Un concert tenu en marge du Festival de Gouna, dirigé par Hicham Gabr.
« La pensée a des ailes. Nul ne peut arrêter son envol ». Peut-on lire à l’écran, sur la dernière image du Destin. Des acclamations dans la grande salle de spectacles. Le public, qui a assisté, la semaine dernière, au concert réservé à la musique des films de Youssef Chahine, a applaudi le courage du réalisateur, qui a voulu défier les fanatiques par cette phrase, et en faisant chanter l’un de ses personnages : « Levez la voix et chanter, tant qu’il vous est donné de vivre et de chanter ». La photo de Chahine embrassait l’orchestre qui jouait, sous la conduite de Hicham Gabr, des extraits de la musique du Destin, Retour de l’enfant prodigue, Le Sixième jour et L’Emigré.
C’est par cette soirée spéciale, dédiée à la mémoire de Chahine, que le Festival international de Gouna a commémoré le 10e anniversaire de la mort du réalisateur mythique. Et ce, un jour après le vernissage d’une exposition, dans le cadre du festival, montrant les diverses affiches de ses films qu’il supervisait personnellement, pour mieux faire passer son message. Chahine qui a brassé tous les genres et tous les styles : du mélodrame, à l’évocation autobiographique, en passant par le cinéma patriotique ou la fresque historique, aimait particulièrement les comédies musicales, mâtinées de fastes hollywoodiens. Pour lui, la musique et la danse étaient comme un carburant qui relançait l’action. « La musique était son langage, tout comme l’image. Il lui attribuait une grande importance, bien plus que les dialogues. Il racontait plein de choses à travers les comédies musicales », souligne sa nièce Marianne Khouri, elle-même réalisatrice et productrice.
Et de poursuivre : « Il faisait le découpage sur la musique. Et lorsqu’il était malade et devait suivre une physiothérapie, il était toujours accompagné de musique. Parfois, il inspirait aux compositeurs, qui collaboraient avec lui, le principal thème musical d’une oeuvre ». Cela étant, l’Institut français d’Egypte (antenne Mounira) a prévu, le 13 décembre prochain, un cinéconcert animé par le trio français NeirdA & Z3ro, qui jouera 20 minutes inspirées du film Gare centrale, en dialogue avec 20 minutes du film, qui sera par la suite projeté entièrement.
Films restaurés
En fait, il s’agit de l’un des multiples évènements prévus afin de commémorer sa mort. Ceux-ci ont commencé au mois de septembre dernier par un cycle de ses films restaurés, au cinéma Zawya-Karim (repris du 3 au 9 octobre). Les queues d’attente devant les guichets étaient spectaculaires. Toute une génération redécouvrait Chahine et regardait ses films au cinéma, pour la première fois. Ce que leurs aînés jugeaient trop compliqué, les plus jeunes trouvaient parfois trop direct.
Il s’agissait des fidèles du cinéma Zawya, mais aussi d’un nouveau public issu des réseaux sociaux, outre les spécialistes et les connaisseurs. « Chahine est un personnage qui prête à confusion. C’était une occasion de revisiter son oeuvre, par ceux qui l’aiment et ceux qui le détestent. Le débat autour de ses oeuvres est très important. Un processus de déconstruction a eu lieu en repassant 21 de ses films restaurés : 10 restaurés en France, 10 en Egypte et 1 en Italie. La restauration d’un film en France coûte 100 000 euros, et en Egypte, 20 000 dollars », précise Marianne Khouri. Et d’ajouter : « La Cinémathèque française tiendra, à partir du 14 novembre prochain, et pendant 3 mois, une rétrospective de Chahine, ainsi qu’une exposition qui lui est dédiée, pendant six mois. Ils nous ont pris nos archives pour les restaurer : ses notes, ses photos, etc.
Ce sera une exposition itinérante. Il y a un comité qui a été créé en France pour organiser cet hommage. On se réunissait tous les 3 mois. C’est le CNC qui réunit toutes les cinémathèques en France et assure la coordination entre elles ». Sur ce, d’autres cinémathèques comme celle de Valence a prévu une mini-rétrospective. Tous les objets, documents et films restaurés, actuellement à la Cinémathèque française, iront probablement à la Bibliothèque d’Alexandrie, afin de mettre en place le musée Chahine, conformément à son souhait. Le réalisateur alexandrin, né en 1926 et mort en 2008, continue à fasciner, dix ans après sa disparition. La danse, la musique, le chant, la conversation et la dispute, le jeu, l’amour, les étreintes, les jeux d’esprit composent son monde toujours bien vivant .
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