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Quand l’art compte plus que tout

Soheir Fahmi, Lundi, 21 mai 2018

La comédienne Lébléba, dont le talent a brillé dans plus de 80 films, a surpris une fois de plus son public avec le feuilleton télévisé Al-Charie elli Warana (la rue de derrière), qui s’est terminé juste avant le Ramadan. L’occasion de revenir sur un par­cours riche, dirigé par son amour du cinéma, de la danse et du chant.

Quand l’art compte plus que tout

Gracieuse, jolie et accueillante, la comé­dienne Lébléba reçoit ses invités avec le sou­rire. Très rapidement, la glace est brisée et l’on sent qu’on est en pré­sence de quelqu’un de proche. La conversation suit son cours sans difficulté et la comédienne répond aux questions en toute simplicité. Evidemment, l’un des sujets qui s’imposent est le feuilleton Al-Charie elli Warana (la rue de derrière), qui a fait un tabac sur les petits écrans grâce à son originalité et à sa profondeur. Dans cette série, qui mélange le monde des vivants et des morts au point de débousso­ler le téléspectateur, Lébléba tient le rôle de « Mama Elham », l’un des plus marquants et qui n’a pas man­qué de tenir les téléspectateurs en haleine.

Lébléba parle avec affection des circonstances de son choix et du rôle complexe qu’elle a joué, où la méchanceté se lie à l’amour et à la vengeance, mais aussi de son par­cours de comédienne. « Je n’ai pas fait beaucoup de télévision. J’ai uniquement joué dans deux feuilletons avec Adel Imam, mais j’ai surtout fait du cinéma, soit un total de 84 films. Je joue depuis ma petite enfance. Alors que j’étais âgée de 4 ans, j’ai accom­pagné mes parents à une soirée de concours amateurs pour les adultes. Mais dès que j’ai entendu la musique, je suis montée sur une table et me suis mise à danser, sans me préoccuper de qui­conque. J’ai attiré l’attention d’un grand monde, et surtout du réali­sateur Niazi Moustapha, qui était présent. Il s’est précipité de don­ner sa carte de visite à ma mère et de me demander de jouer dans un film. Ma mère, qui était convain­cue de mon talent, a accepté. Elle pensait que je jouerais un ou deux films uniquement. Elle ne savait pas que cela ne s’arrêterait pas », raconte l’actrice.

Elle rit gentiment en évoquant son enfance: « Lorsque les invités de ma mère partaient de la mai­son, je les imitais tous. J’étais très douée pour ça. J’ai joué dans un premier film, Habibti Sousou, puis j’en ai enchaîné d’autres. Anouar Wagdi cherchait une fillette, car Fayrouz avait grandi et ne pouvait plus jouer les rôles d’enfant. Il y a donc eu Quatre filles et un officier. Puis, de fil en aiguille, je suis arri­vée aux soirées de Abdel-Halim Hafez, où je faisais un show sur scène en imitant les comédiens et les chanteurs ». Et d’ajouter : « Personne ne pensait que j’allais continuer sans jamais m’arrêter. D’ailleurs, quelle que soit l’époque, en remontant dans le temps, je me vois toujours en train de jouer, de danser ou de chanter. Je crois que rien d’autre dans ma vie n’a compté plus que l’art. C’est ma vie. Même ma vie per­sonnelle a été scandée par l’art et seulement l’art! Je n’ai jamais voulu que rien d’autre inter­vienne ».

Elle indique que même dans les moments où elle ne joue pas, elle ne s’ennuie pas. « Je n’ai pas de moments de répit, je suis préoccu­pée par un rôle ou la lecture de scénarios ». Et elle confie dans un sourire: « A l’âge de 7 ans, j’ai rencontré le grand Mohamad Abdel-Wahab et je lui ai demandé comment faire pour réussir comme lui et ne jamais cesser de jouer des rôles importants. Il m’a répondu sur un ton ferme: apprends à dire non à tout rôle qui ne te plaît pas et ne fais jamais de concessions. Ce conseil d’or, je ne l’ai jamais oublié et je l’ai appliqué dans toute ma carrière », souligne Lébléba.

Rencontre décisive avec Atef Al-Tayeb

Quand l’art compte plus que tout
Al-Charie elli Warana (la rue de derrière).

Lorsqu’elle parle, on sent sa passion. Ses traits se transfor­ment comme si elle sortait de cette grande maison dans laquelle s’est déroulé le feuilleton, quand elle raconte comment elle a joué dans La Rue de derrière. « J’avais peur de jouer dans ce feuilleton si différent de ce que les gens sont habitués à voir à la télévi­sion. Le sujet était si étrange que j’ai eu peur. J’ai souvent fait des films sérieux, mais j’ai eu peur de ce feuilleton, où l’on parle de la mort et de la vie de manière philosophique. Ensuite, j’ai été attirée par ce rôle, et subitement, j’ai vu l’incarnation de Mama Elham que j’allais jouer, dans ses habits, ses gestes et même sa manière de marcher. D’ailleurs, chez moi à la maison, devant un miroir, par hasard, en lançant un regard dans la glace, j’ai été étonnée de voir que j’étais deve­nue l’incarnation même de cette femme, même lorsque je ne jouais pas », raconte la comédienne.

Mais bien avant de faire ce film, une rencontre exception­nelle a chamboulé la vie de l’ac­trice, celle avec le réalisateur Atef Al-Tayeb. Lébléba se sou­vient: « A cette époque, j’avais joué de nombreux rôles légers de comédie et l’on ne cessait de me donner le même genre de rôles. Car, malheureusement, lorsqu’on réussit dans un rôle, on ne cesse de vous bombarder avec les mêmes rôles. C’est un énorme piège pour l’acteur. Et comme je commençais à mûrir en âge, je ne voulais plus de ces rôles qui n’étaient à la mesure ni de ce que je vivais, ni de l’avancée de mon âge », dit-elle, tout en soulignant qu’elle est une personne très lucide avec elle-même.

Puis elle ajoute: « Atef Al-Tayeb était convaincu de mon talent et j’étais à cette période de ma vie où je voulais passer à autre chose. Ma mère n’était pas convaincue du changement de direction que je voulais effectuer, surtout que je ne savais pas très bien comment le réaliser. En attendant, je me suis lancée dans la chanson pour enfants. Puis subitement, Atef Al-Tayeb m’a envoyé un scénario différent, celui d’une avocate arriviste dans le film de Ded Al-Hokouma (contre le gouvernement). Puis il m’a proposé Leila Sakhéna (une nuit chaude). J’ai alors obtenu 14 récompenses de par le monde. Il m’a fait avancer, mais malheu­reusement, il est décédé dans une intervention chirurgicale ».

D’ailleurs, quand on demande à Lébléba quelles sont les per­sonnes qu’elle aimerait qu’elles la voient jouer dans son dernier feuilleton qui a eu tant de succès, elle répond sans hésiter: « Ma mère et Atef Al-Tayeb » .

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