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La diva prie pour Jérusalem

Dalia Chams, Mardi, 12 juin 2018

Faïrouz, la chanteuse libanaise qualifiée souvent de « monument vivant », pleure Jérusalem, la fleur des cités, à laquelle elle a souvent rendu hommage dans une nouvelle chanson à écouter

La diva prie pour Jérusalem
Capture d’écran du vidéoclip de la chanson Jusqu’à quand Seigneur ?

Cinquante ans après avoir chanté Zahrat Al-Madaën (la fleur des cités) à l’honneur de Jérusalem-Est, occupée par les Israéliens au lendemain de la défaite de juin 1967, la diva libanaise Faïrouz a sorti une nouvelle chanson pour la ville sainte, le 20 mai dernier. Il s’agit du single Ila Matta Ya Rabbou (jusqu’à quand Seigneur ?), s’adressant à Dieu, l’Eternel, le suppliant de faire vaincre les faibles et d’établir la justice. Un cri de désarroi que pousse la chanteuse mythique, âgée de 83 ans, en réponse au transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, le 14 mai dernier, et à la grande marche du retour, entamée par les Palestiniens le 30 mars.

Faïrouz et sa fille, Rima Rahbani, laquelle a réalisé la vidéo de la chanson diffusée sur Youtube, ont choisi un psaume de l’ancien testament (chapitre 13, verset 4), afin de faire part de leur tristesse et de commémorer la Nakba (la catastrophe, en allusion à la création de l’Etat hébreu le 15 mai 1948). Le psaume semble d’une grande actualité : « Jusqu’à quand, Eternel ! M’oublieras-tu sans cesse ? Jusqu’à quand me cacheras-tu ta face ? Jusqu’à quand aurai-je des soucis dans mon âme, et chaque jour des chagrins dans mon coeur ? Jusqu’à quand mon ennemi s’élèvera-t-il contre moi ? Regarde, réponds-moi, Eternel, mon Dieu ! Donne à mes yeux la clarté, afin que je ne m’endorme pas du sommeil de la mort, afin que mon ennemi ne me dise pas : je l’ai vaincu ! Et que mes adversaires ne se réjouissent pas, si je chancelle. Moi, j’ai confiance en ta bonté, J’ai de l’allégresse dans le coeur, à cause de ton salut ; je chante à l’Eternel, car il m’a fait du bien ».

Née Nouhad Haddad, le 21 novembre 1935, dans une famille syriaque orthodoxe et maronite, Faïrouz est vêtue de noir dans la vidéo. Elle chante devant une représentation du Christ en croix, laquelle se trouve dans la chapelle du Golgotha, qui abrite la basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Erigée en symbole, la diva apparaît comme une icône. Sa voix est altérée par les ans, mais reste l’une des plus douces qui soient. Elle semble bercer l’humanité toute entière en psalmodiant. Le ton frise la tristesse, loin de l’enthousiasme qui animait la fin de son ancienne chanson, La Fleur des cités, lorsqu’elle scandait : « Dans la grotte, l’enfant et sa mère Marie, deux visages qui pleurent … Et moi, je prie ! La colère foudroyante arrive ! La colère foudroyante arrive, j’en ai la certitude ».

Le respect du sacré

Personne n’a plus la même certitude, dans cette région du monde, déchirée par les tourments. La chanteuse s’en rend compte et se fait toujours la voix des sans-voix. Elle, qui a déjà chanté pour les Palestiniens Al-Qodos Fi Al-Bal (Jérusalem dans mon coeur), Sanarjeou Yawman (on retournera un jour) et Jisr Al-Awda (le pont du retour). Ayant l’habitude des chants liturgiques, Faïrouz respecte tout à fait le cadre sacré de la prière ou de la célébration religieuse. L’expression musicale ne sert qu’à mettre en relief la supplication, voire l’affliction pour l’expérience de la douleur humaine, une expérience que la foi ouvre toutefois à la perspective de l’espérance chrétienne. Le chant et la musique ne sont pas des éléments qui accompagnent la prière, mais l’expression de la prière même. Tout est en connexion étroite pour unir les coeurs et les élever vers Dieu. Et tandis que Faïrouz tient le rôle du prêtre ou du diacre, le chorus acclame « Alléluia », comme le ferait le peuple dans une messe. De quoi mériter l’exaucement de toute prière. Les sentiments sont encore plus forts que dans les cantiques de Noël enregistrés par la diva il y a quelques années.

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