Des arrière-fonds transparents cadrent les souvenirs du personnage principal.
(Photo:Bassam Al-Zoghby)
Que faire ? Que choisir ? Faut-il répondre au devoir patriotique ou suivre ses sentiments et son intuition ? Faut-il dénoncer les crimes contre l’humanité ou garder le silence ? Pour certains, les réponses sont évidentes, alors que pour les autres, les conflits internes les tourmentent. Dans la pièce La Dernière heure, donnée à la salle Al-Ghad, l’affaire est bien tranchée. Le pilote, qui a largué la bombe atomique sur Hiroshima, a décidé de faire prévaloir le devoir patriotique, et de mettre de côté ses exploits personnels. Tantôt considéré comme un héros, tantôt comme un criminel, ce colonel a souvent déclaré dans les médias : « Si c’était à refaire, je prendrai la même décision ».
Ce texte du jeune dramaturge lauréat du prix Sawirès 2017, pour l’écriture dramatique, est mis en scène par Nasser Abdel-Moneim. Il mêle les faits historiques à d’autres de son imagination, nous faisant rentrer dans l’intimité du héros, tiraillé par les sentiments de culpabilité et par le devoir. Le dramaturge évoque l’isolement du pilote ainsi que sa désolation. Il nous propose de partager avec le personnage les dernières heures de sa vie. Le pilote est un ex-colonel, relativement âgé, qui célèbre son anniversaire, comme étant le héros décoré par le gouvernement des Etats-Unis. Mais au fond, c’est un pauvre personnage aveuglé par les slogans patriotiques. L’histoire se répète, quelque 60 ans après, pendant l’invasion de l’Iraq et aujourd’hui en Syrie, lorsque les Etats-Unis affirment défendre les droits de l’homme et s’opposer aux tyrans. Le metteur en scène et le dramaturge placent le public dans le passé, pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ils ne manquent pas de faire allusions à la politique actuelle des Etats-Unis. « Le texte, lauréat du prix Sawirès dont j’étais membre du jury, est bien structuré. Il mise sur l’aspect humain d’un fait historique atroce », souligne Nasser Abdel-Moneim dans la presse.
Un va-et-vient subtil
L’enfance du pilote est ressuscitée sur scène, ainsi que son histoire d’amour et sa participation à la Seconde Guerre mondiale. Sur le plan visuel, le personnage principal est presque enfermé dans sa maison. L’espace scénique en forme rectangulaire, assez étroit, est juste cadré par le biais de quelques meubles. Le vieux colonel est bien isolé. Quelques rideaux transparents, utilisés au-devant et à l’arrière de la scène, enrichissent la scénographie. Au départ, ces rideaux transparents servent à projeter des séquences d’archives, en noir et blanc, sur la Seconde Guerre mondiale. Puis, à un autre moment, ils constituent un voile qui enveloppe les souvenirs, qui affluent en flash-back. Ce va-etvient entre la vie actuelle du colonel et ses mémoires rythme la pièce. Les scènes se succèdent rapidement et les comédiens jouent avec brio, en arabe soutenu.Le face-à-face imaginé entre le colonel (Chérif Sobhi) après le bombardement de Hiroshima et une jeune fille japonaise constitue une scène-clé. Cette confrontation oppose les attentes de part et d’autre : les rêves de la jeune fille et les desseins militaires du colonel. Mais ce dernier avait aussi ses propres rêves auxquels il a dû renoncer. Le sentiment de culpabilité remonte à la surface. Furieux, perplexe et rongé par l’atrocité de son acte, il avoue son crime et renonce à l’image du héros qui lui tenait à coeur. Il met à nu son côté féroce et cruel, vers la fin de la pièce .
La Dernière heure sera reprise dans les jours à venir à la salle Al- Ghad, à Agouza.
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