre-ville cairote. Il accompagnait souvent son père, un fleuriste de la rue Talaat Harb, depuis leur domicile à la rue Mohamad Ali (pas loin du centre-ville). Jeune diplômé de la faculté des beaux-arts, en 1981, il a trouvé sa source d’inspiration au centre-ville. « Celui-ci abritait la première galerie d’art contemporain en Egypte : la galerie Bab Al-Louq. Malheureusement elle a fermé en 1987, après l’ouverture économique sous Sadate, pour céder sa place à une banque », s’indigne Al-Fayoumi, 56 ans, qui a connu les beaux jours de l’Atelier du Caire (2 rue Karim Al-Dawla), réputé aussi pour être « l’Atelier des écrivains et des artistes du Caire ». « Celui-ci se situe en plein centre-ville, face au siège du parti du Rassemblement, dans un coin légendaire, témoin de l’effervescence culturelle et politique. Mais il est délaissé depuis 2009, en proie aux conflits de pouvoir entre les intellectuels. D’ailleurs, j’y ai tenu une exposition, en cette année 2009, en signe de reconnaissance à l’endroit de ma formation artistique dans les années 1980 », déclare Al-Fayoumi dont la première exposition a eu lieu à l’Atelier, en 1985.
Pas loin de l’Atelier du Caire, il nous emmène à pied, vers son café de tous les jours : le Golden Star, rue Qasr Al-Nil. Un café « calme » constamment fréquenté par l’artiste, après avoir quitté celui de Zahret Al-Bustan. « Celui-ci est un point de rencontre convivial des écrivains et artistes. Mais il est devenu une colonie commerciale et chaotique, envahie par les disputes et le vacarme. Le centre-ville a complètement changé », raconte Al-Fayoumi.
L’artiste considère le café comme le « thermomètre » de la société, un sujet qui lui est très cher. Il retire de la peinture russe des icônes, les fondements d’une veine populaire de portraits très égyptiens qui ne sont pas sans rappeler les célèbres Portraits du Fayoum. L’artiste peint alors des figures au regard impassible, affligé, égaré et résigné. Et intègre des figures saintes ou sacrées dans le café. Une « désacralisation » du mythe pour l’adapter à la vie des gens simples ! « Le café populaire est un endroit de repos et de vie journalière, dépassant l’espace limité des sièges et des habitués. C’est un sujet qui ne sera jamais épuisé. Je peux passer des journées entières à observer, et ce n’est jamais du temps perdu. Les figures sont les mêmes mais le comportement des gens change », évoque Al-Fayoumi, toujours au Golden Star, derrière lui des graffitis et des annonces publicitaires déchirées. « Je garde quand même espoir. Après la révolution, les jeunes artistes ont admirablement réussi à faire entendre leur voix. Le Facebook constitue pour moi une sorte de café hypothétique ; les gens ne trouvent plus de temps libre pour se rencontrer, alors ils se contentent de ces rencontres virtuelles », dit-il. Sa plus récente série de peintures est d’ailleurs disponible sur sa page Facebook, retraçant différemment ses figures « iconiques », avec une nouvelle allure « animale », avec costume-cravate.
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