Chacun dort sur le côté qui l’arrange.
(Photo : Emad Abdel-Hadi)
Elles sont plantureuses et séduisantes. Chacune possède une histoire, est fière de son corps et de sa féminité. Il est question des protagonistes-femmes de la peintre Fatima El-Shiati, exposées jusqu’au 2 mai à la galerie Messadi à Zamalek. Ces femmes, peintes en acrylique sur canevas, rompent avec le quotidien et nous renvoient, non sans humour, au passé.
En fait, chaque peinture illustre un proverbe égyptien très répandu autrefois. « Je pars souvent du proverbe. Puis les personnages viennent tous seuls. Je suis éprise des films égyptiens en noir et blanc, ils me font découvrir la beauté d’antan, une belle époque de respect et d’élégance. Souvent, le dialogue entre les personnages de ces films était parsemé de proverbes, très significatifs et drôles. De quoi refléter l’Egypte des années 1940, 50 et 60. J’aime raviver ces temps », déclare Fatima El-Shiati sur un ton nostalgique. Et d’ajouter : « J’ai puisé dans l’Encyclopédie des proverbes, élaborée par Ahmad Taymour pacha. Une très bonne référence ». El-Shiati situe ses protagonistesfemmes tantôt à la plage, en robe d’été de couleurs criardes, tantôt chez elles, à plat ventre, en train de boire un café. En arrière-plan, des ornementations en bleu et en blanc évoquent souvent le mouvement de la mer. Un oiseau volant perturbe l’ambiance tranquille ; il évacue ses déchets qui polluent le café. Et en haut du tableau est inscrit une interrogation tirée du film Habibi Al-Asmar (ma chérie brune), celle du comédien Stéphane Rushtie : Nachent Ya Faleh ? (as-tu bien visé ta cible, idiot ?).
L’inspiration des proverbes
Une autre toile, inspirée du proverbe Kol Wahed Yenam Ala Al-Ganb Elli Yeriahoh (chacun dort sur le côté qui l’arrange), montre deux femmes endormies sur leurs chaises de plage. L’une a ôté ses lunettes et posé son livre sur ses genoux. L’autre, en turban, a mis son tricot de côté. Friends Are Like Tighs … Always Sticking Together (les amis sont comme ça ... toujours ensemble) est un proverbe anglais illustré avec beaucoup d’humour : cinq femmes obèses, avec de grosses hanches, contemplent l’horizon sur un balcon. Chacune d’elle porte une robe de couleur gaie. Les motifs d’ornementation du balcon évoquent le carrelage des maisons d’autrefois. Dans tous les tableaux, les femmes sont très coquettes et élégantes, avec leurs accessoires dorés, leurs chaussures à talons hauts et leurs lunettes de soleil et fument des cigarettes fines. Pour certaines toiles, El-Shiati a recours au collage. Elle utilise ainsi différents matériaux pour compléter son monde pittoresque et se sert de papiers dorés pour évoquer la chaleur et les rayons du soleil ou encore les accessoires féminins. Sur d’autres peintures, elle utilise des morceaux de bois pour mettre en relief la posture du corps et donner au tableau une certaine vivacité. Ainsi, on retrouve une femme en train de fumer, les jambes croisées en bois et sortant légèrement du cadre. Dans une oeuvre intitulée Le Soleil, le corps de la femme est associé aux images iconiques de Fayoum. Les rondeurs du corps sont mises en relief à l’aide de papier doré et par la présence de perroquets en bois venus se poser sur le corps. Au-dessus de la tête, on trouve un halo comme celui des saints, emprunté aux fameux portraits de Fayoum. La femme chez El-Shiati est un être sacré, une source de beauté, en continu.
Chercher la femme, jusqu’au 2 mai, de 11 h à 20h, à la galerie Messadi, 32 rue Bahgat Ali, Zamalek.
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